Chapitre 12

69 11 0
                                    

Je sens le monde s'écrouler autour de moi.
M- Comment ça ?! Je peux très bien m'en occuper toute seule !
P- Après ce qu'il vient de se passer, il me semble que non...
La colère monte en moi. Les larmes aussi.
J'ai des pulsions meurtrières. J'vous jure que j'pourrais tuer. Là, maintenant. Je dois avoir ça dans le sang... Pas question d'abandonner Eliott, surtout pas maintenant.
J'opte pour une solution un peu moins risquée que tuer.
Je pousse un hurlement. À vous déchirer les tympans. Un hurlement de guerrière.
J'attrape Eliott et je fonce droit vers la sortie.
Le policier nous poursuit. Il gueule qu'il faut nous arrêter. Il donne des ordres. Je lui en veux pas, il ne fait que son boulot après tout.
Le problème c'est que j'ai oublié mon bâton, et ça me fait mal. J'essaie de puiser dans mes dernières ressources. Mais il n'y a plus rien. Absolument plus rien.
Je m'écroule, Eliott avec moi. Il est terrorisé. Par moi... Mais ce que je remarque tout d'un coup, c'est que tout Paris nous observe. Il y a les voix bien sûr mais c'est pas ça qui me dérange. Je me sens comme un animal de foire. Vous vous rendez pas compte. Je ressemble à rien et j'ai tenté de m'enfuir en enlevant mon propre frère. En plus j'ai perdu. J'ai honte, honte de moi.
Plusieurs policiers accourent. Ils écartent la foule et nous ramènent au commissariat. J'ai pas l'impression qu'ils m'en veuillent. Tant mieux...
Après une longue discussion et de nombreux désaccords, je consens à laisser Eliott. Mais c'est moi qui ai choisi la famille. Les Smith. Je les ai rencontrés, ce sont des gens bien. Je l'ai vu et entendu. Que des pensées positives. Ils ont compris la situation et je pourrais donc aller voir Eliott quand je le souhaite. Ainsi que loger chez eux si l'envie m'en prend. Même à 3h du matin.
Je lui dis au-revoir. Ou plutôt je lui fais un gros câlin, lui explique tout, lui dis qu'il doit être sage et je le rassure. Très important.
Je le quitte, triste.
Il est aux environs de 17h30. J'ai déjà raté un jour de cours. Bravo Mia.Je déambule dans les rues. Je ne suis même plus sûre de savoir où j'habite. J'espère que j'ai un bon instinct.
J'ai...j'ai tout perdu. Mes parents, mon meilleur ami, ma dignité -ma maison aussi-. Et maintenant...mon frère.
Niveau vie pourrie on peut difficilement faire pire.
Je suis une ratée. Une erreur. Je sers à rien dans ce monde.
Si, violer la vie privée des gens. C'est pas volontaire, je m'en passerais bien. Mais c'est vraiment malsain je trouve.
D'ailleurs ce que j'entends en ce moment n'arrange pas les choses.

La pauvre
-
Elle a trop bu...
-
Encore une pute qui s'est faite jeter..
-
Ne pas croiser son regard...
-
Elle est peut-être dangereuse.

Non, ça n'arrange vraiment rien. Je dirais même que ça empire tout.
Pourquoi a-t-il fallu que ça tombe sur moi ? Pourquoi c'est moi qui ai tout perdu ? Pourquoi c'est moi qui suis poursuivie par une psychopathe qui veut ma peau ? Pourquoi c'est moi qui suis télépathe ? Hein ? Pourquoi ?! Pourquoi moi ?! Répondez !
Je...je... Les larmes coulent encore une fois. Je suis faible, si faible.
Je hurle, à l'intention de la population.
-Qu'est-ce que vous me voulez à la fin ??!
Je veux qu'ils sachent.
-Répondez bordel !!!
Je veux qu'ils sachent. Qu'ils sachent que je souffre. Que j'ai plus personne, moi.
Je sais qu'ils en ont rien à faire de ce que je leur dit. Et puis de toute façon ils ne comprennent pas. Mais je m'en fous. Royalement.
Je veux qu'ils sachent, c'est tout. C'est tout ce que je demande.
Pour la première fois de ma vie j'ai envie de compassion. Juste un peu de compassion. J'en ai besoin. J'ai besoin qu'on s'aperçoive que je vais mal, qu'on s'intéresse à moi.
Mais il n'y a personne pour ça. Absolument personne.Lorsque j'arrive devant ma maison, je ne suis plus vivante. Non, je suis une espèce de zombie. J'avance sans vouloir avancer. Je n'ai plus aucun but, plus personne, plus rien.
Pourtant, il y a bien quelqu'un chez moi. J'entends sa voix. Je stresse. Mais non, ce n'est pas la femme.
Mais alors...qui ?
Je contourne le bâtiment. Et c'est là que je le vois. Il y a un garçon qui regarde à l'intérieur par la fenêtre. Il cherche quelque chose, ou quelqu'un.
Ma première pensée est pour Théo. Mais non, il n'est pas comme ça. Le garçon que j'ai devant moi est plus grand, plus musclé. Et il est brun...
Soudain ça fait tilt dans mon esprit.
- Esteban...
J'ai murmuré mais il m'a entendu et se retourne à une vitesse phénoménale.
E- Mia !!
Je le regarde avec des yeux de bête sauvage, prête à bondir. Parce que c'est ce que je suis devenu, une bête sauvage.
M- Tu fous quoi ici ? C'est chez moi. Alors tu dégages.
E- Je fais ce que je veux. Et c'est pas comme ça qu'on parle à Esteban Roye. C'est clair la d'moiselle ?
M- J'en ai strictement rien à foutre que tu t'appelles Esteban Roye ou Jean Truc. C'est pareil. Alors épargne-moi tes discours. Maintenant tu me laisses. Ça, c'est clair ?
E- Compte pas sur moi pour t'obéir. Alors tu vas gentiment me laisser entrer chez toi.
Il partira pas, ça se voit dans son attitude. Mais dans sa pensée aussi. Je ne gagnerai pas contre lui, pas cette fois.
M- Ok c'est bon, entre.Ma maison est sans dessus-dessous. J'ai rien rangé depuis l'autre jour.
Et moi j'ai l'air d'une clocharde, d'une fugitive, d'une sauvage. Ou les trois à la fois.
Mais j'ai l'impression qu'il s'en fout. Il n'est pas venu pour se moquer de moi ou pour me juger.
E- Pourquoi t'es pas venue en cours ?
M- Comment tu le sais ?
E- Je t'ai cherchée toute la journée. Et je t'ai pas vue.
M- Je peux savoir pourquoi Monsieur me cherchait ?
E- À cause de ce matin...T'as oublié que je t'ai vue et que tu t'es tirée ?
Je lui réponds pas. Pourquoi je devrais de toute façon ?
E- Qu'est-ce que tu foutais ?
Je lui répondrai pas. S'il n'a pas compris que ça ne sert à rien d'insister, c'est qu'il est vraiment idiot.
E- Tu peux me dire, tu sais...
Confirmation, il est vraiment idiot.
E- Mia...
Il a pris une voix douce, pleine de compassion. Il a compris ce dont j'avais besoin. Je le connais même pas. Je peux rien lui dire, absolument rien.
Je le regarde droit dans les yeux. Il soutient mon regard. Mais d'une manière douce, il ne cherche pas à me provoquer.
Une larme perle sur ma joue. Puis deux. Il les essuie doucement. Sans baisser le regard.
Puis je me mets à pleurer. C'est pas de la haine. Ni de la colère. Ni de la tristesse. Ce sont juste des larmes qui expriment ce que j'ai sur le cœur. Simplement, sincèrement.
Il ne dit rien. Il me sert juste contre lui.
Malgré la boue.
Malgré le sang.
Malgré l'odeur.
Malgré tout.
On reste là, sans un mot.
Je lui en serai éternellement reconnaissante.
Il m'a montré que même si j'en ai souvent l'impression, je ne suis jamais seule. Qu'il y aura toujours quelqu'un pour se soucier de moi.
On ne se connaît pas mais il est là, lui.
J'ai peut-être un nouvel ami, finalement.
C'est pas un mauvais gars en fin de compte.




Une télépatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant