Il n'y a qu'un pas

I

- Ashley, active-toi un peu ! s'écria mon amie Barbara, menaçant mon tympan d'exploser.

Je soupirai en levant les yeux au ciel, comme à mon habitude. Je la rejoignis, elle et Lucy.

Barbara, une jolie blonde aux yeux bleus, m'attendait avec un sourire jusqu'aux oreilles, prête à réquisitionner toutes ses compétences en drague pour attirer le beau Maxime dans ses filets. Enfin, « beau », tout était relatif.

Depuis notre entrée en première année, Barbara avait jeté son dévolu sur un mec de troisième année, ce fameux Maxime. Un type canon, drôle, sympa, je n'avais rien à dire là dessus. Mais comme tout être humain qui se respecte, il ne pouvait pas être parfait et son défaut était rédhibitoire. C'était un imbécile.
J'avais toujours un tableau bien encré dans ma tête de sorte que, chaque fois que je rencontrais quelqu'un, je puisse le (ou la) ranger dans une de ces petites colonnes qui énonçait ce qui les caractérisait le plus. Et parmi « égocentrique », « asocial », « majeur de promo » et bien d'autres, il y avait inscrit « imbécile ». Je pouvais côtoyer toutes les catégories, sauf celle-ci. Parce qu'un côté de moi était égocentrique, un autre asocial, un autre majeure de promo mais s'il y avait bien quelque chose que l'on ne pouvait pas me reprocher, c'était d'être une imbécile. Il se disait sur le campus que Maxime n'avait jamais eu de relation stable mais qu'on le voyait avec une fille différente à chaque soirée. Et Ana, qui vivait dans son immeuble, racontait à qui voulait bien l'entendre qu'elle avait souvent du mal à dormir avec tous ces gémissements que les murs ne filtraient pas assez. Et comme toute n'importe quelle amie, je ne souhaitais pas un mec comme ça en tant que petit ami de Barbara.

Malheureusement pour moi et pour elle (bien qu'elle n'ait pas l'air au courant du danger qu'il représentait), Maxime avait lui aussi porté son regard sur Barbara et il ne l'avait plus quitté des yeux.
Je devais le reconnaître, c'était loin d'être difficile : Barbara était une fille vraiment très mignonne, appréciée autant que jalousée de tous. Cette superbe blonde aux yeux bleus qui attire tous les regards et qui fait penser aux gens (de mauvaise foi), "va me chercher une lingette démaquillante et elle perd tout son charme. »
Mais il était bien là le problème, pour ces personnes envieuses : Barbara était magnifique même au naturel. Surtout au naturel.
Les gens avaient l'habitude de l'appeler "pétasse" avant de la connaître, moi incluse. Elle était tout ce que je détestais, au lycée, mais cette année nous nous étions retrouvées dans la même promo et par la force des choses nous avions fait connaissance. Elle était désormais une des filles en qui j'avais le plus confiante.

Et pour que cette amie puisse avoir toutes les chances de vivre son idylle avec Maxime, j'étais obligée de la suivre et de rester avec l'imbécile et ses amis insupportables ce midi, comme sûrement la plupart des midis qui suivraient.

Lucy, la meilleure amie de Barbara, me lança un sourire compatissant. Elle connaissait mon intérêt pour cette bande de mecs insipides et ne les appréciaient pas beaucoup plus. Mais elle n'était pas comme moi. Elle aimait discuter avec les gens, peu importe leur situation, avec ou contre les autres.

Lucy avait un charme bien à elle. C'était une fille sans prétention, aucune, qui semblait inexistante aux côtés de sa meilleure amie. Aux premiers abords, elle n'était pas particulièrement attirante, une fille banale pour la plupart, mais elle n'en restait pas moins une magnifique personne. Intérieurement aussi bien qu'extérieurement. Physiquement, elle était l'opposé de Barbara. Brune, avec quelques formes, toujours dans l'ombre de Barbara. Lucy était dotée d'une gentillesse et d'une bienveillance inégalables. Elle avait le cœur sur la main et les pieds sur terre. Elle passait son temps à nous couver et nous guider comme une mère protègerait ses enfants. Une sorte de guide spirituel, en plus drôle.