... Mais si loin

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Les jours avaient passés et j'avais de plus en plus fuis mon colocataire. Je tentais d'ignorer les regards tristes qu'il me lançait de temps en temps mais tout cela était à la limite du supportable.

C'était dans cette atmosphère tendu que nous étions partis rejoindre Siana à Paris. Malgré tout, le séjour s'était bien déroulé si on oubliait le froid mordant qu'il y avait eu. Le temps passé à Disneyland ainsi qu'à la Paris Games Week m'avait marqué et les rencontres que j'y avais faites me galvanisaient pour mes futures expériences de youtubeur. J'avais beaucoup appris et avait eu la possibilité de rencontrer mon "public". Je n'avais jamais su décrire la relation entre eux et moi, je ne les connaissais pas personnellement mais eux, en arrivaient à me considérer comme un ami. C'était paradoxale.

C'est ainsi qu'après de bons moments passés à Paris, nous rentrâmes dans notre appartement et que nous nous mîmes à vider nos valises chacun dans nos chambres respectives.

"- Tu n'as rien oublié, pas vrai ?"

Je sursautai à l'entente de la voix de Mickaël. En me retournant, je le vis appuyé au cadre de la porte, me fixant d'un regard triste.

Il avait raison. Je savais de quoi il parlait et je n'arrivais pas à effacer de ma mémoire tous les mots qu'il m'avait dit, à faire comme si de rien n'était. Au fond, je me sentais trahi. Il n'avait pas le droit d'anéantir la belle et franche amitié qu'on entretenait depuis plusieurs année déjà. C'était du gâchis pur et dur, et nous n'avions plus aucune chance de rattraper les erreurs. La limite avait été franchise et pas qu'à moitié.

Alors, je me détournai de lui et jouai la carte du silence. Il n'y avait plus besoin de parler. Et s'il avait vraiment besoin de savoir quelque chose, il n'avait qu'à lire en moi comme il le faisait à chaque fois.

"- J'imagine que c'est un "oui"... soupira Mickaël. Et si je te demande si tu as des médicaments pour la fièvre, tu daignerais me répondre ?

- Dans la poche extérieur de ma valise, répondis-je sans relever la pointe d'amertume dans la voix de mon ami."

Le silence plana un moment dans la pièce finalement rompu par sa voix :

"- Merci."

Ce mot prononcé de façon radoucie me détendit un peu. J'eus presque l'impression de revenir dans le temps et de gommer les événements indésirables. Presque. Car le silence retomba peu après, toujours aussi insoutenable que le précédent.

Il quitta alors la pièce après avoir pris ce qu'il voulait tandis que je continuai de vider mes affaires. Nous étions à nouveau seul, chacun de son côté.

Plusieurs heures étaient passées quand j'entendis un fracas dans la cuisine et m'y précipitai. En y rentrant, je vis Mickaël se tenant au lavabo d'un geste faible, les pieds entourés de débris de verre. Il tremblait et semblait avoir du mal à rester debout.

"- Micka ?"

Une quinte de toux me répondit. Elle secoua l'intégralité du corps affaibli de l'interpellé qui manqua de tomber.

"- Ça ne va pas ? dis-je en m'approchant de lui et en le soutenant par les épaules."

C'était notre premier vrai contact depuis les événements récents. Ça faisait vraiment bizarre. Je le sentis secoué d'une autre quinte de toux et le maintenai du mieux que je pouvais. Il avait l'air bien malade.

"- Désolé d'avoir cassé un verre... Il m'a échappé des mains. J'en rachèterai un, promis."

Il avait murmuré ces mots d'une voix faible et penaude. La maladie ne l'arrangeait pas. Il avait l'air de s'en vouloir pour tout, peut-être même s'en voulait-il d'être encore à mes côtés...

"- Viens, tu as besoin de te reposer."

Je l'accompagnai jusqu'à sa chambre en le soutenant et l'aidai à se poser sur son lit. Il s'assit sur le rebord en me remerciant dans un souffle. Je l'avais rarement vu aussi faible. Il devait être vraiment malade...

Je restai à ses côtés le reste de la journée et de la nuit, le veillant et tentant de faire baisser sa fièvre. C'était bizarre de prendre soin de lui, ça avait toujours été l'inverse. Et c'est pendant ce temps passé à m'occuper de lui que je réfléchis à nous. Je ne savais plus comment définir notre relation. En y repensant, tout avait été toujours trop ambiguë... Cette situation semblait inévitable. Nous avions toujours été intrigué l'un par l'autre dès la première rencontre. Peut-être que nous étions voués à en arriver là...

Est-ce que je voulais qu'il sorte de ma vie ? Non. Est-ce que j'étais prêt à avoir ce genre de relation avec lui ? Non plus. J'étais égoïste. Je voulais garder à jamais cette amitié. Elle était précieuse pour moi. Il était précieux pour moi. Et je savais que cette volonté allait nous détruire.

"- Grégoire ?"

Il s'était réveillé. Il semblait aller mieux mais son visage était toujours endormi et affaibli.

"- Je suis là Micka.

- J'ai froid..."

Je commencai à me lever pour aller chercher une bouillote quand il me retint par le poignet et m'attira contre lui. Je fus surpris et retomba violemment sur le lit. Je lâchai un gémissement de douleur tandis qu'un rire s'échappa de sa gorge. Puis, il passa un bras autour de ma taille et m'attira contre lui.

"- Juste un moment s'il te plaît..."

Je ne répondit rien, décidant de lui accorder ce câlin. Ce n'était rien, rien de plus qu'un autre moment où l'on dépassait la limite. Cet instant dans ses bras s'étira. De "Juste un moment", il passa à plusieurs heures. Je passai tout ce temps dans ses bras où je m'endormis, protégé du monde entier.

J'aimais être dans ses bras. C'était accueillant...

Souriez, vous êtes screenésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant