Chapitre 3

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May et Britt Hudson, toujours semblables à elles-même, sont bras-dessus bras-dessous, leurs plateaux chacune dans une main. Malgré le fait qu'elles soient mes amies, elles m'ont toujours fait penser à ces chats siamois malsains que l'on voie apparaître dans les films de malédiction. Elles avaient toujours l'air de pimbêche à l'affût d'un mauvais coup. Mais là, c'était pire, elles semblaient déchaînées, leurs grands yeux bruns lancent des éclairs dans toute la salle, et leurs boucles châtaines virevoltent dans tout les sens tandis qu'elles se trémoussent ensemble à la recherche d'une place libre. Layla et Sam, à ma grande surprise, sont eux aussi main dans la main. De tout le groupe, Layla à toujours été la plus posée. Elle a toujours été celle qui sauvait les jumelles des situations inconfortables dans lesquelles elles se metaient. Elle a toujours été resplendissante. Et elle l'est encore plus au bras de Sam.

Sam, j'étais amoureuse de lui au primaire. C'est le genre de gars, beau, blond, qui attire toute les filles. Il joue les gros dûrs mais au fond, il est doux comme un agneau, et bien que je n'aurais jamais pu le concevoir, je suis heureuse de le voir maintenant avec Layla.

Et enfin, Tom. Celui qui me faisait chaque jour pleuré de rire. Ce qu'il aime plus que tout? Ses amis. Ce qu'il déteste? Tout le reste. C'est lui qui se prend en pleine face la porte que l'on oublie de tenir, lui qui trébuche sur le stylo oublié et sur les emballages abandonnés. Lui qui revient de la plage rouge comme un écrevisse et de la montagne avec une grippe violente à en assommer un cheval. En bref, Tom, c'est le malchanceux du groupe. Et malgré tout, il a toujours cette joie de vivre, ces étoiles dans les yeux. Et c'est bien ce qui le rend si attachant.

C'est d'ailleurs lui le premier à me remarquer. À la base, il n'avait pas fait attention à moi. Il avait juste posé son plateau sur la table, en vérifiant si il y avait de la place pour tout le monde. Puis il avait tourné la tête.
Et si il n'avait pas eu la chance d'avoir déjà posé son plateau, celui-ci se serait sûrement retrouver par terre.

-Amb-b-b-ber?

Je ne l'ai jamais vu trembler autant. Incrédules, les jumelles, Sam et Layla, posent leurs plateau à leur tour, et me dévisagent. Je n'arrive pas à déchiffrer leurs expressions. J'ai tellement peur de leurs jugements. Pire, j'ai peur d'eux.

Je m'attends à des reproches. Ou peut-être qu'ils vont me prendre pour un fantôme, qu'ils vont m'ignorer. Après ce qui s'est passé, ce serait normal, je ne pourrais pas le leur reproché. Un lourd silence pèse à notre table, semblable à tous ceux qui règnent chaque fois que j'entre dans une pièce.

-C'est pas possible, lance Layla, un peu comme une question, pour s'assurer qu'elle ne rêve pas.

Mon regard balaye timidement la table. Je vois les jumelles se pincer l'une l'autre, Tom au bord de l'évanouissement, Layla et Sam les larmes aux yeux, et Kyle, aussi silencieux et distant qu'il est possible de l'être. J'ai fait mon petit effet on dirait.

-Salut, je balance d'une voix mal assurée, pour briser le silence qui m'intimide tellement.

Je n'obtient aucune réponse. Devant le silence de mes amis, le brouhaha de la cafétéria m'arrive comme une cacophonie de l'enfer. Je veux les entendre parler. Je veux entendre leurs voix. Je veux qu'ils arrêtent de me fixer comme si j'étais une revenante, même si, en quelque sorte, c'est ce que je suis.

-S'il vous plaît... (je chuchote presque). Arrêtez de me regarder comme ça...

Durant quelques instants, Layla semble chercher ses mots.

-On... On ne savait pas que tu revenais...

-Ça s'est fait au dernier moment, je répond.

-Amber, intervint Britt. En quatre mois, on n'a eu aucune nouvelle. On nous a dit pour ton accident de voiture. On pensait tous que tu était morte.

-Britt! Lance Layla sur un ton de reproche.

-Britt a raison, coupe Sam d'une voix douce, mais ferme. On mérite une explication.

-J'étais... Dans le coma, j'explique difficilement après une pause, la gorge nouée. Je me suis réveillée la semaine dernière. Les médecins ne s'y attendaient pas, alors ils m'ont fait passer des tas d'examens, et je suis rentrée chez moi avant-hier. Ma mère a insisté pour que je reprenne les cours, elle ne voulait pas que je reste inactive. Elle ne vous a rien dit pour mon coma, parce que...
Elle n'était pas sûre que je me réveille, et elle ne voulait pas que vous souffriez avec elle. Elle voulais que vous fassiez votre deuil. (Ma voix se brisa). Au cas où...

-Oh, Amber... Murmure Layla avant de se lever pour me prendre dans ses bras. Une vague de chaleur m'envahit, mais en même temps, je me sens terriblement mal à l'aise. J'aurais peut-être dû leur dire la vérité.

Mais je leur ai menti et il est trop tard pour rectifier.

Amber Où les histoires vivent. Découvrez maintenant