Chapitre 2

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L'Université de Yale est un lieu que l'on pourrait qualifier de prestigieux. Elle est d'ailleurs la troisième plus grande université des Etats-Unis avec Harvard et Princeton. Elle y a accueilli des célébrités telles que Meryl Streep, Sigourney Weaver ou encore, ma préférée, Jodi Foster. L'immense bâtisse se tient devant nous, encore plus majestueuse que sur les photos que j'ai pu voir sur le net.
- Je n'arrive pas à croire que je vais étudier ici, murmurai-je, les yeux pleins d'étoiles.
- Je n'arrive pas à croire que mon bébé va déjà à l'Université, soupire ma mère avec nostalgie.
Je lui jette un regard sévère et elle sourit.
- Pardon.
Je sors le plan du campus ainsi que mon emploi du temps afin de superviser les chemins de mes salles pour ne pas être perdue lundi.
- Cap sur ta chambre, d'abord, suggère ma mère.
J'acquiesce, ma valise fait un sale bruit désagréable en roulant, j'attire l'attention et je n'aime pas ça. Nous longeons donc des couloirs, encore des couloirs, des escaliers... Jusqu'à arriver dans la résidence universitaire ou d'autres escaliers et d'autres corridors nous attendent. J'ai l'impression d'être dans un labyrinthe, moi ! Enfin, nous parvenons à la chambre 1359. La mienne. Celle que je devrais occuper durant tout mon cursus universitaire. J'inspire un bon coup avant d'entrer. Là, une tornade blonde me fonce dessus et je me retrouve à moitié en train d'étouffer dans les petits bras de celle que je suppose être ma colocataire.
- Bienvenue à Yale ! Moi c'est Laura, je suis ta nouvelle colocataire et voici mes amies qui seront sûrement les tiennes également, Sylvia et Ilyana, dit elle en désignant une petite brune à lunettes au teint bronzé et la blonde à côté d'elle aux airs d'Indiana Evans, Ilyana. Elles se lèvent toutes deux pour venir nous saluer ma mère et moi.
- Bon, décrète celle-ci. Je suppose que je n'ai pas à m'inquiéter.
- Ne vous en faites pas, votre fille est entre de bonnes mains. C'est quoi ton nom déjà ?
- Euh, Maylie Stewart.
- Et bien Maylie, je te nomme officiellement mon amie.
Bien que je sois contente d'avoir une partenaire de chambre aussi chaleureuse et enthousiaste, j'ai du mal à m'intégrer. Depuis l'annonce de ma bacchycardie, je me suis résignée à bannir un quelconque lien d'amitié avec qui que ce soit. Quand mon heure sera venue, je n'ai pas envie de faire pleurer plus de personnes de mon entourage. C'est déjà dur de me dire que je ferai de la peine à mes parents mais alors si je dois en plus inclure des amis...
- Tu es dans quelle filière ? me demande Laura, me ramenant à l'instant présent.
-  Médecine.
- Parfait, je suis en psycho, on a quelques cours en commun. Tu veux que l'on te fasse visiter ?
Je me tourne vers ma mère. Nous devions le faire toutes les deux, voulant profiter de nos derniers instants ensemble avant le week-prochain.
- Va avec tes amies, ma puce.
- Mais on devait...
- Ne t'en fais pas, ce n'est pas grave, me coupe-t-elle en balayant l'air de la main dans un geste désinvolte.
- Tu es sûre ?
- Oui et j'ai de la route à faire, en plus.
- Ok, laisse moi te raccompagner à la voiture, je reviens les filles, dis-je en posant ma valise près de mon lit.
- Au revoir Madame Stewart ! claironnent-t-elles en chœur.
- Prenez soin de mon bébé, hein !
Je grogne en la poussant presque dehors. Elle va réussir à me foutre la honte avant même mon premier jour.
- Tu sais, ça ne me dérangeait de visiter le campus avec toi, maman, commencé-je tandis que nous descendons les escaliers.
- Mon coeur, est-ce que tu vois une seule mère, ici ? Non, elles ont toutes laissé leurs enfants se débrouiller comme les jeunes adultes qu'ils sont. Tout comme toi.
Je me contente de hausser les épaules.
- Je comprends que tu veuilles t'occuper de moi avant que je... Enfin si je...
Je pousse un soupir de frustration. Ma mort imminente à toujours été un sujet tabou. Moins on en parle, mieux on se porte. Mais, même si leur comportement surprotecteurs m'agacent parfois, je crois qu'à leur place, je ferai pareil. Le pire dans tout ça, c'est que je ne me pose pas la question à savoir si je vais mourir ou non, parce que je sais que oui, je suis encore très très loin dans la liste d'attente d'une greffe de coeur. Non, ce qui me fait vraiment peur, c'est que je peux m'écrouler à tout moment, comme la, alors que nous sortons de la résidence. J'ai peur de mourir dans les bras d'un de mes parents. Et c'est ça le plus flippant. Ma mère me prends la main et je la lui serre fort.
- Ton père n'arrête pas de me répéter de te laisser un peu de mou. Que tu as dix-huit ans maintenant et que tu es autonome. Je suis surprotectrice et je te promets de ne pas t'appeler toutes les heures. Mais appelle nous tous les soirs, d'accord ? Je fais déjà un effort herculéen pour te laisser seule à mille trois cent kilomètres de Greenville, alors ne me donne pas de raison de me faire un sang d'encre.
Je ris tandis que nous sortons de la fac. Je la prends tendrement dans mes bras. C'est la première fois en quatre ans que je vais être séparée de ma mère. Et c'est la première fois en dix-huit ans que je quitte Greenville, ma ville natale de Caroline du Sud.
- Je te le promets, maman. Fais attention sur la route et appelle moi dès que tu es à l'hôtel. Tu embrasseras papa pour moi quand tu seras à la maison ?
- Bien sûr mon ange. À ce week-end chérie.
- Tu me manques déjà.
- Et tu sais ce qu'on t'as dit, me prévient-elle en pointant son doigts sur moi. Pas d'alcool, ni de drogue, c'est...
- C'est mauvais pour mon coeur, je sais, annôné-je en levant les yeux au ciel.
Je regarde ma mère partir à sa voiture et ouvre la porte pour retourner dans le bâtiment quand elle s'écrie.
- Je t'aime mon poussin !
- Maman !!
Elle rit tandis qu'elle monte dans la voiture. Quelques élèves ayant entendu me regardent en souriant. Génial... Rougissante, je me retourne pour rentrer et manque de heurter un obstacle. Ou plutôt un fauteuil roulant. Son fauteuil roulant. Ses prunelles bleues me scrutent avec curiosité et mon coeur part pour une course folle. Un sourire s'étire sur les lèvres parfaite du canon de la station service. Je crois qu'il m'a reconnue, lui aussi.
- Est-ce que je peux passer ? demande-t-il en désignant la sortie que je suis en train de bloquer.
- Euh... bien sûr... je... vas-y.
Plus cruche que moi, tu meurs ! Je me déplace sur le côté pour le laisser passer. Je le suis du regard tandis qu'il pousse son fauteuil, incapable de me détourner de ce bel Apollon. Puis comme s'il avait senti que je le fixais, il s'arrête, se retourne et m'adresse un clin d'œil avant de me lancer, tout sourire.
- Merci... mon poussin !
Et il reprend sa route, me laissant un instant sans voix, morte de honte. D'un pas rageux, je pénètre dans le bâtiment. Je vais tuer ma mère ! Je vais l'incendier jusqu'à la moelle !!!

Pour Maylie (Arrêtée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant