Chapitre 2 : Révolte en marche
Je place le masque en plumes teintes que l'on me tend sur mon visage. C'est un beau masque, fait à la main de manière artisanale. Je suppose qu'un Différent du groupe doit avoir des talent en bricolage. Lorsque je demande, on me dit que c'est Jock qui les a sculpté et Clary qui les a décoré. Ils sont très réalistes. J'ajuste l'élastique sur mon menton, ne cessant d'admirer le fin ouvrage. Je n'ai foutrement aucune idée de ce qui m'a poussé à accepter de faire ça. Peut-être que c'était la perspective de devenir un héros... Ou un martyr. Je n'en sais fichtrement rien. Rush est venu me voir plus tard en soirée. Il s'est agenouillé près de moi et m'a regardé en silence pendant plusieurs minutes.
-Tu vas bien, Hank?
J'avais lu l'inquiétude dans son regard. J'avais dodeliné la tête misérablement.
-Je ne sais plus qui je suis... avais-je difficilement murmuré.
-Tu es Hank.
L'assurance qu'avait Rush dans la voix suffi à me convaincre. Il avait raison; je devais enterrer Jeff. Jeff était humain, Jeff était normal. Je n'étais ni l'un ni l'autre. J'étais un foutu Différent, j'étais Hank.
-Je suis Hank... répétais-je.
-Alors, tu te joins à nous?
-Je suis déjà avec vous.
Il n'y avait pas meilleur endroit sur lequel j'aurais pu tomber. Ici, c'était mon nouveau chez moi. J'inspire profondément et relève la tête. Il fait noir, la nuit est tombé depuis un bon moment. La majorité des Différents sont partis dormir pour récupérer, mais quelques-uns travaillent encore sur les derniers préparatifs.
-Au fait, Rush...
Il arque les sourcils et me regarde, surpris.
-Je suis désolé pour toute à l'heure, je ne voulais pas te repousser.
Voilà, c'était dit. Le regard de Rush se voile.
-Ça va, ce n'est rien, affirme-t-il, dors bien...
Et il part. Il fait comme si de rien était, mais je vois la tristesse dans son regard. Quelle bêtise avais-je faite? Je me couche dans mon hamac et tente de fermer les yeux pour oublier. Je me demande où Rush est parti, où il dormira cette nuit.***
Rush me donne un flingue. Je n'ai jamais manié cela de toute ma vie. On me dit pourtant que, encore une fois, si j'arrivais à devoir m'en servir, se serait inné chez moi. À les entendre, on aurait dit que j'étais une sorte de super-héros. Je n'en ai pas le sentiment. Pourtant, sans rien dire, je fourre l'arme dans son étui à ma ceinture. Je regarde les autres par les trous de mon masque : tous ont le visage couvert par des visuels d'oiseau. Clary, le colibris. Jock, le corbeau. Ludwig, le merle. Rush, le cardinal. J'ai hérité du geai bleu. Les autres Différents ont de simples cagoules noires sur la tête. J'en déduis que les oiseaux sont les meneurs de l'organisation, qu'ils sont ceux qui y investissent le plus de temps. Ils sont une véritable petite famille et je les ai rejoints. J'ignore pourquoi j'ai tout de suite eu droit d'entrer dans leur cercle fermé, sûrement un bon sentiment.
-Pourquoi des oiseaux? Finis-je par demander à quelques heures de la manif.
C'est Rush qui me répond.
-C'est évident, non? C'est parce que nous voulons déployer nos ailes et être enfin libres.
-Libres de tout jugement, rajoute Elwig.
-Libres d'aimer et libres de mener la vie qu'on souhaite, complète Clary en jetant un regard amoureux à son fiancé.
Ce dernier ne dit rien, il n'est pas loquace, mais on voit dans son regard qu'il partage la vision des autres.***
Alignés en une rangée plus ou moins droite, les oiseaux tiennent une bannière proclamant la fin de leur soumission. Le geai bleu et le cardinal sont cote à cote, le colibri et le corbeau avance main dans la main et le merle suit sur le côté. Ce sont des êtres si différents qui, pourtant, partagent la même vision d'un monde idéal, le même but.
Nous scandons des slogans provocateurs, banderoles et pancartes en mains. Nous descendons les rues sans crainte ni peur. Les humains sont terrorisés, ils prennent panique. Je ne sais pas de quoi ils ont peur, nous n'allions pas les décimer. Ils allaient le faire. Cela a toujours été ainsi. Le gouvernement a inspiré à la population une peur quasi-irrémédiable pour ce que nous sommes. Elle ne sait même pas pourquoi elle doit avoir peur, elle a simplement cette sensation que quelque chose serre ses entrailles quand elle nous aperçoit. Les appels aux forces de l'ordre fusent. La populace compose leur numéro de panique sur leur cellulaire. Ils ont peur. Peur de nous, peur de ce que nous pourrions leur faire. C'est incompréhensible.
Bientôt, les policiers débarquent sur les lieux. J'ai l'impression qu'ils sont une centaine, comme une marrée qui foncerait sur notre petit groupe de cinquante tout au plus. Au fil des secondes, les nos deux camps se rapprochent l'un de l'autre. Je suis effrayé. Plus la distance entre nous se rapetisse, plus j'ai peur. Peut-être plus que ceux qui ont appelé les renforts. Mes mains se mettent à trembler, mais Rush m'incite à continuer et les autres continuent de piétiner dans mon dos. Si j'arrête de marcher tout droit, j'ai l'impression que les Différents derrière moi vont m'écraser de leurs pas. Eux, ils sont si déterminés. Comme si rien n'allait les arrêter. J'essaie de garder les yeux ouverts alors que notre groupe fonce tout droit sur la ligne de défense policière qui barre la route. À partir de maintenant, je n'ai aucune idée de ce qui va se passer. J'ai peur. Suis-je vraiment à ma place? Suis réellement Hank? Je dois me ressaisir! Ce n'est ni l'endroit ni le temps de douter.
VOUS LISEZ
F.A.E.D Association
Ciencia FicciónSteff a passé sa vie à tenter de cacher sa différence pour pouvoir se fondre dans la masse et entrer dans le moule. Il vit dans un monde où les personnes comme lui sont rejetées. Ils sont des Différents. Des humains aux capacités supérieures aux aut...