Chapitre 1.

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- Heille, Styles, focus, me crie Liam avec un sourire moqueur.
- Mais ferme ta putain de gueule, Payne, on est en train de perdre!

Mon ami patine vers moi et me donne une bonne claque dans le dos, signe qu'il est satisfait de mes performances exceptionnelles au hockey, dont mes trois buts de la journée. J'enlève mon casque et prends une gorgée d'eau. Je jette un coup d'œil au sommaire du match. Non seulement nous allons perdre la partie, mais nous allons aussi être éliminés du tournoi.

-Faut juste nous assurer de rester forts en défensive si on veut s'en sortir..., nous dit Pierre, l'entraîneur de l'équipe.

Je trouve qu'il rêve en couleurs. Effectivement, la sirène de fin de partie retentit sans que mon équipe ait pu marquer de but supplémentaires. Mes coéquipiers viennent me voir à tour de rôle et me félicitent. J'ai encore une fois sauvé l'équipe de la honte malgré la défaite. Je dois reconnaître que, sans mes points, nous n'aurions jamais été aussi bien classés dans la catégorie midget AAA de la ligue municipale dans laquelle je joue.

- On va fêter ça, man? me demande Liam, de retour de la douche. Me semble qu'une p'tite bière nous ferait du bien.

- Fêter quoi? On vient juste d'être éliminés idiot, lancé-je, de très mauvaise humeur.

- Ben, on peut quand même se payer la traite, non?

- Je sais pas..., répondais-je, plus ou moins certain qu'il s'agisse d'une bonne idée. T'oublie qu'on a failli se faire prendre la dernière fois...

Depuis qu'il a seize ans, Liam se croit majeur et passe son temps dans les bars. Frondeur, arrogant & déterminé, mon ami se croit infaillible depuis un moment. Je tente parfois de le suivre dans ses plans pas toujours très intelligents, mais m'inquiète tout de même de la réaction que mon père aurait s'il apprenait que son fils mineur fréquente les tavernes de la ville après les matchs de hockey. Et puis, son attitude baveuse envers tout le monde commence à me taper royalement sur les nerfs. Il peut parfois être tellement méchant qu'il a réussit à terroriser plusieurs élèves de notre lycée qu'il s'entête à insulter.

- Regarde la belle tapette qui a peur de son ombre! me lance Liam en s'habillant. Come on! Arrête de pleurnicher comme une fillette.

-Non, je retourne chez moi.

- Ben, on va se reprendre Samedi soir pour ta fête de dix-sept ans, d'abord. Surtout que ton vieux seras pas là...

Je fronce les sourcils, soudainement inquiet. Je fais beaucoup moins confiance à Liam depuis quelque temps.

- Qui t'as invité, finalement?

- Tout le monde! s'écrie Liam en riant, Surtout la belle Sophia. J'te jure que j'vais finir par l'avoir dans mon lit, celle-là. Regarde-moi bien faire.

- J'pensais que tu voulais sortir avec Danielle?

- Bof, plus ou moins, répond-il en mettant sa casquette. Elle ne veut pas coucher avec moi.

Il s'avance et me bouscule de l'épaule. Je perds l'équilibre et me rattrape de justesse grâce à mon bâton de hockey.

- En tout cas, si j'étais beau comme toi, man, je baiserais tout ce qui bouge. Je comprends pas pourquoi t'en profites pas plus, poursuit Liam en me dévisageant.

Je souris et lance mon sac de sport sur mon dos. Il est vrai que j'ai hérité du meilleur du physique de mes parents. Mes cheveux brun bouclé comme un mouton, mes grands yeux verts émeraudes, ma mâchoire assez carrée et mon corps musclé de sportif attirent beaucoup le sexe opposé. Contrairement a Liam, j'ai l'air tout droit sorti d'une publicité de cosmétique avec ma dentition parfaite, mes lèvres roses et pleines ainsi que mon teint naturellement hâlé (bronzé). Grâce à mes prouesses dans presque tous les sports et à une ceinture noire de karaté, je suis probablement le gars le plus convoité par les filles du lycée, au grand désespoir de mes amis.

En apercevant mon père au téléphone à la sortie de l'aréna, je perds instantanément mon sourire. Il réussit à me mettre de mauvaise humeur sans même m'avoir adressé la parole. Lui seul est capable d'un tel exploit.

Je salut Liam et monte dans la voiture de Desmond, qui ne daigne pas m'adresser un regard.

                                                                                        ***

Je termine de ranger la cuisine, perdu dans mes pensées. J'ai décidé d'aller laver la vaisselle quand mon père a répondu à son portable en plein milieu de notre conversation, à table, ce soir.

- J'ai compté trois buts. Mais on a perdu le tournoi...

- Bravo, m'a dit mon père, désintéressé.

- Écoute, Desmond, j'ai invité des amis pour ma fête, samedi soir....

- Pas d'alcool, pas de fille qui reste à coucher, tout le monde sorti à 11h. M'as-tu compris, Harry Styles? m'a-t-il lancé sévèrement avant que son cellulaire ne sonne. C'est pas parce que je serai en voyage d'affaires que tu pourras te permettre de foutre le bordel dans ma maison.

- La confiance règne..., ai-je marmonné tandis qu'il se levait déjà pour répondre.

Je termine d'essuyer la vaisselle en souriant amèrement. S'il pense que je fêterai mes dix-sept ans sans la moindre bouteille d'alcool et dans le calme absolu, mon père se met le doigt dans l'œil. S'il m'accordait un peu plus d'attention, il aurait peut-être le droit de me donner ce genre de consignes. Mais il n'en a rien à faire de moi. Seul son travail compte pour lui.

Lorsque je passe près du salon, je le vois assis sur le sofa, en train d'écouter la télévision. Je pourrais aller le rejoindre pour essayer de lui parler, mais je décide d'aller dans ma chambre, au sous-sol. Il y a belle lurette que j'ai abdiqué avec Desmond, préférant me concentrer, mettre toute mon énergie dans les sports pour oublier ma peine et ma colère reliées au départ de ma mère. De toute façon, il est difficile, quasi interdit de parler d'elle. Mon père s'est débarrassé de tout ce qui pouvait être associé à sa femme : il n'y a aucune photo, aucun souvenir d'elle dans la maison. Pour lui Anne n'a jamais existé. Il n'en parle pas, n'y fait jamais référence. Je crois que c'est sa façon de vivre sa tristesse. J'aurais aimé qu'il tente de communiquer avec moi, qu'il se soucie un peu de ma propre souffrance. Mais, s'il est lui-même incapable de s'en remettre, comment pourrait-il m'aider?

Je m'assois à mon bureau et sort le roman que je dois lire cette année pour mon cours de français. Je regarde le livre, découragé. Si j'excelle au hockey, au soccer et au football, je suis relativement médiocre en français. Une chance que j'arrive à bien m'en sortir en math et en chimie, sinon j'aurais des ennuis avec la direction.

- Les semailles et les moissons, d'Henri Troyat, murmuré-je à moi-même, vaincu d'avance. Ça me tente autant de le lire que d'avoir une maladie incurable.

Je dépose mon livre et soupire. J'essaie de me remonter le moral en pensant à la fête qui m'attend samedi soir, seul moment excitant de ce triste début de mois de mars qui me rappelle trop le départ de ma mère, il y a neuf ans. Liam s'occupera d'apporter l'alcool et d'inviter des filles. Depuis que j'ai rompu avec Taylor il y a trois mois, mon ami tente désespérément de me trouver une autre copine. Pourtant, je lui ai dit que j'étais bien, célibataire, et que je n'avais pas l'intention de retourner en couple, ma dernière expérience s'étant avérée un lamentable échec. Fière, superficielle et centrée sur elle-même, Taylor était plus occupée à raconter aux autres qu'elle couchait avec le très beau Harry Styles qu'à apprendre à connaitre le Harry Styles en question. J'ai effectivement fait l'amour avec elle à quelques reprises et je n'ai jamais senti que Taylor appréciait mes caresses. Moi non plus je n'aimais pas ça.  Donc au bout d'un moment, j'ai fini par la laisser. Elle a alors semblé plus déçue de perdre son trophée que peinée de ne plus sortir avec moi. Je crois qu'elle sortait avec moi seulement, car ça la faisait bien paraître d'être ma copine...

La sonnerie de mon téléphone cellulaire me tire soudainement de mes pensées.

Au-delà du masqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant