Chapitre 14

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À l'instant précis où elle met un pied dans le couloir, David lui rentre dedans, tout juste sorti de la douche. Il la pousse comme un vieux sac :

« T'es vraiment partout où il faut pas... C'est une grande maison, merde ! »

« Recommence pas à te donner en spectacle, c'est pas de ma faute. Le Guide m'a demandé d'attendre dix secondes avant de sortir, pour que tu me rentres dedans. »

« J'imagine que ça l'amuse. Pour ta gouverne, TU m'es rentrée dedans, pas l'inverse. Maintenant laisse-moi vivre, va jouer ailleurs. »

Toute la fougue d'Éloïse remonte à la surface, et elle regrette d'avoir laissé la bouteille de rouge dans le cagibi. Qu'importe, ça fera bien plaisir à quelqu'un. Elle s'est promis de dire ce qu'elle vient d'apprendre à tout le monde. Mais, là, maintenant, elle n'a qu'une seule envie,c'est d'être à l'extrême opposé de ce type. Elle fait volte-face et descend, tant pis pour lui, il aura les infos de seconde main.Tout le monde est rentré au salon, et se comporte comme si rien ne s'était passé. L'air frais de l'extérieur chasse les odeurs de cigarette, une sorte de torpeur a gagné la maison. Petit Louis joue au morpion avec des smarties, et semble battre Eugénie. Elle en profite pour manger les smarties au passage. Alexandre et Aymeric parlent records et entraînements. Anémone les félicite, tandis que Pascal et Fanny ont entrepris de relire les fameux contrats, qui traînent toujours sur la table. Seule Marianne manque à l'appel.Fanny lève les yeux du papier, qu'elle fait très visiblement semblant de lire :

« Tu te sens mieux, la douce ? »

« Moyen, moyen. Faudrait réunir tout le monde, j'ai des infos qui pourraient vous intéresser. »

Tout le monde lève la tête,intrigué, et Eugénie pointe Louis de la tête, en interrogeant Éloïse du regard. Elle lui fait signe que non, il ne vaut mieux pas qu'il reste, et Eugénie invite le petit à monter dans sa chambre.Il embarque les smarties et grimpe les escaliers. Fanny lui demande au passage de faire venir le petit couple de tourtereaux. Louis, quine maîtrise pas l'ironie, se met à crier :

« Le petit couple de tourtereaux ! Les gens vous appellent, en bas ! »

Marianne descend, après quelques minutes. Elle s'était apparemment réfugiée dans la chambre de Louis, qui lui dit en passant qu'elle a une sale tête.David ignore l'appel. Parler en public n'est pas le sport préféré d'Éloïse, du coup elle se sert un cognac pour se donner du cœur à l'ouvrage.

« Écoutez,je viens de causer un peu avec le Guide, et je crois qu'on est plus dans la merde que prévu. Voilà. En gros, je lui ai demandé un service, un truc, dont j'ai besoin, genre, pour ma santé, vous voyez. Il m'a dit que c'est ça le principe du jeu : t'as un besoin vital, d'un truc dehors. Soit tu trouves la sortie et basta,soit tu restes et apparemment il va nous proposer des jeux à gagner pour avoir ce qu'on veut. C'est tout ce que je sais. Moi, même si je veux pas trop en parler, là, comme ça, je sais ce dont j'ai besoin.Pour vous, je sais pas si c'est évident, mais faut se préparer à mériter ce qu'on demande. Va savoir ce qu'ils veulent qu'on fasse.Ça craint. On a été choisi pour ça. Parce qu'on peut pas vivre sans un truc. »

Le silence qui accueille ses paroles est beaucoup moins pesant que ce qu'elle avait imaginé.Comme s'ils avaient déjà tous deviné avant elle. Pascal réagit :

« Je sais pertinemment ce qui me manque. Enfin, qui me manque. Ma femme, Amélie, j'en ai déjà parlé à certains d'entre vous, mais je préfère rester discret sur le sujet. »

Rires narquois dans le salon.

« Le petit, j'imagine que c'est sa maman. Quelle horreur, que vont-ils lui faire faire pour retrouver sa mère ? C'est vraiment tordu. »

La maison des Guidés (sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant