PROLOGUE

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            .L'inconnu m'a toujours fait peur. Je suis l'une de ces personnes qui ont besoin d'avoir une explication à tout, du son d'un piano à la couleur du ciel, de la notion de temps à celle d'espace, de l'attirance pour quelqu'un à la haine.

À l'époque je pouvais me poser des questions sur ce qui m'entourait et obtenir des réponses satisfaisantes à condition d'avoir une vie stable, qui m'assurait ainsi que ces questions ne soient pas déstabilisées par un événement inattendu. L'observation et la compréhension du fonctionnement de mon environnement étaient ma grande occupation de tous les jours. 

Je me souviens qu'il m'arrivait souvent de m'asseoir à l'arrêt du métro pour regarder les allées et venues des gens. J'en reconnaissais même certains parfois, qui étaient passés la veille.

J'ai vécu dans cette ville jusqu'à mes douze ans, dans une petite maison située un peu plus haut, à l'orée de la forêt de pins qui entoure toute la région. Ma vie était simple à sa façon et elle était définie principalement par ma relation avec les autres, surtout par celle d'Émile, ma meilleure amie de l'époque.

J'ai dû déménager à la campagne, quitter ma routine, et l'impact profond que cela a produit sur moi m'a détruite; l'instabilité, l'impression de perdre tous ces petits détails qui constituaient ma vie de tous les jours, je croyais avoir perdu mon passé, mes souvenirs et être forcée de tout recommencer, de recommencer à zéro toutes ces années d'observation et d'adaptation. L'impact fut tout aussi grand dans nos cœurs à Émile et moi; nous avions beaucoup pleuré au moment de notre séparation. Je crois que je l'aimais beaucoup.


Je ne me suis jamais habituée à ma nouvelle vie, mon cœur et mon âme étaient restés là-bas, dans cet endroit où j'avais construit tous mes souvenirs. Je ne sortais de chez moi que pour aller en cours ou acheter au magasin du coin le journal qui parlait de l'incroyable développement économique de mon ancienne ville . Je cherchais la moindre petite chose, le moindre petit indice qui me reliait à elle. Même séparées, je me tenais au courant de tout ce qui s'y passait.

Je passai ainsi mes années de collège cloisonnée dans mes journaux, complètement indifférente au monde extérieur, avec le seul désir de revenir chez moi un jour. Je perdis totalement l'habitude et le talent de lire les attitudes des gens autour de moi, cela ne m'intéressait plus, et je finis même par ne plus comprendre leur façon d'agir ou de penser. J'étais obnubilée par le désir de rentrer chez moi.


Un jour ma grand-mère m'appela et me proposa de venir vivre là-bas avec elle.

Ce fut une renaissance et le plus merveilleux jour de ma vie.

Je quittai donc la maison de campagne, et mes parents par la même occasion, avec le cœur léger, et la valise lourde. Je venais d'entrer en première au lycée.






~PARADOXES DE LA MORT~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant