CHAPITRE CINQ

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Dans un silence aussi pesant qu'inquiétant, je verse du café dans mon mug sous le regard insistant de ma mère. La connaissant, je sais que si elle me regarde comme ça, c'est qu'elle attend le bon moment pour me réprimander la soirée d'hier. Autant que je m'explique tout de suite avant qu'elle ne dramatise la situation dans sa tête.

_ Désolé de ne t'avoir pas prévenu hier, mais j'avais juste besoin d'air.
_ Et je peux savoir avec qui tu es partie prendre l'air ?
_ Maman, j'ai plus 16 ans... et puis tu les connais pas.

Je sais que c'est pas la meilleure réponse à donner à ses parents, mais ce n'est pas non plus la pire. Si je lui disais que je suis allé à une soirée organisée chez des personnes que je connaissais que depuis quinze minutes, elle s'étranglerait avec son thé. Et d'autant plus si elle avait vu le style de Zain. Ma mère a tendance à juger un livre par sa couverture, même si elle ne veut pas l'admettre. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'elle est hypocrite, mais presque.

_ Excuse-moi de me préoccuper des fréquentations de ma fille. D'ailleurs, je t'ai préparé un autre rendez-vous chez M.Walsh. _ T'es pas sérieuse ?

Je ne comptais pas dire cette phrase à voix haute, mais maintenant que c'est fait, je ne le regrette pas non plus. Je ne comprends pas pourquoi elle s'efforce de gaspiller son argent dans quelque chose qui ne s'avère même pas être bénéfique. Tout ce qu'il fait c'est me poser des questions, et je dois me débrouiller toute seule pour trouver une réponse. Réponse qui me servirait strictement à rien de toute façon. Je ne vais pas encore gaspiller une heure de mon inexistante vie à regarder les mouches voler pendant que Monsieur note je ne sais quoi sur son carnet toutes les deux minutes.

Il en est hors de question.

3 jours plus tard

_ Tiens Danah, qu'est-ce qui vous amène ? me demande M.Walsh après avoir bu dans son mug. _ Vous le savez très bien.

Il sourit en voyant mon exaspération envers ma mère. Je m'installe ensuite à son bureau face à lui, pendant qu'il range une pile de dossier dans un tiroir. Ce type me fait étrangement penser à mon père : la cinquantaine, et une cravate ridicule autour du cou. Je me mets à rire dans ma barbe quand je me rends compte qu'il ne s'agit pas de pois, mais de petits oiseaux qui ornent l'accessoire. Comment il fait pour mettre un truc pareil. Mais je me ressaisi juste avant qu'il relève la tête. Il ne faudrait pas qu'il me prenne pour une cinglée sous peine de finir mon année dans un hôpital psychiatrique. Je sens que ce rendez-vous semblera encore plus long que le précédant.

_ Ecoutez, si votre mère tient autant à ce que vous veniez me voir, c'est surtout pour pouvoir parler à quelqu'un. Et il s'avère qu'écouter les problèmes des gens, c'est en gros mon métier. _ J'ai pas besoin de parler. _ Tout le monde en a besoin. Après, si vous souhaitez tout garder au plus profond de vous-même au point de vous consumer de l'intérieur, je ne peux rien faire de plus pour vous.

Il n'a pas vraiment tort. Je garde tout ce qui me passe par la tête pour moi dernièrement, et c'est pas comme si j'avais une épaule à qui me confier depuis que je suis en froid avec ma mère.

Stupide psychologie inversée.

_ D'accord, je vais essayer de me prêter au jeu.

Qu'est-ce que j'ai à perdre de toute façon ? Ma mère a déjà payé pour les cinq prochaines séances. Autant y participer une bonne fois pour toute et peut-être qu'elle me laissera enfin tranquille. 

THE FORTH FACEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant