Chapitre 4

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J'hésitais à appeler mon frère, il ne répondrait pas. Peut-être appeler Sven? Il aurait honte de moi.

J'étais assis sur un banc, dehors, le regard posé sur quelques pigeons. Ma valise était à coté de moi ; elle seule me portait compagnie. Il faisait frai. Décidément le temps changeait vite. J'éternuais et sortais un mouchoir pour me moucher quand mon téléphone sonna.

"Allo? 

- C'est Sven. répondit mon ami.

- Ah, c'est toi...

- Qu'est ce qu'il y'a? T'as réussi ou pas? 

Je pinçais mes lèvres. Les quelques pigeons s'envolèrent ce qui me fit soupirer. J'étais vraiment un cas perdu.

- Hé mec? Qu'est ce qu'il y a? demandait-il à nouveau.

- Rien. 

- De quoi rien?

- Je ne suis pas pris." 

Et je raccrochais. J'avais terriblement honte. Mes mains serrèrent les pans de ma veste et je balançais la tête en arrière pour prendre une grande respiration. Il fallait que je me reprenne en mains. Premièrement, trouver un endroit pour dormir était ma principale préoccupation. Ma mère ne me reprendra pas comme ça, d'ailleurs je suis dans la capitale et il faudrait que je reprenne l'avion, ce qui est tout bonnement impossible.   Sven...il acceptera. Mais je ne me sentirai pas à l'aise, je ne pourrai pas le regarder en face. La honte me rongeait de l'intérieur, et c'était ça le plus dur. Je sortis alors l'appareil photo et l'admirais de tout les cotés. Certaines faces brillaient au soleil, d'autres semblaient tristes dans la pénombre ; un peu comme moi. La dragonne commençait à s'user ; comme ma volonté j'ai envi de dire. L'écran s'alluma peu à peu pour laisser place à mes derniers clichés. La jeune femme qui écrivait apparu rapidement. Elle était belle tout de même. A la vue de sa tenue je ne pu m'empêcher de penser à mon échec : elle avait réussi elle. Je zoomais pour lire ce qu'elle écrivait sur son bloc-note : une histoire visiblement. La photo défila pour laisser place à celle du couloir. Un simple tapis rouge-bordeaux aux quelques reflets dorés. Je regardais tout les coins de l'image quand une femme s'approcha de moi. Je relevais la tête pour l'admirer : c'était une jeune brune. Elle était vêtue d'une longue robe noire et d'un manteau épais.

" Monsieur, vous n'auriez pas un euro s'il vous plaît? demandait-elle à mi-voix.

Je la regardais et fouillais dans mes poches. Hormis ma carte bancaire, je n'avais rien.

- Je suis désolé madame. Je n'ai rien à vous donner.

Elle me regarda longuement puis s'assit à coté de moi.

- Monsieur est photographe? dit-elle en montrant mon appareil avec un mouvement de tête.

- Non. J'aime juste le son du flash.

Elle rit et me regarda comme intriguée par une personne aussi étrange.

- Vous pouvez me prendre en photo? demandait-elle alors.

J'hésitais un court instant avant d'acquiescer. 

- Pourquoi pas?  

Elle sourit à nouveau et se posta face à moi. J'admirais sa silhouette malgré le fait que le manteau cachait quasiment tout. Les rayons du soleil caressaient ses cheveux bruns. Ses yeux étaient d'une couleur noisette simple mais envoutante. Elle regarda l'objectif et un magnifique sourire se dessina sur ses lèvres. J'appuyais sur le bouton et un flash apparu. Une seconde de plaisir puis il disparu comme s'il n'avait jamais été. La femme s'approcha alors et regarda l'écran.

- Je ne peux pas la développer maintenant. lui dis-je.

- Ce n'était pas mon intention, je voulais juste être prise en photo. 

- Pourquoi?

- Vous garderez un souvenir original d'une femme qui vous a abordé un matin parisien.

- Et qu'est ce que je peux retenir d'autre sur vous? 

- Je suis venue en France pour essayer de faire des études... 

- Oh, je vois ça.

- Et vous? demanda t-elle en s'asseyant.

- Je ne fais rien.

- Rien?

- Rien.

- Comment ça?

- Je viens tout juste de sortir de l'armée, je n'ai pas été prit...

Elle tourna sa tête vers moi.

- Et alors?

- Et alors, je ne fais rien.

Son regard se posa sur l'appareil photo.

- Pourquoi ne pas devenir photographe? dit-elle comme si c'était évident.

- Ça ne mène à rien ce travail, et je n'ai pas de talent artistique. Pour être photographe il faut avoir cette touche d'originalité qui fait que vos photos vont devenir connues. 

Elle acquiesça et posa ses mains sur ses genoux.

- Je suis espagnole, mes parents n'ont pas beaucoup d'argent et je tente d'en gagner un peu par-ci par-là pour financer mes études, c'est dur mais je suis toujours vivante. Vous aussi vous pouvez y arriver.

Je souris pour la première fois depuis la début de la journée. Ses yeux brillants me regardèrent et elle montra elle aussi ses dents.

- On verra.

- On verra... Excusez-moi mais je dois y aller, au revoir je l'espère!

- Au revoir.  "

Elle se leva et me fit un petit salut de la main avant de partir. Je la regardais traverser la route, c'était la seule personne qui était venue me parler depuis si longtemps. L'écran de mon appareil photo s'illumina pour annoncer que la batterie était faible. Je soupirais avant d'avoir une idée. Je pris ma valise et courrais vers la première boutique de souvenirs de la place. Une file d'attente énorme remplissait le magasin entier. C'était perdu me dis-je. Je sortais de la boutique et me mis à courir vers la suivante. Celle-ci était moins remplie. Une caissière souriante me vit et m'interpella. 

" Puis-je vous aider jeune homme?

- Pouvez vous développer cette photo s'il vous plaît? J'ai très peu de temps.

Elle hocha de la tête et saisit mon appareil pour partir dans l'arrière boutique. Je soufflais et frottais mes mains. Le temps commençait à me paraître interminable. Les minutes défilaient et la caissière ne venait pas. Alors que j'allais perdre patience, elle arriva enfin. 

- Voilà jeune homme! "

Je payais et pris un stylo pour inscrire un petit mot derrière la photo.

Bonne journée!  

                                      Sam Wasser

• • •

Les pleurs interminables d'un bébé résonnaient dans le wagon. Ma tête posée contre la vitre et les jambes sur ma valise, je regardais paisiblement la jeune mère essayant par tous les moyens possibles de calmer le petit bambin. Ses cheveux noirs étaient rassemblés en un chignon volumineux et de grosses boucles d'oreille vertes pomme apportaient une touche de couleur à cet ensemble de vêtements très sombres. Ses mains enlaçaient le frêle corps du bébé et une douce berceuse sortait de la bouche de la mère. Un chant qui m'est inconnu, écrit en une langue étrangère. J'écoutais calmement, totalement envoûté par cette voix hypnotiseuse qui me berçait tendrement. Comme dans un état second, là où je pouvais oublier tous mes malheurs et profiter de l'instant présent, je pris mon appareil photo et regarda quelques clichés. Elle me jeta un simple regard avant de reporter son attention sur le petit être. Le bijoux entre les mains, j'attendais la fin de cette douce mélodie pour lui adresser la parole.















REGARD D'UN CŒUROù les histoires vivent. Découvrez maintenant