Chapitre 2

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Un léger soupir s'échappa de mes lèvres et je croquais dans le quignon de pain à pleines dents, finissant mon repas.

" Lève toi vieux, faut y aller."

J'acquiesçais en me levant et me dirigeais vers la poubelle pour vider les restes du plateau. Sven prit un de mes sacs et alla vers la salle d'attente. Il les posa à terre puis me serra dans ses bras.

" Tu vas changer mec. L'armée va te changer.

- Jamais. Jamais personne ne me changera. dis-je froidement.

Il leva son regard vers moi et pinça ses lèvres.

- Mh, t'as raison, t'es tellement têtu que même le pire des tyrans ne te fera pas changer d'avis. Mais ne t'inquiète pas tu changeras par toi-même! C'est moi qui te le dis!"

Je souris à sa remarque et pris mes sacs à la main en lui disant un dernier au revoir. Il resta dans la salle un moment alors que je marchais le long du couloir pour aller dans la salle d'embarquement. Puis quand enfin il quitta sa position immobile je baissais le regard au sol. On m'aurait dit qu'un jour j'irai à l'armée ; j'aurais ri, beaucoup même. Moi et mes bras tout fins, moi et ma silhouette de gosse de douze ans, moi et ma virilité inexistante, ouais, j'aurais ri. Une voix féminine annonçant le début de l'embarquement résonna dans la salle. Quelques soldats en tenue militaire se précipitèrent d'un pas rapide me rappelant que ça allait être mon tour. Je me levais lentement, pris une énième fois mes sacs à la main et entra dans le fameux tunnel que je redoute tant. Un nouveau départ, une nouvelle vie allait commencer et peut-être que je regretterai...ou pas. 

- - -

J'étais confortablement assis dans l'avion mais je m'ennuyais à en mourir. Les vieux journaux coincés entre le siège avant et le plateau ne m'intéressaient pas ; c'était surement ces magazines peoples que lisent les femmes. Écouter de la musique ou regarder un film ne m'attirait pas non plus. J'étais peut-être ennuyant comme mec...Mais c'était moi. Mon regard se posa sur la seule personne féminine de la lignée. Elle avait un chignon brun parfaitement serré et portait sa tenue militaire que je n'avais pas encore. Après tout, je n'y suis jamais encore allé, à l'armée. Elle écrivait quelque chose sur un vieux carnet à l'aide d'un crayon de papier aussi misérable. Je ne pouvais lire ses notes mais j'étais sûr d'une seule chose : cette personne était passionnée par ce qu'elle écrivait. Je posais ensuite mon regard sur un barbu au crâne rasé. Il écoutait de la musique sur son téléphone et semblait dormir, si on en croit ses yeux clos. Il ne se posait pas de questions, lui. A coté, un homme d'une quarantaine d'années regardait par la fenêtre. Quant à moi, j'étais seul. Seul comme toujours. D'ailleurs je ne pense pas qu'un jour tout cela changera. Non, je pense que je suis né pour être solitaire. Après tout, je n'ai jamais comprit comment Sven faisait pour traîner avec moi... Il devait peut-être me trouver un truc. Je fermais les yeux pour tenter un petit somme mais visiblement Morphée ne voulait pas m'accueillir dans ses bras. Je sortis alors mon appareil et pris en photo la couverture du magazine. Le flash s'alluma, illumina quelques secondes le bristol et le bruit tant attendu résonna. Je ne regardais même pas la photo. Elle devait sûrement être bancale, floue ou totalement ratée comme toujours. Ce qui m'intéressait c'était l'écho du flash. Rien d'autre. Bientôt cette résonance s'effaça de ma mémoire et je repris une photo, pour le simple plaisir de mes oreilles. Je ne sais d'où me vient cette attirance mais peu importe.  La femme écrivait toujours, je pris un cliché de sa personne. Une capture de l'hublot suivit la précédente. J'étais comme un enfant qui découvrait le pouvoir d'immortaliser les moments. Ouais, c'est ce que j'étais, un enfant. Un bambin innocent qui se lançait à la découverte d'un monde trop dangereux pour lui. A ce moment là, je pensais que l'on pouvait tout dire, que l'on pouvait tout montrer, que l'on pouvait critiquer tout ce qu'on voulait. Je pensais que nous n'étions plus au Moyen Âge, que n'importe quelle voix pouvait défendre un peuple. Mais tout ça n'était qu'un rêve qui n'était peut-être qu'un cauchemar. Mon appareil était focalisé sur le tapis quand une paire de chaussures vint déranger mon calme. Mes yeux se relevèrent aussitôt pour faire face à une hôtesse souriante aux yeux pétillants. L'envie de la prendre en photo me vint mais je me retins. Si je pouvais éviter de passer pour un psychopathe ce serait bien! 

" Bonjour monsieur. Souhaitez-vous quelques chose à boire?

- Heuh...Non merci. dis-je troublé.

- Que faîtes-vous? Si cette question n'est pas indiscrète bien sûr?

Je pris l'appareil entre mes doigts et le secoua légèrement, comme pour attirer son attention vers ce petit bijoux.

- Oh, fit-elle, je vois. Êtes-vous photographe?

Un sourire s'afficha sur mon visage avant de laisser place à un rire moqueur.

- Photographe? Un photographe ne prend en photo que ce qui intéresse les gens. Jamais je ne serai l'esclave de quelqu'un!

Elle arqua un sourcil, étonnée. Ses lèvres s'entrouvrirent comme pour dire quelque chose quand la femme "au chignon" l'interpella. L'hôtesse me jeta un regard désolé et poussa son chariot jusqu'à la place de la brune.

Je la regardais s'en aller avant de reprendre mon appareil et la prendre en photo. Aux yeux de certains j'étais peut-être un peu psychopathe sur les bords, mais selon moi j'étais juste différent.

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REGARD D'UN CŒUROù les histoires vivent. Découvrez maintenant