Leçon 1 - La rentrée

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Sans le savoir, Florian vivait ses derniers instants de liberté. L'estomac noué à la limite de vomir, le jeune homme fixait sa maison qui disparaissait dans la lunette arrière du bus scolaire. D'un geste sec de l'avant bras, il chassa les bourgeons de larmes qui menaçaient de dévaler ses joues. Bon sang. Il s'était pourtant promis qu'il ne pleurerait pas et voilà qu'il flanchait à même pas deux rues de chez lui. Son rôle autoproclamé d'homme fort de la maison en prenait un coup.

Fouillant son col de chemise d'une main, il agrippa la plaque d'identité qui pendait à son cou. Les phalanges blanchies, il la serra jusqu'à imprimer en négatif dans le creux de sa paume le nom et le grade de son père. « Ton père est un héros petit », avait expliqué le type avec la tenue d'apparat couverte d'assez de médailles pour alimenter six podiums aux jeux olympiques. Un héros, pfûû. Qu'il soit mort en sauvant dix otages ou en se faisant arracher les deux jambes pour rien par une mine au fin fond d'un village afghan, qu'est ce que ça changeait ? Il n'était plus là. Il ne serait plus jamais là et il laissait derrière lui un vide qu'il ne pourrait jamais combler.

Florian secoua la tête, ce n'était pas le moment de ressasser pour la millième fois ces pensées négatives. Si Ben était là, il lui dirait qu'il devrait plutôt être fier parce qu'à un parent près, il avait la même enfance que Batman. Oui, cette remarque pouvait paraître insensible et à peu près aussi idiote que se prétendre "presque Spiderman" après trois piqûres de moustique, mais son meilleur ami était le seul qui n'agissait pas avec lui comme s'il était soudainement fait de porcelaine. Ce semblant de normalité était plus que bienvenu.

Il crispa sa mâchoire, les yeux à nouveau rouges. Mince. A la pensée de Ben, les larmes étaient de retour, avec des renforts. C'est pas possible, si le corps humain est composé de 80% d'eau, je dois être à 85% aujourd'hui, pensa-t-il. Son ami et lui avaient passés toute leur enfance ensemble et ils ne se verraient plus que les week-ends. C'était dur à encaisser. Sa mère lui avait dit que faire son lycée en internat lui serait bénéfique, qu'il se ferait plein d'amis, surtout plein d'amiiiieuh précisait-elle avec un clin d'œil et qu'il pourrait penser plus à lui et moins à elle. Sur l'instant, il n'avait pas voulu lui faire de la peine et avait acquiescé. Maintenant, seul au fond de ce bus vide, il regrettait.


A peine gêné par les cahots de la route, son estomac en vrac ou l'odeur de plastique du siège, Florian commençait à s'assoupir quand un détail le tira de sa torpeur. Un coup d'œil à sa montre lui indiqua que le bus roulait depuis vingt minutes maintenant, pourtant, aucune tête ne dépassait des dossiers devant lui. D'ailleurs, il n'avait souvenir d'aucun arrêt . Mordillant un côté de la plaque d'identité de son père, il tenta de calmer les trépidations nerveuses de ses jambes. De deux choses l'une, soit tous les élèves s'étaient concertés pour sécher le jour de la rentrée, soit il s'était gouré de bus. Chiotte ! Si c'était ça, il était sur d'arriver en retard et de déranger sa mère qui n'avait pas besoin de ça.

Il lui fallait en avoir le cœur net. Agrippé au dossier des fauteuils pour ne pas perdre l'équilibre, Florian entreprit de remonter la travée centrale ; ses pas rythmés par le souffle régulier des arbres défilant à l'extérieur. La vache, on roule drôlement vite, pensa-t-il. A croire que le chauffeur tenait à gagner son statut de champion en appuyant sur le champignon. Une odeur chimique de shampoing bas de gamme l'accueillit lorsqu'il atteint le dos de la silhouette voûtée agrippée au volant du bus. Serrant un accoudoir pour ne pas tomber, Florian s'éclaircit la gorge.

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