CHAPITRE 1

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« On dissout la substance à analyser dans un solvant et la solution obtenue est versée dans une cuve destinée à être placée dans le spectroscope. »

Je repousse le manuel de chimie sur la paillasse avec énervement et m'enfonce dans ma chaise. L'école n'a jamais été une grande passion pour moi, j'ai d'autres occupations plus importantes à mes yeux — on ne se rend pas compte de l'utilité des dessins dans les marges de cahiers! Je pense à la douche chaude qui m'attend ce soir, en rentrant des cours, l'eau trop chaude formant des panaches de vapeur dans la salle de bain, la...

— Lara? Aurais-tu l'amabilité de quitter ta merveilleuse planète et te concentrer sur les exercices du manuel? demande ma professeure avec une fausse courtoisie.

— Oh, oui pardonnez-moi Madame. maugréé-je, pas vraiment convaincue.

J'empoigne mon stylo et fait mine de travailler. Je jette un coup d'oeil à ma montre, pleine d'espoir, aide-moi au moins toi et dis moi que cette foutue journée est bientôt finie. 14h26. Je sourie: jamais les aiguilles d'une montre n'ont été aussi belles.

🌿

Écouteurs enfoncés dans les oreilles, je trace mon chemin habituel à travers la forêt. Si je les enlevais, je pourrais percevoir chaque bruissement, chaque pas de quelque créature. Mes sens ont toujours été assez développés. Ce sentier, je le suis assez souvent, après les cours, ou simplement quand j'en éprouve le besoin. Mais ce que je préfère, c'est m'enfoncer dans ces bois, dans les lieux que je n'ai encore jamais exploré. Ces excursions, je les mène depuis que je suis enfant. La forêt m'a toujours envoûté, c'est comme si elle m'avait appelée à la parcourir. Certains soirs d'été, j'ouvrais la fenêtre de ma chambre discrètement et courait en douce vers la forêt. Ces nuits furent les plus éprouvantes de ma vie. Je me rappelle de lucioles par milliers, couchés de soleil époustouflants, de courses contre le vent dans l'herbe haute. Je m'y sens réellement chez moi. On aurait pu penser que j'étais une pauvre gosse assez seule, mais au contraire, j'ai eu une enfance très heureuse, avec des hauts et des bas bien entendu, mais la vie n'est faite que de ça.

L'eau chaude ruisselle sur mon corps, comme je l'avais rêvé quelques heures auparavant. Mon frère Joshua — Josh pour les intimes — tambourine à la porte de la salle de bain, furieux.

— Magne toi Lara, j'ai un rendez-vous dans quinze minutes moi!

— Mon petit frère adoré a un rencart? Hum, comme c'est émoustillant! roucoulé-je, le taquinant avec niaiserie.

— Chut! J'ai fait croire à maman que je passais la soirée avec un pote! murmure-t-il dans la serrure de la porte.

Je rigole intérieurement en repensant à ce genre de soirées clandestines que j'ai menées ainsi avec quelque garçon que je pensais aimer. Aujourd'hui, je n'ai pas autant de succès auprès de mes camarades masculin, tu deviens une vieille citrouille ma pauvre! 

Mes parents sont attablés et n'attendent que moi. J'entend Joshua se préparer hâtivement pour son soit-disant rencard. Ma mère Charlize tient un magasin d'habits dans une ville voisine et mon père Stefan est médecin. Celui-ci est en train de lire le Edmonton Journal, un des journaux locaux. La vie de mes parents a toujours été assez chargé, mais la forêt a toujours été là pour m'occuper en leur absence. 

Je n'ai jamais eu beaucoup d'amis. Disons plutôt que j'ai toujours eu du mal à m'en faire, enfin, de véritables amis. Des personnes précieuses en qui je peux toujours avoir confiance. J'ai eu ce problème de m'attacher à de mauvaises personnes. Et ce problème me poursuit encore aujourd'hui.

— Tu as fait une bonne journée Lara? me demande ma mère, me sortant de mes souvenirs.

— La routine. réponds-je machinalement.

GÈNE ANIMAL | RéécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant