Chapitre 3

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Alors que je m'installais à mon bureau je sentais déjà que la journée serait difficile. 

Mes yeux se fermaient tout seul, et lorsque ce n'était pas le cas ils louchaient contre ma volonté. Ce matin là j'avais un cours de géographie, et même si ma professeur mettait de la bonne volonté, je ne crois pas avoir été capable de fixer la moindre carte à ce moment. Je ne savais pas si c'était d'avoir couru pour venir ou le manque de sommeil, mais je sombrais inexorablement dans les bras de Morphée, sans que je puisse y faire quoi que ce soit. 

J'ai lutté comme j'ai pu, cachant la chute inexorable de ma tête dans le creux de ma main. Par chance l'élève devant moi me cachait presque entièrement, et à contrecœur j'ai fini par me décider à fermer les yeux quelques instants. Je pensais ainsi me reposer une poignée de minutes et repartir après comme j'avais coutume de le faire dans ces cas là. A la récréation, je passerai la monnaie dans le fond de ma poche pour m'acheter l'une de ces boissons énergisantes que l'on nous déconseille, mais qui avaient le mérite de nous aider davantage que les remontrances. Mais ça ne s'est pas passé comme prévu. Le sommeil s'est emparé de moi sans prévenir, faisant démarrer sous mes paupières l'aventure la plus étrange qu'il m'ait été donné de vivre.

Dans ce rêve je me réveillais au milieu d'une cour, encerclé d'immeubles aux fenêtres barricadées et haut comme des gratte-ciel. L'endroit était baigné d'une lumière bleutée et froide qui semblait émaner du ciel sombre qui écrasait tout au-dessus de ma tête. Les nuages formaient un tapis inquiétant et lourd, ne laissant filtrer que peu de clarté, mais assez pour que je constate que j'étais redevenu un jeune enfant. Je pouvais le sentir dans mes bras et mes jambes, c'était une impression vraiment étrange ! Je me sentais plus léger, mais aussi curieusement hébété, et enclin à une sorte de mal-être bizarre, comme si... Comme si j'avais envie de pleurer sans comprendre pourquoi.

La douleur de mon dos avait disparue mais pour être remplacée par cette autre, plus insidieuse et difficile à supporter, la douleur morale. Je me sentais mal, vraiment mal. Mes yeux gonflés avaient envie de s'épandre en larmes amers mais n'y parvenaient pas, et dans ma gorge serrée par une sorte d'angoisse mes cris s'étouffaient avant de produire le moindre son. Dans cette prison je n'avais aucune issue, et où que portait mon regard je ne voyais rien de familier. Une atmosphère pesante régnait comme avant un orage et je me sentais oppressé, comme une souris sous les yeux de deux enfants aux intentions malsaines.

La cours dans laquelle je me trouvais semblait s'étendre, serpentant au milieu des colosses de béton et d'acier. Je marchai un moment, à la poursuite d'une sortie, d'une porte...J'aurais même accepté une fenêtre si elle m'avait permis de m'enfuir. Mais où que j'aille, qu'importe la distance, les méandres du labyrinthe ne souhaitaient pas ma liberté. Je tombais invariablement sur des murs, froids comme la glace et rêches comme le granit, sur des impasses ou même la lumière ne s'engouffrait pas. Mon errance sembla durer une éternité, blessant mes pieds et affectant plus encore mon moral, jusqu'à que résonne tout à coup des rires. Des éclats de voix, de joie, si forts et stridents que j'en avais mal aux oreilles.

Ils étaient apparus sans crier gare ni même changer quoi que ce soit au décor, comme on aurait pu l'attendre d'un rêve. Les échos sur les parois de ma prison blessaient mes sens, et même les oreilles bouchées le son était à l'extrême limite du supportable.

Les rires ont duré, une, deux puis ce qui m'a semblé être trois heures, puis des jours, des années. Le temps semblait s'écouler plus rapidement que la normale, marquant pourtant sur mon corps d'enfant puis d'adolescent les traces de son passage, sans qu'à un moment les rires ne cessent.

Dies iræOù les histoires vivent. Découvrez maintenant