Chapitre 22

54 9 0
                                    

J'en ai vraiment plus qu'assez de ne pas savoir pourquoi il me parle plus. Je sais jamais rien en fait. Absolument rien.
Au moins maintenant j'ai Camille, enfin j'espère. J'espère qu'elle est sincère. Qu'elle ne va pas me lâcher, me laisser en plan. J'ai peur de m'attacher à elle et d'être déçue. Comme avec Théo.
M- Je sais que tu vas me prendre pour une folle malade mentale qu'on devrait enfermer. Mais est-ce que tu veux bien être mon amie ?
J'ai trop honte quand je dis ça. J'ai l'impression de me retrouver en maternelle... Et j'ai peur de la faire fuir.
C- C'est clair que dit comme ça c'est un peu... Bizarre... Mais oui. Je veux bien être ton amie, Mia Lewis.
C'est tellement ridicule qu'on explose de rire. Mais vraiment très fort. Tellement fort qu'on se fait jeter du self. Mais on s'en fous, on continue de rire. On sait même plus pourquoi. Mais on rit.
J'arrive à me calmer. Elle aussi.
On se regarde.
Et on repart.
J'arrive plus à respirer. Inspire, expire. Inspire, expire. Calme... Inspire, expire.
Il me faut 10 minutes pour réellement arrêter.
Je me sens bien légère, joyeuse, libre, etc. Je sais pas trop comment l'expliquer. Mais c'est agréable.
M- Je crois que j'avais vraiment besoin d'une amie... FILLE.
C- Pourquoi fille ?
M- À vrai dire j'ai toujours été plus proche des garçons. Mais c'est pas pareil. J'ai pas la complicité que je pourrais avoir avec une fille tu vois...
C- Je suis là maintenant !
M- Oui !
On a tellement mal aux abdos d'avoir rigolé comme ça qu'on s'assoit par terre. On parle de tout et de rien, pour rien dire au final. Des filles quoi...
Je suis tout à fait détendue quand ce qui ressemble à du yaourt vole et tombe sur moi.D'abord, je réalise pas. Puis je me lève en hurlant. Je cherche autour de moi qui est le gamin qui a fait ça. Et puis je vois Esteban. Lui me regarde, mais avec un regard vide. Il me lance une serviette, qu'il a sans doute prise à la cantine. Et il s'en va, comme ça, sans rien dire.
Je reste scotchée sur place. Camille nettoie ma cuisse droite qui est pleine de yaourt à la fraise. Puis je lui cours après, en vain. Il ne fait pas attention à moi. Et je sais même pas pourquoi. J'en peux plus. J'en peux vraiment plus.
M- Mais putain je t'ai fait quoi ?! Tu veux gâcher ma vie jusqu'au bout ?!
J'éclate en sanglots. Lui s'en fout, il continue de marcher. Il se retourne, juste un instant. J'ai l'impression de voir de la tristesse dans ses yeux. Mais je ne suis plus sûre de rien, les larmes troublent ma vue, j'ai très bien pu me tromper.
C- Viens avec moi Mia. Viens.
Elle m'aide à me relever et m'entraîne vers le parc, au fond du lycée.
On s'assoit dans l'herbe verte et humide. Ça me détend un peu.
C- Chut... Calme-toi... Ça va aller, respire doucement, je suis là. Ça va passer.
Je reprends petit à petit mes esprits.
M- Merci...
C- Faut qu'on parle toutes les deux.
En général c'est pas bon signe quand quelqu'un dit ça. Ça sent les embrouilles.
M- Je t'écoute ?
C- Je sais qu'on se connaît pas vraiment, mais je veux ton bonheur ma grande.
Je sais qu'elle est sincère là-dessus. Même si j'étais pas télépathe je le saurais. Ça se voit dans ses yeux bleus.
M- Tu peux faire plus clair ?
C- Si tu veux. Tu serais pas légèrement amoureuse d'un certain Esteban ?
M- Je t'ai déjà dit non.
C- Mia... Sincèrement ?
M- Bon...peut-être un peu. J'en sais trop rien, je suis perdue en ce moment...C- J'en étais sûre !!
Elle me fait une espèce de danse de la joie. C'est vraiment pas beau. Tellement ridicule que ça me rend le sourire.
C- En plus j'ai réussi à la faire sourireuuuh !
Elle est vraiment forte, je reconnais.
M- Ça va, tais-toi !
Et je me mets à rire. Discrètement, mais je ris quand même. C'est déjà beaucoup pour moi.
*Driiiing*
On récupère nos sacs et on se dirige chacune vers notre salle de classe. J'aurais bien aimé être dans sa classe, mais le destin en a voulu autrement.
Moi j'ai SVT, donc je suis au labo. Il est plutôt bien, même si l'ambiance n'est pas faite pour moi. Tous ces tubes, ce blanc, ces appareils, ces animaux en bocaux, etc. Ça me donne mal à la tête.
On doit disséquer une souris... Il me semblait que c'était devenu interdit.... Apparemment pas ici. Ou alors ils sont dans l'illégalité.
On doit constituer des binômes. Les groupes se forment petit à petit. Je vois Théo qui ne bouge pas, il ne cherche personne. Et comme moi je n'ai pas d'amis... On se retrouve tous les deux.
D'un côté je suis contente d'être avec lui, ça va être l'occasion de lui reparler, et peut-être de se pardonner. Mais d'un autre côté, j'appréhende ce moment, j'ai peur de ce qu'il pourrait se passer.
De toute façon, je n'ai pas le choix. Déjà le prof nous dit de nous installer.
J'entends les pensées de mes chers camarades. Ils attendent tous de voir comment ça va se passer entre nous. La plupart voudraient qu'on se tape dessus, qu'on s'insulte. Qu'il y ait des cris, des pleurs. Certains ont quand même pitié de nous, voudraient qu'on arrête au moins de se faire la gueule comme des gamins.
T- Salut.
M- Salut.Personne n'aura ce qu'il veut dans cette classe. On ne va ni se réconcilier, ni se taper dessus. On ne fait que s'ignorer, comme des gamins pour un goûter. Pathétique. Oui, nous sommes pathétiques.
Mais je pense qu'on arrivera pas à faire autrement. On a trop d'orgueil pour s'excuser. Tous les deux. C'est nul. Vraiment nul. Une si belle amitié.
Avant on aurait balancé la souris sur les gens, puis on se serait tirés du cours en faisant un scandale sur le fait que disséquer une souris est un acte barbare et illégal. On se serait tapé des barres, sans pouvoir s'arrêter, on se serait fait exclure pour quelques jours, et on s'en ficherait totalement. Nos parents nous auraient engueulés. Mais ça aussi on s'en ficherait. Parce qu'on aurait été tous les deux. En bref, on se serait amusés, on aurait été heureux. Comme avant.
Sauf qu'aujourd'hui c'est plus comme ça. Aujourd'hui on va être sages et travailler. On suit les instructions à la lettre. On n'échange pas un mot, même pas sur ce qu'on est en train de faire. Pas un regard, un geste, un sourire. Non, rien. Absolument rien.La journée est enfin terminée. Je n'ai toujours pas reparlé à Théo.
J'en peux plus. Il faut absolument que j'aille voir Eliott.
En sortant, Camille me propose de venir dormir chez elle, pour se connaitre un peu mieux. J'accepte avec grand plaisir, je serai chez elle vers 20h.
Je crois bien que Camille n'a pas beaucoup d'amis, comme moi. C'est sans doute pour ça qu'on s'entend si bien.
On se fait la bise quand j'entends:
?- Regardez ! Y'a miss yaourt qui s'est fait une amie !
Je me retourne instantanément. Et je comprends très vite qui m'a lancée cette pique vu le nombre de personnes qui ont écouté.
Oh non, ce n'est pas Lou. Ni Théo.
Esteban.
Et moi qui croyais qu'on était amis. Quelle conne. Je suis vraiment trop naïve. Je savais pourtant comment il jouait avec les filles. J'aurais dû me douter que ce serait pareil avec moi. Mais non. Moi j'y ai cru jusqu'au bout.
Je lui ai tout dit, tout raconté. Il sait tout de moi. Je suis vraiment nulle. J'étais tellement en manque d'affection que j'ai pas réfléchis à qui je pouvais faire confiance. Il sait où ça me fait mal et je suis sûre qu'il va s'amuser.
Là j'ai un pincement au cœur. Il le sait. C'est que le début de ce qu'il va me faire endurer. Je le sais, je le sens.
Mais alors pourquoi il m'a sauvé la vie ? Pourquoi avoir été si gentil ?
Mais pour mieux te piéger mon enfant.
J'EN AI MARRE BORDEL !
Je pars en courant. Les larmes coulent. J'essaie de les retenir, je veux pas montrer à tout le monde que je tiens à lui.
Je le déteste. Je déteste Esteban Roye. Et tous les autres d'ailleurs. Je ne veux plus jamais les revoir.
Je retournerai plus au lycée. Je dis pas ça dans le vent. Je suis on n'peut plus sérieuse. Ils s'en foutent tous de moi. Je ne vois pas ce que ça changerais que je sois là ou pas. Je pense que ce serait même mieux pour tout le monde si je disparaissais.
Maintenant que je suis loin, je laisse mes larmes perler sur mes joues. Ça me soulage, j'évacue la douleur, la haine.
Je vais d'abord aller chez moi.
Je ne veux pas qu'Eliott et Clément me voient comme ça. Quelle image je donnerais sinon....


Une télépatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant