trois.

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Elle avait la peau pâle et dans ce décor hivernal, tout ce que je voyais, c'étaient ses lèvres peintes en rouge. J'avais toujours trouvé le rouge à lèvres vulgaires jusqu'à ce que je le voie sur cette femme. Elle était belle, cette fille, sur Clarendon Street mais elle ne le savait pas. Personne ne lui avait jamais dit. On avait dû lui dire tellement fois qu'elle ne valait rien qu'elle avait fini par y croire. Et elle était là, maintenant. Seule. Avec son rouge à lèvres pêtant qui lui allait si bien.

Je voulais embrasser cette bouche. Je voulais saisir ses joues rosées et déposer mes lèvres sur les siennes. Je voulais garder une empreinte de ce baiser, une trace sur mes propres lèvres. Je voulais toucher ma bouche et garder un souvenir de la sienne, de l'éclat de son rouge à lèvres à toutes ces choses que je ressentirais quand on s'embrasserait. Parce que ça allait arriver, je le savais.

- Matt, tu viens avec nous ?

On jouait au foot du côté de Hulme Park avec les gars, parfois. Le mercredi soir, surtout, quand on avait fini les cours et que les passants avaient déserté le parc. C'était dix-neuf heures et il faisait déjà nuit noir. Cette fille était déjà là, à quelques mètres de moi. J'avais vu une voiture la déposer un peu plus tôt et je me demandais qui était derrière le volant. Son mec ? Son mac ? Et j'étais en colère. Contre le type qui la balançait sur le trottoir avant de la récupérer au petit matin, le string rempli de billets. Moi, je voulais lui offrir une vraie vie. Un toit au-dessus de sa tête, de l'argent gagné justement et la certitude qu'on ne pourrait plus jamais lui faire de mal.

- Parait qu'elle prend pas cher, commenta un gars qui était avec moi en sciences.

- Comment tu sais ça, toi ? Je lui avais demandé, agressif.

Ca l'avait surtout. J'étais pas du genre à m'énerver et encore moins pour une histoire de putes mais cette fille, c'était spécial. Je l'aimais, je crois. A ma manière. Un peu naïvement, sans aucune conviction, sans n'avoir rien à lui offrir mais je l'aimais. Je sentais mon cœur se serrer à chaque fois que je la voyais trembler dans ses jupes toujours plus courtes et son haut qui dévoilait une trop grande partie de sa peau blafarde.

- On me l'a dit, c'est tout, répondit Steve en haussant les épaules.

Et après, les gars ont pris la direction du parc. J'ai vu cette fille monter dans la voiture d'un gars et j'ai baissé la tête. Ca me tuait de la voir se détruire alors que j'en étais sûr, elle avait pleins de choses à offrir. Mais elle vendait son corps, puisque c'était tout ce qu'elle pensait pouvoir donner aux gens. Un peu de plaisir pour combler sa propre solitude peinte sur son visage.

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