Avec les Chiens Errants [VKook]

Chapitre 5~ [FIN]

Enfin. Le chapitre au complet. Bonne lecture <3

TaeHyung regardait dans le vide, hors de son monde. Son expression avait retrouvé sa neutralité. Mais l'emballement de son cœur ne se modérait pas. Une vapeur délectable l'embaumait encore à le faire frémir, bien qu'elle se dissipait progressivement. Cet unique portrait, lui, était toujours aussi net dans ses pensées. Seulement, en plus du joli visage qu'il se remémorait inlassablement, un sentiment particulier le contrariait. Quelque chose manquait. Et cela l'écorchait profondément. L'impression qu'une entaille venait d'être taillée dans son corps, broyant ses os. Il dû vérifier rapidement que son torse n'ait pas réellement été mis en lambeaux. Cependant, l'absence de blessure ne le rassura pas. Ses yeux devinrent étrangement humides. Il laissa un de ses bras tomber, ses doigts heurtant le sol dans un bruit sec. Sans tenir compte de l'endolorissement de son poing, il se força à fermer les yeux. Il retint ses larmes, la tête largement penchée en arrière. TaeHyung souffla fortement pour tenter de remettre ses esprits en place. Au lieu de ça, il sentit plutôt la pression sur son thorax s'intensifier. Elle l'obligea à reprendre son souffle précipitamment. Il était captif de cette sensation d'étouffement, de la même façon dont il l'était des images qui lui restaient en tête.

Il déplia enfin ses paupières pour s'en libérer, et se mit à fixer de nouveau la fenêtre pour en percevoir l'extérieur. Les étoiles étaient encore là. Mais la couleur du ciel avait changé. Un bleu très pale perçait sur l'horizon. Une lumière ambrée aurait bientôt redessiné la silhouette des buildings. Et le faible rayonnement réchaufferait peu à peu les rues gelées, offrant le jour au paysage. Mais malgré l'embrasement du Soleil, la fraîcheur de la ville serait restée immuable. Un léger voile froid se serait en effet attardé dans l'atmosphère urbaine. Ici, l'hiver semblait éternel.
Le court instant où il avait pu observer la beauté de l'aurore, TaeHyung oublia. Ses rêveries se perdirent sur les bâtiments en contre-jour et la rosée du matin. Les reflets radieux sur le verre des baies vitrées lui rappelaient à quel point il n'avait pas l'habitude de s'aventurer dans ce quartier. Certainement pas à cause d'un manque de curiosité. L'homme aux chiens n'avait pas sa place ici. 
Il se souvint de ses compagnons restés dormir dans le hangar délabré. Qu'espérait-il faire en restant si loin d'eux ? Il passa sa manche sur ses paupières pour en retirer toute l'humidité. Il renifla en se levant discrètement, ce qui n'échappa pas au berger qui dressa immédiatement ses oreilles. TaeHyung pressa son pas tremblant pour arriver à la porte, qu'il tint au vieux boiteux. Allaient-ils tous bien ? Il fut pris d'une forte inquiétude. C'était la première fois depuis longtemps qu'il ne passait pas la nuit en leur compagnie. Son appréhension s'accentua au fil de ses enjambées. Il préféra la cage d'escalier à l'ascenseur. Chacun de ses pieds rattrapait l'autre presque immédiatement. Il empoigna la rampe, y laissa dévaler sa main. Sautant le plus de marches qu'il pouvait, il arriva essoufflé au rez-de-chaussé. Il aurait été plus rapide que son hôte si ce dernier avait emprunté la machine câblée. Il marqua cependant une pause en appuyant sur la poignée de l'accès à l'extérieur. Son hôte. Il entendit son cœur bondir brutalement. Mais il réprima immédiatement sa respiration. Il devait se reconcentrer. TaeHyung savait que se troubler en pensant à lui n'aiderait en rien, et qu'il perdait déjà du temps. Son rôle était d'aller vérifier l'atmosphère du local, car un mauvais pré-sentiment l'habitait. Il dû émettre une hypothèse : ce jeune hébergeur allait comprendre que s'il était parti précipitamment, c'était pour une bonne raison. 

Sur cette seule idée naïve qui lui vint, il sortit enfin du bâtiment. Le vent léger soulevait ses cheveux, dégageant son front où quelques gouttes de sueur commençaient à perler. Ses doigts étaient déjà refroidis, il serra les poings. Sa peau glissait tant elle était moite. Il pouvait sentir ses artères frapper son cou. Et les mouvements anormalement trop fréquents de ses jambes lui tiraient les mollets. Il l'ignora, son but étant de se dépêcher d'arriver à destination. Il ne regarda pas le ciel, ni le sol, ni les façades. Tous défilaient de plus en plus vite. Plus aucun son ne lui parvenait. Plus rien ne pouvait l'intéresser. Ils l'appelaient. 

Un glapissement. Deux. TaeHyung allait exploser. Ses tympans ne percevaient maintenant plus que ces hurlements. Plus que ces geintes, et ces cris qui imploraient. Il finit sa course hors d'haleine. Mais cette fois, il ne tenta pas d'essayer de se calmer. Il tenait à peine debout, secoué de tremblements de peur et de rage. Il entra avec fracas dans le hangar, on s'adressa aussitôt à lui.

"_Toi !"

Cette voix le fit frissonner. Mais TaeHyung ne se préoccupa pas plus longtemps de cet homme. Il vit de ses compagnons à terre. Il vit surtout cette couleur rouge qui ruisselait sur le béton.
Morts. 
Tous les sons qu'il venait d'entendre résonnaient dans sa tête. Ils avaient supplié cet homme de les épargner. Ils avaient hurlé à s'arracher les cordes vocales. Ils s'étaient éteint la voix, prêts à sacrifier le peu qui leur restait. Ils voulaient vivre, aussi pitoyablement que leur sort leur permettait. Plus qu'un simple désir, la lutte était même le sens de cette vie. Le but de l'existence. TaeHyung et eux survivaient ensemble. Aucune vie ne pouvait valoir plus qu'une autre. Ils la méritaient, pour leur acharnement.
TaeHyung pleurait, et le grincement des sanglots sur ses pommettes disparaissait sous le son d'une dizaine de grognements qui bourdonnait encore sous le toit de taule. La détonation d'un coup de feu retentit. Un couinement s'en suivi. Plusieurs sursautèrent. D'autres avaient déjà compris. 

Les éclats vermeilles flottèrent un instant dans l'air. Le sang de TaeHyung ne fit qu'un tour. Il accourut. N'arrivant presque plus à respirer sous le choc, il tomba près du corps allongé. Il passa ses doigts épouvantés dans la fourrure du berger. Il était assommé de vertiges mais il les affronta pour ne pas s'évanouir. Comme il l'avait toujours fait, il se cramponna au pelage grisonnant, appuyant son front contre le museau haletant du vieux chien. Les phalanges de TaeHyung se prenaient dans les nœuds. Il s'approcha encore, voulant lui donner la chaleur que la vie venait de lui octroyer. Mais la cadence de ses inhalations prenait du retard. TaeHyung resserra son étreinte. Ses doigts s'enfonçaient dans cette peau irritée. Qu'avait-il fait pour mériter un tel sort ? De la bouche de TaeHyung sortit une buée bouillante, pleine de rage. La boule de sa gorge ne faisait que grossir et l'étouffait. Il ne pouvait plus voir clairement. Et plus ses yeux s'emplissaient de pleurs, moins bien il pouvait entendre. Il devenait aveugle, sourd, muet. Tous ces sens qu'il voulait rendre au mourant. Même ses paupières auraient espéré devenir une fontaine de Jouvence. Et quand bien même elles ne l'étaient pas, l'eau salée glissait lentement jusqu'aux lèvres du berger. Le chien glapit. Ce devait être la douleur.

En regardant l'homme qui tirait sur d'autres chiens, TaeHyung décida de se relever. De lui faire face. Il tituba plusieurs fois en marchant jusqu'à lui. Puis il le regarda. Et malgré son acuité, il le reconnu ... Comment aurait-il pu oublier ce visage ?
Cet homme d'une cinquantaine d'année. Et ce visage. Ce visage fermé, qui l'intimidait. Un visage triste. Presque macabre. Un visage dont il avait hérité.

_"J'ai fait une faute, avoua le sinistre personnage, la voix se cassant sur chaque mot. Lui aussi pleurait. ... J'ai fait un monstre. Et maintenant, j'ai peur ... J'ai peur qu'il ne se venge."

Il finit ses mots en pointant son arme sur TaeHyung. Ses yeux rouges visaient vaguement.

_"Quand je l'ai vu, je l'ai immédiatement reconnu ... Il faut que je me dépêche. Il me fait si peur."

Outré, TaeHyung reculait lentement en direction du vieux chien. Il marchait à reculons. Mais il tremblait si fort qu'il tomba. Il savait que cette personne ne revenait pas sur ce qu'elle disait. Il était trop tard.

Une nouvelle balle partit. Une fraction de seconde suffit pour qu'il ne sente plus rien. Il n'entendait plus qu'un long son aigu et termina de s'affaler sur le sol. De là, il pouvait atteindre le pelage du berger. Seul euphémisme de sa situation. Il tendit sa main et s'agrippa à la fourrure froide. Il n'avait plus aucune force. Son cœur pompait de moins en moins de sang. 
Il aurait voulu donner sa vie. Uniquement la sienne et que ses compagnons soient épargnés. Ils auraient pu s'en sortir. C'était de sa faute. Mais il n'eut pas le temps d'y penser plus longtemps. Il s'endormait sur un remord. La vie n'aura pas eu la clémence de le laisser partir sur des souvenirs heureux. Même s'il  semble que ces souvenirs soient morts depuis longtemps.

Et maintenant il était là, fermant les yeux, le vieux berger gisant à ses côtés.

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Voilà, c'était le dernier chapitre. Dites-moi ce que vous en avez pensé~ :)
Il sera peut-être suivi d'un épilogue, qui permettra d'éclaircir énormément de choses. Si vous avez des questions sur les relations entre les personnages, n'hésitez pas à les poser :3