Chapitre 10

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Alexandre est paisible et souriant au réveil. Il s'étire sur son lit superposé. « Deuxième réveil chez les barges. » Il regarde autour de lui, nullement étonné. Il s'est habitué, et les caméras ne le gênent plus. Il a l'habitude d'être regardé,admiré. Il connaît son reflet d'éphèbe, et, d'excellente humeur,décide d'en jouer un peu. Fixant la caméra, il pointe ses pecs du doigt, et commence à les bouger en se marrant, révélant des muscles parfaitement sculptés. Il lance un baiser comique à la caméra, et d'un bond très travaillé, saute sur la moquette. Seul le lit superposé des nageurs semble naviguer correctement. Le reste n'est qu'une tempête de draps froissés et de viande saoule.« Quelle soirée... » Bien sûr, il s'est contenté d'aider à porter les bouteilles. Son pote Aymeric et lui n'ont trinqué qu'à l'eau claire et au jus d'orange. Témoins privilégiés d'une déchéance éclair, certainement suivie par des spectateurs avides, ils ont passé tous deux une soirée absolument extraordinaire, à souder leur entente en se foutant de la gueule du monde. La chambre sent l'alcool et la sueur, c'est une infection. Il ne tient pas à profiter de l'odeur plus que ça, et constate en sortant qu'Éloïse et Fanny ont décidé de partager le même lit.Elles tenaient à se soutenir mutuellement en cas de vomi. « Tu me tiendras les cheveux ? » Pas de vomi à l'horizon,« totto bene ! ». Toujours en boxer, il sort de la chambre et se dirige vers le dressing. Il n'a pas vraiment l'embarrasdu choix... Avant de se glisser sous la douche, il fait un saut parla cagibi.

« Monsieur Guide ? »

La réponse est quasi immédiate.

« Alexandre ? »

« Ya la VMC dans cette baraque ? »

Rires.

« Je lance ça tout de suite Alexandre. Les commandes sont toutes regroupées dans le cellier. »

« Putain merci, ça pue le rat crevé dans le dortoir des gars. »

Silence gêné.

« Je passe comment à l'écran ? »

Rires.

« Merveilleusement. »

L'eau chaude achève de le réveiller. Il se savonne, il s'admire, et se repasse les meilleurs moments de la soirée.

 « Ya pas à chier, l'alcool, ça décoince l'ambiance. »

 À peine la nuit tombée, six cadavres de bouteilles de vin jonchaient déjà le sol du jardin. Il avait insisté lourdement pour que tout le monde mange un peu, et commandé à la plaque de fer dix barquettes de frites. Presque personne n'y avait touché. Eugénie avait vaguement picoré. Se souciant fort peu du sommeil du petit Louis, ils avaient ordonné au Guide de « faire péter le son. » Le son avait pété. Leurs tympans en premier. Il avait passé presque toute la soirée avec Aymeric, Éloïse, et Fanny. Dans la piscine, sur les transats, ils s'étaient réellement bien marrés, sur le dos de David en premier lieu, qui était monté se coucher très tôt,malgré les supplications de sa pauvre copine.

 « Aucunepersonnalité. Pauvre meuf. Pauvre type. » 

Ils avaient échangé des confidences sans la moindre retenue, Fanny avait chanté du Patricia Kass, c'était horrible mais tout le monde l'avait applaudie comme si elle était la diva du siècle.

 « Faut dire,fumer en chantant... » 

Éloïse, une fois bien bourrée,s'était mise à brailler :

 « J'emmerde les cons, je mange, jebois, je baise ! » 

Fanny lui avait trouvé un petit air sympa pour rendre ce proverbe édifiant plus dynamique, et il lui était resté dans la tête jusqu'au matin. « Pi pa pou, jemange je bois je baiseuuu... ». Et le point culminant de la soirée : Éloïse et Fanny, en route pour les toilettes. Petit mot bien senti de Pascal, « Ah, les femmes, toujours à deuxpour leurs petites affaires », pendant qu'elles montaient lesescaliers. Elles avaient mis leur chanson vulgaire en veilleuse devant la chambre de Louis, mais étaient reparties de plus belle une fois l'angle du couloir passé. Elles s'essayaient au rap, enmanquant de se pisser dessus. Alexandre les avaient suivies, justepour se marrer. « Je bois. Je baise. J'emmerde quoi ? Les cons ! ». La porte du dortoir des hommes s'était ouverteà la volée, et David, torse nu, en pantalon de pyjama, les avaient toisées de la tête aux pieds.

La maison des Guidés (sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant