- Souris !
- Mais je souris là.
- Montre tes dents alors.
J'avais levé les yeux au ciel et Eileen en avait profité pour prendre un cliché, un nouveau. Depuis que je lui avais montré le nouvel appareil que mes parents m'avaient offert, Eileen s'était improvisée photographe et je dois bien reconnaître qu'elle était douée. Elle arrivait à capter la magie de chaque instant et à le rendre plus unique encore. C'était un vrai don, une qualité qui lui était propre. Tout ce qu'Eileen touchait dans ma vie se transformait en or, un peu comme la légende du roi Midas mais sans le côté négatif des choses. Mais moi, je peinais à la rendre heureuse, Eileen. L'été se rapprochait et je la sentais toujours plus loin de moi. Je ne pense pas qu'elle cherchait vraiment à s'éloigner mais elle y arrivait, malgré tout. On ne se voyait que le lundi désormais, quand elle n'avait pas de client à la fermeture. Parfois, je l'attendais. Une heure, deux heures... Mais bien souvent, elle ne revenait pas. Elle était comme ça, Eileen, je crois. Fuyante. Une vagabonde en mal de vivre.
- Je peux la garder celle-là ?
J'avais hoché la tête et Eileen avait glissé le cliché dans son portefeuille. J'avais essayé de voir ce qu'elle cachait à l'intérieur mais hormis une carte de bus et quelques livres Sterling, je n'avais rien vu. Aucune photo, aucun objet personnel à l'exception de ce bout de papier froissé que je reconnus. Dessus, son écriture qui avait griffonné les groupes que je lui avais conseillé, le soir de mon anniversaire. J'avais souri malgré moi. Parce que quelque part, Eileen, elle m'aimait aussi. Peut-être pas aussi fort que moi mais je le savais maintenant, elle était amoureuse.
- Là, par contre, tu souris, elle m'avait dit, d'un ton exaspéré et elle avait ce truc avec ses sourcils.
Eileen, elle faisait toujours ce truc avec ses sourcils. C'était impossible à décrire et j'étais même pas sûr qu'elle en avait conscience mais elle le faisait tout le temps. Quand elle était contente, triste, déçue, énervée... Elle avait toujours ce tic qui me rendait fou ; fou d'elle.
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white sheets.
Romance"Elle réalise soudain que la solitude, dans laquelle elle est née, l'oblige à toujours acquiescer. Si elle avait eu le choix - mais ce mot n'existe ni dans sa condition, ni dans son vocabulaire -, elle aurait dit “Non”. Elle l'aurait même hurlé."