« Le plus important, au final, ce n'est pas l'entente mutuelle. Ce qui importe réellement, ce sont les liens invisibles qui nous relient et nous rassemblent quelque soit la distance. »
Une légère bruine perpétuelle tombait sur le village encore endormi de Kamakura. Le frimas, présent depuis l'aurore, prévenait l'apparition précoce de l'hiver, au grand dam des habitants. Non seulement celui-ci arrivait tôt, mais s'annonçait également rude, au vu de la température baissant rapidement en ce mois d'octobre. La froideur matinale avait fait ressurgir les écharpes colorées et les bonnets en laine, devenus désormais indispensables. Dans les rues glacées et peu fréquentées, on n'apercevait que les écoliers contraints à se rendre en cours et les adultes rentrant d'une nuit de travail. Les visages étaient pour la plupart renfrognés, traduisant l'obligation de se rendre dehors dans le froid hivernal, et non l'envie. Les démarches se faisaient rapides et les pas, saccadés, afin de se rendre le plus vite possible dans un foyer ou un endroit chaud.
Il y avait encore quelques mois, lors de la saison estivale, les vacanciers, en très grand nombre, se pavanaient dans les ruelles et sur la plage, profitant du temps propice à des excursions touristiques. De plus, la profusion des temples ramenait chaque année un afflux massif de visiteurs venant de l'étranger, rendant Kamakura prospère. Cependant, avec l'hiver arrivant si vite, les voyages ayant pour destination ce village allaient se raréfier, tout comme la présence de la population en cette heure matinale. Le soleil paraissait à l'horizon, projetant des éclats orangés qui se reflétaient dans l'eau miroitante de la plage. Les flots se déversaient calmement et se brisaient dans un fracas doux, que beaucoup de gens aimait écouter.
Aoi Kademo adorait ce genre de spectacle au bord de la mer et ne se lassait jamais d'écouter ce son qu'il trouvait mélodieux. Malheureusement, il ne pouvait se rendre sur la plage que très rarement, et, lorsqu'il y allait, c'était principalement pour s'entraîner dans le sable, afin de devenir plus endurant. Le jeune homme pratiquait le basket depuis le collège et ne cessait de vouloir se perfectionner dans ce sport. Aussi s'entraînait-il durement depuis qu'il avait rejoint le club de son lycée et n'avait plus beaucoup de temps pour lui. Ses parents, eux, l'obligeaient à avoir de bons pourcentages aux examens afin de faire un cursus scolaire parfait. Il lui était interdit d'avoir de mauvaises appréciations des professeurs également, sous peine de se voir infliger des punitions, ainsi que des humiliations. Dans sa famille, personne n'avait échoué au niveau des études, et son père plaçait beaucoup d'espoir en son fils unique. Aucun écart de comportement n'était toléré. Cette pression omniprésente fragilisait l'esprit d'Aoi, qui, d'un tempérament naturel assez réservé et timide, se laissait vite submerger par les émotions. Cependant, il ne devait pas montrer ce côté sensible à sa famille, où alors il serait rabaissé au rang de moins que rien par celle-ci. Et cela, il ne le souhaitait pas. Déjà qu'il appréhendait l'idée d'annoncer son...
Alors qu'il marchait, perdu dans ses pensées, la vue de l'adolescent s'obstrua soudainement par deux mains se posant sur ses yeux. Un rire masculin se fit ensuite entendre. Une voix chaude qu'il aimait énormément. Le timbre de Chiba, son ami. Son meilleur ami.
Chiba Fukuyama était une personne impulsive, presque incontrôlable et surtout imprévisible, qu'il avait rencontré lors de la rentrée d'avril. Leur participation commune au club de basket les avait rapprochés, ainsi que leur appartenance à la même classe. Pourtant, les deux jeunes hommes étaient comme le jour et la nuit. Alors qu'Aoi se faisait discret à cause de sa grande timidité, Chiba, lui, aimait avant tout se faire remarquer. Mais ce qui les avait le plus rapprochés était le fait que le plus extraverti des deux détestait les brimades au sein d'une classe. Les autres élèves, ayant tout de suite remarqué le manque de personnalité d'Aoi, avaient prévu dès le début de l'année d'en faire leur souffre-douleur. Mais Chiba s'était très vite interposé, notamment lors d'une bagarre entre Aoi et un autre lycéen, qui avait ensuite donné lieu à cette amitié presque protectrice.
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Liens inflexibles.
Romansa« La mémoire peut se modeler, Les souvenirs peuvent ainsi être manipulés et tissés de toute pièce. Malgré cela le cœur reste lucide, et il n'oublie jamais la personne qu'il a un jour aimée. »