Chapitre 20 - Look in my eyes, you're killing me, killing me

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Jeudi 27 novembre

En ce début d'après-midi, je laissais traîner mes bottines sur la neige qui s'était entassée durant la nuit sur le trottoir, marchant à reculons vers le lycée. Je n'avais aucune envie d'y aller. Après l'évènement de lundi, j'étais restée deux jours cloîtrée dans ma chambre, prétextant à Morgan un horrible mal de ventre. J'étais en colère, belle et bien en rogne face à cette force en moi qui me hantais depuis des années. Depuis deux jours, je me repassais en boucle cette scène dans ma tête, le visage décomposé de Castiel, ces voix qui m'avaient provoqué cette crise devant son regard ahuri. Puis cette phrase, cette seule et unique phrase, « Vous savez pas ce que c'est d'entendre ces voix ». Pourquoi ? Pourquoi j'avais dit ça ? Pourquoi à lui ? Qu'est-ce que j'étais stupide, stupide et inconsciente. Je soupirais, fixant le sol blanc. J'avais tout gâché, moi qui ne voulais pas que ça se sache, j'avais tout déballé sur un moment de colère. Comment ne pouvait-il pas faire le rapprochement maintenant ?
J'étais en colère contre moi-même, mais encore plus contre lui. Comment avait-il osé venir me voir en me forçant à l'écouter alors que lui avait refusé d'entendre une seule de mes paroles ? C'était clairement se moquer de moi. Cependant, malgré nos différents ces derniers jours, je ne pouvais m'empêcher de penser que notre infime complicité d'avant me manquait, mais je ne devais pas craquer. Il m'avait fait du mal et allait devoir me prouver que je pouvais à nouveau croire en lui.
Je relevais la tête, plantant mon regard vide sur le chemin devant moi, le vent glacial m'arrachant des frissons par la même occasion. Je laissais maintenant vagabonder mes yeux sur les passants marchant face à moi, emmitouflés dans leurs écharpes, le regard aussi maussade que le mien. Ils me détaillaient alors, une expression interrogative sur leurs visages, se demandant surement pourquoi je les scrutais ainsi. Seulement, à ce moment même, leurs regards sur moi me dérangeaient. C'est comme s'ils perçaient mon esprit, comme s'ils arrivaient à lire en moi, déchiffrant mes pensées les plus profondes. Je fronçais les sourcils, baissant instinctivement la tête. Ces gens pouvaient lire en moi comme dans un livre ouvert, ils allaient me juger. Tais-toi Lolita, tais-toi. Ils ne doivent pas savoir. J'accélérais mon allure, me sentant oppressée.
J'arrivais bien rapidement devant mon lycée, ça faisait plus d'un mois que j'y étais maintenant, ça relevait de l'exploit. Je ne m'étais jamais attachée à mes anciens lycées, mais celui-ci avait quelque chose de différent. Petit à petit, je m'y étais sentie à l'aise, j'avais rencontrée de merveilleuses personnes, me sentant différente grâce à eux. En passant le portail, j'apercevais au loin la chevelure bleutée d'Alexy avec son frère à ses côtés. Ils me faisaient de grands signes, les voir me mettait déjà de bonne humeur. Je les gratifiais d'un sourire avant d'accourir vers eux et les saluer amicalement.

-Tu étais malade ? Me demanda Alexy.
-C'est rien, j'ai choppée un petit virus de rien du tout. Mentais-je. Rosalya n'est pas là ?

Ils se lancèrent alors un long regard qui ne présageait rien de bon, j'arquais un sourcil, attendant une réponse avant qu'Armin ne prenne la parole.

-Eh bien... tu as loupée quelque chose ce matin. Commença-t-il en laissant planer le suspens.

Je plantais mon regard dans le sien, l'incitant à continuer.

-Ce matin dans la cour, y'a eu une petite altercation entre Debrah et Castiel. Tu sais bien comment il est, il s'est pas mal énervé, on a même cru qu'il allait finir par la frapper, je te jure, il était à deux doigts ! Rosalya est intervenue quand elle a entendue qu'ils parlaient de toi. Ça s'est mal fini entre elles si tu vois ce que je veux dire. Elles ont passés la matinée dans le bureau de la directrice, on l'a pas revu depuis. Finit-il.

J'écarquillai les yeux au fur et mesure de son récit, n'en croyant pas mes oreilles. Castiel se serait énervé contre elle et Rosalya en aurait été jusqu'aux mains, à cause de moi ?

-Eh fais pas cette tête ! Tenta de me rassurer son jumeau en posant une main sur mon épaule. C'est pas de ta faute tout ça, mais plutôt celle de Debrah !

Ces paroles étaient censées me faire sentir bien, mais je ne pouvais pas m'empêcher de culpabiliser. J'avais une certaine appréhension, Debrah s'était maintenant mise Castiel à dos et elle allait surement me le faire payer de la pire des façons. Mon visage s'assombrit alors qu'un léger mal de ventre occurait dans mon être. Ces jours-ci, plus rien allait. À chaque fois que les choses semblaient rentrer dans l'ordre, d'autres problèmes arrivaient. C'était comme-ci je n'avais pas l'autorisation d'être heureuse, rien qu'une seule et unique journée. La sonnerie retentissant me sortait de mes pensées. J'emboîtais le pas des jumeaux jusqu'à la salle de classe où je prenais place. Rosalya n'y était pas, ainsi que Debrah et Castiel.
Je soupirais, reposant ma tête sur une main. Elle avait encore pris ma défense, au risque de se faire coller ou pire, se prendre un avertissement. J'étais prise de remords, je ne méritais pas autant d'attention et de sacrifice. Je savais bien que ce n'était pas entièrement de ma faute, mais c'était plus fort que moi. J'avais pris l'habitude de devoir affronter tous les coups bas et autres acharnements toute seule, sans aucune aide. Alors la voir se démener autant pour moi me faisait bizarre bien que ça me touche énormément. Des chuchotements fusaient dans la classe, je relevais la tête, interloquée. C'est alors que je vis Debrah faire son entrée, un pansement sur la joue et les yeux rougis. S'en suivait Castiel, une lueur froide dans les yeux et la mâchoire serrée. Il balayait la salle du regard avant de s'arrêter sur moi. Il semblait soudainement changer d'expression, arborant une mine mélancolique. Je détournais le regard, ce dernier atterrissant sur mon amie qui arrivait derrière lui. Elle me gratifiait d'un fin sourire avant de prendre place à mes côtés.

Arrêtez ! Je ne suis pas folle ! Non...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant