Chapitre 12

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C'est Ilyana et Sylvia qui nous ont accompagnées à l'hôpital. Laura n'était pas en état de conduire et elle n'a pas dit un mot de toute la séance. Elle ne pleure même pas. Je crois qu'elle est encore sous le choc. L'attente a été interminable pour moi, mais c'est encore plus dur pour elle. La tête appuyée contre la vitre arrière, elle semble perdue dans ses pensées et aucune de nous n'ose lui parler. Pour ma part, je ne sais pas trop quoi dire. Je n'ose même pas imaginer ce que l'on ressent lorsqu'on avorte. Alors je me contente tout simplement de lui caresser le dos en espérant que ça l'apaise un peu quand même.

Je vais encore me faire incendiée par mes parents pour avoir séché un autre matin. Mais honnêtement, je m'en fous. Aujourd'hui ce qui compte, c'est Laura et je vais louper toute la journée pour rester avec elle. Putain, c'est moi qui pense ça ? J'ai toujours fait passer mes études avant tout le reste et me voilà en train de faire l'école buissonnière pour consoler une fille que je ne connais que depuis un mois. La fac, ça change les personnes. En tout cas ça m'a changé moi. Et, bizarrement, j'aime celle que je suis devenue. Moins enfermée. Plus extravertie. Avant d'entrer à Yale, je n'avais pas conscience à quel point j'étais cloitrée dans une bulle invisible remplie de cahiers et de manuels scolaire.

Ilyana se gare sur le parking du campus et j'aide ma meilleure amie à descendre avec Sylvia. Elle est complètement abattue la pauvre et mon cœur est pris dans un étau à la voir comme ça. Il est bientôt midi, il faut faire vite pour rejoindre notre chambre avant que tout le monde ne sortent des salles et voit Laura dans cet état. Nous passons devant l'ascenseur lorsque celui-ci s'ouvre sur Aaron et Austin. Ils aperçoivent Laura et nous regardent, inquiets. Laura ne relève même pas le nez. Je secoue la tête pour leur signifier de laisser tomber pour l'instant et nous continuons à avancer, Sylvia et moi tenant notre amie pour l'aider à avancer.

Une fois dans notre chambre, je me tourne vers les deux filles.

- Merci, je vais la coucher maintenant, on se rejoint plus tard ?

Aussi triste que moi, elles hochent la tête avant de sortir de la chambre au moment où la sonnerie retentit. Je lui retire son manteau et ses boots avant de la mettre sous les couvertures. Elle est complètement amorphe, la pauvre. Je lui caresse les cheveux avant de lui dire que je vais lui chercher un cachet pour qu'elle dorme bien. Elle fixe le mur devant elle et je me demande si elle m'entend vraiment. Je déteste la voir enfermée ainsi mais je ne vois pas ce que je peux faire d'autre. Je reviens de la salle de bains attenante avec un somnifère et elle le prend, l'air complètement absente. J'ai l'impression d'avoir affaire à un robot. Ses gestes sont automatiques, sans aucune émotion.

Elle se recouche sur le côté, dos à moi. Je décide de me coller à elle et lui caresse les cheveux. Nous restons là en silence, allongées en chien de fusil, pendant je ne sais combien de temps, mais au bout d'un moment, je n'en peux plus de ce mutisme permanent.

- Laura, parle-moi, lui murmuré-je. Dis n'importe quoi mais parle-moi.

Une larme s'échappe de mes yeux. Je les ai retenues tout le long du rendez-vous, là, c'est devenu trop dur.

- Je ne l'ai pas fait.

Je me relève sur un coude, et me penche pour vérifier qu'elle ne dort pas et qu'elle n'a pas parlé dans son sommeil, mais elle a les yeux grands ouverts.

- Quoi ? fais-je, ne comprenant pas où elle veut en venir.

- Je n'ai pas avorté, couine-t-elle. Je n'ai pas pris le médicament et maintenant j'ai peur (elle se met à pleurer pour de bon). J'ai peur de la réaction de Sean, peur de ne pas être à la hauteur, du regard des autres. Je suis terrifiée Maylie, je ne sais pas si j'ai pris la bonne décision, mais je ne m'en sentais pas capable...

Pour Maylie (Arrêtée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant