Chapitre 1

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Ils déambulaient lentement, telles des ombres aux allures fantomatiques, dans une rue dont les pavés humides luisaient.
Cet après-midi avait été chaotique. Il avait plu comme jamais. Tae avait trouvé refuge sous le store d'un restaurant fermé, accompagné d'un vieux berger allemand. Tout deux étaient bien abîmés. Les poils ternes du chien s'envolaient par touffes épaisses à chaque fois qu'il grattait sa nuque. Il grattait fort. Si fort que le sang perlait sur son encolure. Il portait certainement les griffes à sa peau à cause des parasites et maladies. Mais peut-être qu'en réalité, il cherchait à s'infliger une douleur telle que ses yeux larmoyants le soient pour une raison plus concrète.
Les ongles du garçon étaient quasiment inexistants. Il les rongeait continuellement. En même temps qu'il arrachait des petits lambeaux de peau, il remontait ses manches. C'était une sorte de tic. Dès que ses vêtements salis de tâches d'huile, de sang et de poussière recouvraient ses avant-bras, il les remettait à leur place initiale.
Le pull de maille qu'il avait mis sur ses épaules était trop large et fendu sur le côté. Il laissait entrevoir son flanc. Ses côtes ressortaient. Même assis, son ventre se creusait. Il était d'une maigreur pétrifiante.
N'ayant cependant pas faim, il fixait les gouttes d'eau frapper le trottoir avec violence. Il toussa, laissant entendre son timbre rauque.
Tae aimait voir les premières gouttelettes tomber. Elles se démarquaient des autres. A la fin de leur longue chute, elles s'écrasaient en halos sombres sur le goudron sec. Et l'odeur de la pluie commençait à embaumer son corps entier.
Puis petit à petit, l'averse comblait le reste du sol, le rendant complètement noir. L'atmosphère devenait brumeuse.
A partir de ce moment, toutes les autres gouttes se ressemblaient. Après avoir fui ou s'être plaint de l'existence des précédentes, les promeneurs avaient sorti leurs parapluies et ignoraient les dernières arrivantes. Les gens n'y faisaient plus attention.
Tae se comparait à celles-ci. Ces petites choses insignifiantes que les hommes évitent quand même.

Plusieurs fois, on l'avait repoussé. Bien que dans la plupart des cas, on ne lui adressait pas un mot. Un regard lui semblait même difficilement accordable. Ses yeux vides de tout espoir apeuraient les passants. Mais c'était en partie à cause de ces derniers qu'il n'avait plus grand-chose à espérer. Le contact humain n'était pas rassurant.
Tae était un objet inconnu pour les citadins. Pas une personne.

Il s'était levé après que la pluie se soit estompée. Et maintenant il était là, à errer dans cette ruelle froide, le chien boitant à ses côtés.

Avec les Chiens Errants [VKook]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant