La rentrée

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Nous sommes maintenant le 3 mai et demain c'est la rentrée. J'apprends la réaction de la CPE et me pose beaucoup de questions. La CPE va-t-elle prendre ma lettre au sérieux ? Si elle la prend au sérieux va-t-elle réagir et essayer de faire en sorte que tout ça cesse ? Si elle fait quelque chose elle fera quoi ? Si elle fait quelque chose est ce que ça va fonctionner ? Sinon est-ce que ça va s'aggraver ? Est-ce qu'au final je fais quelque chose de bien ou pas ? Combien de temps ça va encore continuer ? Vais-je pouvoir résister et rester en vie jusqu'à que ça cesse ? Un peu perdue au milieu de toutes ces questions qui ne cessent de tourner dans ma tête.

Je me rappelle qu'il faut que j'en parle à ma mère. Et de nouvelles questions se forment. Est-ce que je vais trouver les bons mots pour ne pas lui faire trop de mal ? Quand je pourrais lui dire ? Comment va-t-elle réagir ? Est-ce qu'elle pourra faire quelque chose ? Et même aurai-je vraiment le courage de dire « maman, je me fais harceler au collège » ? Déjà c'est une phrase difficile à lire alors à dire à sa mère même si j'ai très confiance en ma mère c'est extrêmement difficile.

Mais ça va déjà mieux, d'avoir pris du bon temps avec ma famille. D'avoir trouvé les mots sur mon mal être et principalement d'avoir réussi à en parler. Mais je suis quand même perdue dans mes émotions. J'ai du mal à dormir trop de questions et de stress m'en empêchent. J'ai tout préparé pour demain. A bout de plusieurs longues heures, j'ai enfin réussi à fermer l'œil.

Le lendemain, j'ai tellement d'appréhension que je me réveille avant mon réveil. Après une heure de trajet où je me suis un peu vidée la tête avec de la musique, j'arrive au collège et je n'ai même pas passé le portail que le cauchemar recommence ! Les élèves recommencent déjà les insultes... alors que je n'ai rien dit, ils m'ont à peine vu.

J'arrive dans le hall, tête baissée et j'aperçois la CPE dans le hall et lui donne la lettre en lui disant que c'est important, qu'elle la lise sérieusement. Je continue ma route tête baissée. Le cours est long mais au bout de trois quart d'heures, la CPE rentre dans la classe. C'est pour moi, je sors de la classe et elle me dit qu'elle a lu la lettre et que oui elle va réagir. Soulagement, au moins elle a pris et réagit à la lettre que je lui ai écrite.

Elle m'emmène à l'infirmerie, en m'expliquant que c'est pour que j'aille mieux psychologiquement, que je puisse en parler librement. En fait, j'ai passé plusieurs heures à attendre et on a quand même réussi à parler un peu. Elle m'a simplement dit que ça ne se voyait pas car je savais garder le sourire et m'a interrogé sur l'identité de mes harceleurs. Et m'explique qu'il est primordial d'en parler à ma mère.

Ensuite j'ai dû aller manger et il fallait traverser la cour de récréation pour accéder à la cantine. Un geste d'apparence simple, pas lorsque l'on se fait harceler, c'est l'un des pires moments. En quelques mots simples, c'est horrible, terrifiant. Donc, j'ai pris mon plateau et comme d'habitude je m'installe à une table à l'écart, seule. Je n'ai pas faim donc je me force à manger un petit peu quand même. Mais après deux, trois bouchées, j'ai l'impression que si je mange plus je vais vomir donc j'arrête et sors de la cantine, pointée du doigt.

L'infirmière m'avait demandé d'aller voir la CPE après avoir mangé. J'exécute. Je vais devant le bureau de la CPE et toque. Elle n'est pas là. Je vais timidement demander au surveillant qui se trouvait dans le hall s'il savait où la CPE était et il me répond qu'il ne savait pas d'un ton assez agressif et me demande de sortir.

Je sors et passe un long moment difficile dehors avec les autres. J'essaye de faire comme si de rien n'était. La CPE arrive enfin, je vais dans son bureau. On parle un peu de la lettre, elle me dit que pour écrire quelque chose comme ça il faut avoir des couilles. Honnêtement, ça fait plaisir mais c'est inapproprié à la situation. Puis elle me demande qui sont mes harceleurs. Elle m'explique qu'elle va les convoquer pour leur demander d'arrêter sinon ce sera puni. Mais je m'y suis pris un peu tard et qu'elle n'est pas sûre qu'elle puise faire grand-chose.

C'est la fin des cours, je n'ai pas été trop présente en cours aujourd'hui. Mais c'est un bon début, ils ont l'air de bien réagir pour le moment. Mais est-ce que ça va continuer dans ce bon sens ou ça va déraper. Je rentre chez moi, je dois parler à ma mère. Demain, il y a le brevet blanc, donc je décide de regarder deux, trois choses que j'ai un peu oubliés. Je relis la plupart de mes cours. Il commence à se faire tard et je n'en ai toujours pas parlé à ma mère. Je me couche, je n'ai vraiment pas trouvé les mots et le moment pour le dire à ma mère. En attentent, il faut que je dorme bien pour être en forme demain. Et demain, il y aura moins d'insulte... parce que pendant les épreuves il y a un silence.


Un combatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant