Prologue

419 11 0
                                    

J'ai fait la connaissance d'Oliver en classe de terminale, à l'âge de dix-sept ans – si l'on peut appeler faireconnaissance le fait d'être heurtée à vive allure par un crétin en tenue de football américain. 

Mon amie Sally et moi venions d'assister au dernier match de la saison, et l'équipe de notre ville s'apprêtait à fêter savictoire. Sur le terrain, les joueurs chahutaient bruyamment, s'envoyaient de rudes bourrades et couraient dans tous les sens enpoussant des cris de triomphe.

Alors que nous quittions les gradins, un type m'a bousculée si violemment que je me suis lamentablement étalée parterre.La brute en armure a tendu la main vers moi pour m'aider à me relever.


 — Vraiment désolé ! Rien de cassé ? 

— Si, ma dignité... 


J'étais réellement en colère, honteuse d'être ainsi tombée devant tout le monde. 


— Je t'offre un verre pour me faire pardonner, d'accord ? 


J'ai levé les yeux vers le joueur de foot. Il venait d'ôter son casque, dévoilant des cheveux blonds trempés de sueur. Unfilet de transpiration coulait le long de ses tempes. Néanmoins, cela ne m'a pas empêchée de voir à quel point il était mignon.Ses yeux bleus luisaient d'un éclat malicieux, et ses lèvres fines ont esquissé un sourire. 


— Oliver Bieber, a-t-il annoncé en me serrant la main. Enchanté. 

— Cassidy Hopkins. Pas vraiment enchantée... 

— Mais je suis bien décidé à te faire changer d'avis.


Et c'est exactement ce qui s'est passé. Après avoir bu un verre avec lui, je ne le considérais plus du tout comme unfootballeur crétin. En fait, il était plutôt intéressant, drôle, et cultivé. Agacée de tenir la chandelle, Sally perdait patience. J'aidonc faussé compagnie à Oliver, non sans regrets mais avec la promesse d'un second rendez-vous. 


— Eh, Cassidy Hopkins, m'a-t-il lancé alors que je m'apprêtais à franchir la porte du bar, tu me plais beaucoup, tu sais.Vraiment beaucoup.


L'expression de son beau visage, mélange de hardiesse et d'embarras, m'a fait chavirer. Je me suis sentie fondre,exactement comme un cornet de glace laissé trop longtemps au soleil.

 Il y'a eu effectivement un second rendez-vous, qui a donné lieu à un troisième, à un quatrième... et ainsi de suite. 

Bien qu'Oliver et moi ayons fréquenté le même lycée – il n'y en avait qu'un dans notre petite ville de Maytown – jen'avais jamais fait attention à lui avant notre douloureuse collision sur le terrain de football. Je considérais les sportifs commed'incurables idiots et leur préférais des musiciens prétendument tourmentés, des types aux cheveux longs et au teint blafard quicrachaient leur haine du système en malmenant leur guitare électrique. Mais, ensuite, j'ai complètement cessé de m'intéresseraux autres garçons et mon univers s'est mis à tourner autour d'Oliver. Auprès de lui, je me sentais en sécurité, protégée par lerempart de son amour, de sa tendresse et de son affection sans faille.

À la fin de notre cursus universitaire, j'ai enfin rencontré ses parents – et nous avons alors frôlé la catastrophe.J'ai compris pourquoi Oliver avait attendu si longtemps pour me les présenter : Henry et Elizabeth Bieberétaientpropriétaires de plusieurs agences immobilières à travers le pays ainsi que d'un complexe touristique, et se montraienthautains et méprisants envers ceux qui n'évoluaient pas dans les mêmes sphères. 


— Oh, comme c'est pittoresque ! s'est exclamée Elizabeth Bieber en apprenant que ma mère était femme de ménage àMilford, une ville à quelques kilomètres de Maytown. 

— Et votre père ? a demandé Henry, que fait-il ?

 — Il était mécanicien au garage Carver. Il est mort d'un cancer il y'a huit ans. 

— Oh, vraiment désolé... 


Mais Henry Bieber ne paraissait pas désolé le moins du monde. Ce qui le contrariait avant tout était la différence de classesociale – pour ne pas dire le fossé – qui existait entre Oliver et moi. Il avait espéré mieux pour son fils qu'une jeune fille issued'un milieu modeste et qui se destinait au métier, peu glorieux selon lui, de bibliothécaire. Écœurée par cette premièreentrevue avec les parents d'Oliver, j'étais si en colère que je pensais sérieusement à rompre. Il n'était pas question pour moid'être humiliée par la famille du garçon que j'aimais. 


— C'est avec moi que tu vas te marier, Cassie, et pas avec mes parents. Alors oublie-les.

— Me marier ? 

— Eh bien oui... enfin, si tu acceptes de m'épouser. 


J'ai regardé Oliver attentivement, comme pour m'assurer qu'il était bel et bien sérieux. Puis ma colère s'est tout à coupdissipée, et j'ai éclaté de rire. 


— Oui ! Oui, bien sûr que je veux t'épouser. 


Je me suis précipitée dans ses bras, oubliant tout le reste. J'allais devenir Madame Bieber, et c'était tout ce qui comptait.  

Bad GuyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant