~Chap. X~

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La ruelle musicale, bruyante et lumineuse ne demeurait plus que silencieuse. Le ciel assombri semblait la couvrir de toute son étendue, l'enveloppait dans un monde où le temps, l'espace et les sons étaient figés.

La massive corpulence de Ducky se tenait face à moi, imposante. Les traits de son visage et de sa mâchoire étaient durs, comme sculptés dans de la glace, et s'accordaient avec les deux billes bleu ciel, glaciales, qui lui servaient d'iris.

Tous les musiciens s'étaient arrêtés de jouer, tous les passants nous regardaient et tous se taisaient, dans une attente qui devenait peu supportable. Les personnes accompagnant Ducky, des membres de son gang, étaient paralysées et fixaient avec étonnement leur chef. Le temps s'écoulait dans le silence de la peur et de l'attente.

La légende urbaine passa sa main sur son visage, pour arrêter la cascade de café qui y dégoulinait, il me regarda d'abord comme une vulgaire humaine, puis ses deux yeux attentifs vinrent se plonger dans les miens avec curiosité.

Je restais immobile devant lui, bien droite, et guettais avec attention la moindre expression qui paraîtrait sur son visage, me révélant comment réagir face à son type de personne. Car à quelques détails prêts il était exactement comme on me l'avait décrit ; provocateur dans le regard, intimidant, autoritaire. Il faisait partie des personnes que l'on remarque facilement grâce à son tatouage caractéristique de dragon, et pourtant, hormis ce détail, il était habillé simplement. On se doit d'être habile avec son genre, de réfléchir plusieurs fois avant de lui dire quoi que ce soit.

Malgré la peur paralysante qu'il m'inspirait, je ressenti une pointe de curiosité à l'intérieur de ma cage thoracique, nécessaire à ma plongée dans ses pensées que j'entamai immédiatement.

Il n'y avait rien dans son regard. Ou plutôt il y avait tout ; trop de choses, trop d'informations à lire qui se superposaient les unes les autres ; aucune n'était accessible. Ses yeux bleus me bloquaient, m'empêchaient de me concentrer pour trier ces informations, me paralysaient le corps entier. La pierre précieuse qu'il était semblait beaucoup trop lumineuse pour mes yeux. La panique me prit, car plusieurs minutes étaient déjà passées sans que je puisse dire quoi que ce soit, et parce que malgré moi j'étais plus concentrée sur l'éclat aveuglant que m'apportait son regard qu'à la recherche des mots à lui transmettre pour m'éviter le pire. Je ne réussis qu'à en sortir deux, dans un murmure presque inaudible, vraiment fascinée :

"Quelle lumière."

Son visage se crispa immédiatement, à ma grande surprise car je ne m'attendais pas à ce que son expression change aussi violemment. Une rage profonde émanait de son visage, de ses poings serrés, prêts à frapper. Il s'avança vers moi tandis que je reculai lentement d'un pas. Je ne comprenais pas d'où venait sa colère, je ne le comprenais pas, c'était horripilant. Les spectateurs autour de nous semblaient tétanisés, paniqués, inquiets pour la petite lycéenne que j'étais à leurs yeux, mais ils ne bougeaient pas. J'étais de nouveau observée, mais cette fois-ci c'était entièrement de ma faute et de ma maladresse.

D'un geste rapide il me saisit par le col et me souleva, retenant la respiration du public et la mienne. Je ne tentai même pas de me débattre; on savait au premier coup d'oeil qu'il n'y avait aucune chance pour que je m'en sorte. C'est alors qu'une jeune fille vint se placer entre moi et Ducky, à la surprise de tous.

Ses cheveux étaient noirs de jais, fins, taillés dans une coupe au carré et dans une frange épaisse cachant son front. Elle portait des lunettes fines qui masquaient son regard. Toute son apparence semblait fragile ; elle était petite et fine, flottante dans son uniforme de lycée, et sa peau blanche la faisait ressembler à une de ces poupées de porcelaine chinoises. Je semblais l'avoir déjà croisée.

~PARADOXES DE LA MORT~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant