Au-delà du masque

Chapitre 7

Deux ans auparavant...

– Non, non, non...

Je cherche partout cette foutue lettre et je ne la trouve nulle part. J'ai fouillé dans mon sac, j'ai regardé partout au sol et suis même retourné à la salle de bain pour voir si je ne l'avais pas oubliée en me lavant les mains. Il ne faut absolument pas que quelqu'un tombe dessus. J'ai promis à Louis de ne jamais la partager, de ne jamais même en parler. Si j'ai été surpris en la recevant, j'ai été charmé par les mots utilisés pour me faire comprendre à quel point il est amoureux de moi. Je lui ai pourtant si peu parlé dans les dernières années, j'arrive mal à comprendre ce qu'il me trouve, nous qui avons tous les deux des intérêts si différents. Mais la lettre était touchante, magnifique même, et, maintenant, je ne la trouve plus.

J'espère sincèrement qu'elle ne s'est pas retrouvée entre les mains d'un élève de mon niveau, puisque nos noms, à Louis et à moi, y sont bien indiqués.

C'est nerveux et inquiet que je me rends à la cafétéria. S'il fallait que...

Mon cœur s'arrête. Devant moi, il y a des dizaines d'élèves attroupés près du babillard de la polyvalente. Au milieu de ce regroupement, je vois Liam, qui semble bien s'amuser.

– C'est si beau, l'amoooooouuuuur ! s'écrie-t-il à l'intention des autres étudiants, qui essaient tous de lire MA lettre.

Lorsque j'arrive devant le mur, Liam se met à hurler :

– Voici l'homme chanceux !

Tous les étudiants se tournent vers moi. Je suis convaincu de tourner au cramoisi.

– Où t'as trouvé ça, sifflé-je entre mes dents.

– Dans ton agenda, répond Liam avec un sourire épouvantable, me rappelant ceux des personnages de films d'horreur.

– Depuis quand tu fouilles dans mes affaires ?

– Depuis que tu reçois des belles lettres d'amoooooouuuuur à la Saint-Valentin !

Louis passe soudainement devant nous et Liam l'interpelle en lui faisant signe de venir nous rejoindre.

– Ah ! Voilà l'auteur de cette belle déclaration, clame-t-il. Faut quand même avoir du cran pour s'intéresser au plus beau gars de l'école quand on est maigre et laid comme toi.

Tout le monde recommence à rire tandis que j'arrache furieusement le papier du mur. Je le froisse entre mes mains et vais le jeter aux poubelles.

Avec un aplomb déconcertant, Louis continue de marcher sans même regarder Liam. Par contre, il me lance un coup d'œil, le genre de coup d'œil assassin qui vous donne froid dans le dos. Il doit être convaincue que j'ai intentionnellement mis sa lettre sur le babillard.

– Louis !..., m'écrié-je dans sa direction.

Mais il ne s'arrête pas. Malgré les railleries lancées dans son dos, il ne bronche pas et c'est la tête bien haute qu'il va retrouver Josh pour dîner.

J'ai rarement été aussi en colère. Je marche, fonce quasiment sur Liam qui déballe son repas.

– Qu'est-ce qui vient de se passer, Liam ? demandé-je, des couteaux dans les yeux. Pourquoi t'as fait ça ?

– Pourquoi tu m'as rien dit ? répond-il sur un ton plein de reproches.

– Je venais à peine de recevoir la lettre..., me défends-je avec vigueur. Pis t'avais pas d'affaire à fouiller dans mes choses.

– Eille, calme-toi, Harry, me lance-t-il, la bouche pleine. Tu t'intéresses pas à ce gars-là, de toute façon...

Je ne réponds pas et ouvre rageusement mon sac à lunch. Je me retrouve ce midi humilié et sans lettre. Je jette un coup d'œil à la poubelle, et l'envie de récupérer la missive me quitte instantanément quand je vois un élève y mettre les restants de sa lasagne.

C'est que j'aurais voulu la relire. Revoir ces mots si beaux qui m'étaient adressés. Essayer de comprendre ce qui attire tant Louis, alors que je me trouve moi-même tellement ordinaire. Je suis déçu et je sais maintenant qu'il ne me laissera plus jamais indifférent. Le courage dont il a fait preuve m'inspire et je me promets de lui faire savoir un jour à quel point j'ai apprécié son initiative.

Je me retourne vers la table de Louis et, déjà, il ne s'y trouve plus. Je n'essaierai pas de tout lui expliquer, ça ne servirait absolument à rien puisqu'il doit penser que j'ai moi-même affiché sa lettre pour qu'on se moque de lui.

Je prends mes choses et quitte ma place, laissant mes amis à leurs bêtises.