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J'étais dans la forêt que j'affectionnais tant, mais tout était d'un calme inquiétant. Plus les nuits filaient, moins j'en savais sur cette sylve étrange. Au bout de quelques minutes, je me mis en marche vers la bâtisse blanche. Je me déplaçais ainsi dans ce bois, quand soudain, une lumière attrapa mon regard. Je vis une sorte de silhouette, les pieds bien ancrés dans le sol, et elle me pointait du doigt. Je continuai à la regarder, tout en me rapprochant. Plus j'avançais, plus la silhouette devenait nette et moins lumineuse. Quand enfin je fus à quelques mètres de celle-ci, je découvris le visage d'un jeune homme. Il avait à peu près mon âge, et ses yeux étaient brillants. Je m'arrêtais en face de lui, et il ouvrit la bouche. Un air d'une douce fraîcheur en sortit et parvint à moi. Dans ce souffle divin, je pus entendre ces quelques mots : Suis moi, je peux t'aider à choisir. Suite à ce message pour le moins énigmatique, l'adolescent commença à marcher, en direction de la bâtisse. Je ne lui dit rien, mais le suivis. Il m'intriguait, tout comme les portes jumelles, les deux horloges et le bâtiment blanc. Quand enfin il s'arrêta, il se retourna et me regarda. Nous étions arrivés là où j'allais à chaque fois. On monta le perron, les tasses étaient placées différemment. Quand je regardais à l'intérieur, le thé n'était pas servi. La théière était là, et quand je posais ma main dessus, je la retirai immédiatement, en poussant un petit cri étouffé. Elle était bouillante, alors qu'elle ne l'était pas la dernière fois ! Je jetai un regard vers le garçon qui me regardait également, mais d'un air interrogateur.

« C'est très chaud ! »

Il continua à m'observer, et inclina sa tête.

« Qu'est-ce que ça veut dire ? Les autres fois, les autres nuits, le thé était servi et il était tiède, voire froid ! »

Il ne broncha pas. Au contraire, il redressa sa tête, mais continuai à me regarder, chose qui m'agaçait et me gênait au plus haut point. Je respirai à fond pour me calmer.

« Qui es-tu ? »

- Je suis ton guide.

- Je ne suis pas perdue.

- Un choix tu dois faire. Entre deux portes ton destin va se jouer.

- D'accord... C'est vrai que je ne sais pas comment je dois trancher entre les portes jumelles. Mais je n'ai pas besoin de toi. Qui es-tu d'abord pour prétendre m'aider ?

- Je suis ton guide .

- Tu l'as déjà dit. Tu as un nom ou c'est juste "guide" ?

L'expression du garçon changea. Un flash lumineux m'aveugla un instant et quand j'ai rouvert les yeux, ce fut un vrai adolescent que j'avais en face de moi. Il avait les cheveux bruns comme ses yeux et une grande mèche lui encadrait le visage du côté gauche. Il était un peu débraillé, mais cela lui allait à merveille. Il me regarda, et un sourire se dessina sur ses lèvres.

« Tu veux savoir mon nom ? Il est vrai que je ne m'appelle pas "guide" ! Je suis Ulrich. Je suis ravi de te connaître Emma !»

- Comment connais-tu mon prénom ?

- Étrange, non ?

- Plutôt...

- C'est moi qui t'ai envoyé la montre à gousset. Du thé ?

Sans que je puisse répondre, il se saisi de la théière, et nous servi deux tasses. Il m'invita à m'asseoir, chose que fis. Il me tendit une tasse, et garda la deuxième pour lui, qu'il commença à siroter tout en s'asseyant en face de moi.

« Bon. On a peu de temps avant que tu viennes ici. »

- Quoi ? Mais je suis là !

- Tu as la montre à gousset en argent avec toi ?

- Oui, mais sur mon lit. Je la regardai avant de m'endormir.

Ulrich eut un petit rire jaune.

« Parce que tu crois que tu dors ? »

- Je ne comprends plus rien...

- C'est normal de ne pas comprendre. La séparation entre nos deux mondes est plutôt étrange.

- À qui le dis-tu ?

- Tu m'as dit que tu avais la montre avec toi, c'est ça ?

- C'est exact, mais je te le répète, elle est sur mon lit !

- Tu peux me la montrer s'il te plaît ?

- Je t'ai dit qu'elle était sur mon lit ! Ne m'écoutes-tu pas ?

- N'as-tu rien remarquer de plus par rapport à la dernière fois ?

- Tu es là, n'est-ce pas suffisant ?

Il rigola, mais redevint rapidement sérieux.

- Dans ta poche.

Je plongeai ma main dans ma poche de jeans.

- Il n'y a jamais rien eu dans ma poche et c'est toujours...

Stoppée net dans ma phrase, je sortis ma main, et un petit objet avec. Je desserrai mes doigt et découvris la toquante en argent.

- Je peux la voir ?

Encore sous le choc de la découverte, je ne bougeai plus, ignorant totalement la requête d'Ulrich. Je fixai la montre interdite. L'adolescent me regardait et prit un ton réconfortant.

- Ça va ? C'est normal d'être effrayé ici. La limite entre les deux mondes est très... fine ; d'où l'apparition de l'horloge de poche dans ta chambre et son retour ici.

Il continua de parler, tandis que je restai muette de stupéfaction. Soudain, il se leva brusquement, et descendit du perron. Il semblait scruter la forêt, et attendre quelque chose d'horrible. Puis, il se retourna, me regarda avec ses yeux effrayés et redevint luminescent. Je m'apprêtai à l'aider, à m'élancer pour lui demander de m'expliquer ce qui se passait, quand il hurla. Un cri strident, un souffle puissant dans lequel j'entendis sa voix.

- Choisis Emma !

Sur ce, je fus projetée en arrière. Ma tête heurta le bout de mur qui séparait les portes jumelles. Ma vision se troubla, mais je pus voir Ulrich tomber au sol inconscient. Ce fus la dernière chose que je vis...

ImmortelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant