CHAPITRE 5

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Un cerf. Un cerf aux yeux presque luisants se tient à deux mètres de moi. Et il me fixe. Intensément. J'écarquille les yeux et mon corps se fige, tous sens éveillés. Mon sang est glacé. Au moindre danger, je sais que je serai capable de me sauver, mais en attendant, mon esprit est confus, des milliers de pensées me traversent à une vitesse phénoménale. On dirait que le temps s'est arrêté. Le vent s'est tu, les lampadaires d'habitudes quelque peu grésillants se sont stabilisés. Le regard de la bête me transperce pas son intensité. Ses yeux sont très apparents dans la semi-obscurité, comme phosphorescents. Une grande sagesse semble renfermée dans ce regard.

Puis tout à coup, le cerf fait demi-tour pour retourner dans la forêt, faisant claquer ses sabots sur le bitume. Son regard quitte le mien. Instantanément, je me sens comme vidée de toute énergie. Ma tête se met à tourner, ma vue se trouble, le bruit des sabots frappant le sol résonne horriblement dans mon esprit, accompagné de milliers de voix, tantôt étouffées, tantôt claires, allant crescendo dans ma tête.

Je titube. Je tente de m'éloigner de la route pour retourner chez moi mais je n'arrive qu'à faire quelques pas avant tomber à genoux dans l'herbe sous un arbre. Une terrible douleur me transperce le front et m'irradie le corps. Le monde est fou. Tout vacille, tangue. J'ai envie de crier à l'aide mais aucun son ne parvient à sortir de ma bouche. Je m'écroule.

Puis tout devient noir.

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[ changement de point de vue, à vous de le reconnaître! ]

Solitude.

Voici ce qui me définit en ce moment. Je me sens affreusement seul. Égaré, parcourant forêts et montagnes depuis un an à la recherche de moi-même. Contemplant seul les beautés de la nature, m'oubliant parfois. Vivant dans le délit et en retrait, dans la brume et sous l'ombre impénétrable des arbres. Silencieux, précis et mystérieux, mais seul. Horriblement seul. Mes erreurs du passé me hantent chaque jour et la culpabilité me ronge.

La neige se dépose tranquillement sur mon corps immobile, admirant les étoiles parsemant le ciel obscur. Après ma conversation avec Lara, j'ai couru dans la forêt, comme d'habitude. Puis je suis revenu sur ce promontoire qu'elle affectionne tant. Il est vrai que la vue est magnifique. C'est un endroit parfait pour y établir un campement, l'endroit est relativement caché, mais il est trop près de la ville à mon goût.

Je n'ai jamais eu peur du noir, même étant enfant. Au contraire, j'appréciai la confiance que pouvais donner cet environnement. J'ai souvent vécu la nuit, que ce soit seul ou accompagné. Je me souviens de moments magiques entre amis, au bord de chutes d'eau assourdissantes, de bains de minuit sous la clarté de la lune et le scintillement des étoiles. De nuits d'été à la belle étoile, avec pour seul matelas un tapis d'herbes de montagne. Ces instants je les vis désormais seul. Désormais, tout à changé.

Je me relève, coupant court à mes pensées, comptant me diriger vers mon actuel campement, qui est plus enfoncé dans la forêt. Alors que je m'apprête à descendre du promontoire de pierre, je sens comme un frémissement dans l'air, un pressentiment. Je tourne la tête vers la ville, les yeux plus plissés, muscles bandés. Oui, il y a bien quelque chose. Je me concentre comme je le peux pour tenter d'entendre ou de repérer quelque chose. Soudain, une image apparaît en flash dans mon esprit.

Elle est en danger.

Aussitôt, je m'élance, courant aussi vite que mon corps le permet, oubliant les branches d'arbres et les ronces qui me griffent. J'esquive les troncs des sapins, saute les obstacles qui m'obstruent le passage. Je suis obnubilé par ce que m'a montré ma brève vision, je dois me dépêcher. Un grondement sourd a germé dans ma bouche, je le repousse immédiatement. Mon esprit est plein de pensées m'empêchant de penser normalement, aveuglé par la peur.

GÈNE ANIMAL | RéécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant