Il n'y a qu'un pas

A

En fait, je ne savais pas du tout ce que j'étais censée faire, ou ne pas faire. Evidemment, si j'avais été dans un film, j'aurais sûrement été debout, il aurait toqué à la porteet j'aurais facilement pu ouvrir la porte, découvrir que c'était lui, et juste lui reclaquer la porte au nez.
Or nous n'étions pas dans un film, j'étais allongée en position inconfortable, le regard inexpressif de Drew posé sur moi, dans ma chambre.
Je soupirai discrètement pour me donner le courage de le faire dégager au plus vite de ma chambre.
Je me levai, m'approchai de lui (qui ne bougeait toujours pas d'un poil), ré-ouvrit la porte de ma chambre et la désignai d'un geste de la tête sans pour autant ouvrir ma bouche. Il haussa un sourcil sur les deux avant de me fusiller du regard. Je ne bougeai pas, déterminée à le faire sortir le plus rapidement possible.
Il commençait à s'énerver et je le voyais bien. Pourtant, je ne démordais pas.

Soudain, il poussa violemment la porte pour la re-claquer et se retourna de nouveau vers moi, le regard noir d'exaspération. Il était vraiment en colère.

     - A quoi tu joues, Ashley ?

C'était la deuxième fois qu'il prononçait mon prénom avec tant de puissance, la deuxième fois que cela me donnait des frissons, mais cette fois le contexte et le but de sa phrase étaient totalement différents.

Encore une fois, il avait l'air de me reprocher des trucs, comme s'il en avait le droit, ce qui ne fit qu'augmenter la haine que j'éprouvais déjà pour lui.

     - J'ai pas du tout envie de te parler Drew, alors dégage de là, soupirai-je en faisant demi-tour pour m'occuper comme je le pouvais, c'est-à-dire en rangeant ma chambre une nouvelle fois.

Il ne bougea pas mais prit de nouveau la parole.

     - Tu es ridicule et tu deviens une vraie gamine en faisant la gueule sans raison, comme ça. Je peux savoir ce qui te prends ?

Je n'avais pas l'habitude qu'il soit si sérieux et en colère. Le sang me monta aux joues.

     - Je suppose que si tu sais même pas pourquoi je te fais la gueule, c'est que tu n'as rien à faire ici. Alors dégage maintenant parce que c'est toi qui est en train de devenir un vrai gamin.

Il fronça les sourcils.

     - Tu crois vraiment que je vais partir d'ici ? Pas avant que tu ne m'aies expliqué le problème.
     - Tu veux savoir le problème Drew ? Bien. Le problème, c'est toi. Toi et toutes tes réactions illogiques, tes sautes d'humeur, là. Tu ne sais pas ce que tu veux et ça m'énerve. Tu joues avec moi. Un jour tu m'insultes, un jour tu m'embrasses et la minute d'après tu couches avec l'autre salope !

Je ne voulais pas l'insulter, seulement les mots avaient jailli seuls de ma bouche ; ce n'était pas volontaire.
Il ouvrit grand les yeux, me dévisagea tandis que je reprenais mon souffle.

Puis son regard s'adoucit.

     - Est-ce que c'est de la jalousie ? demanda t-il.

Il aurait pu s'excuser, il aurait pu me donner des explications, mais tout ce qu'il trouva à me dire fut "est-ce que c'est de la jalousie ?", avec un regard de moineau attendrit.
Est-ce qu'il se foutait de ma gueule ?

     - Dégage. Dégage de ma putain de chambre et dégage de chez moi. T'as rien à faire ici, dis-je en essayant de garder mon calme.

Il ouvrit la bouche pour parler mais les nerfs à vif, je lui coupai la chique.

     - Dégage ! criai-je en le poussant en arrière aussi fort que je le pouvais.

Il recula d'un pas puis reprit un visage neutre.
S'il ne part pas maintenant, je ne répondrai plus de mes actes.

Evidemment, ce gosse suicidaire ne fit pas demi-tour. Il ne tourna même pas la tête et plongea simplement son regard dans le mien.

     - Je n'ai pas couché avec Cassandra, dit-il sérieusement.

Je ne pus me contrôler et commençai à ricaner.

     - Super, je ne m'attendais pas à mieux venant de toi. Tu ferais vraiment mieux de partir Drew, j'ai définitivement mieux à faire que d'écouter tes conneries.

Il ne perdit pas son sérieux.

     - Je ne rigole pas, Ash. J'ai pas couché avec elle. Elle a essayé mais je l'ai arrêtée. Et c'est pas une salope, elle savait juste pas que...

Je perdis mon sourire et me reconcentrai sur ses mots.
Tiens, ça commence à devenir intéressant.

     - Que quoi ?

Il soupira et regarda mon lit, dans mon dos.

     - Que je t'avais embrassée la minute d'avant et que j'avais aucune intention d'oublier ça.

Je plissai les yeux. Il ne peut pas être plus clair ?

     - Qu'est-ce que tu veux dire ?
     - Ecoute Ashley, j'ai pas l'habitude de repousser les filles quand elles se rapprochent de moi, ok ? Seulement, quand Cass' est venue vers moi et qu'elle a essayé de m'embrasser, j'ai pas réussi.
     - Qu'est-ce que tu as fait ?
     - Je lui ai dit que c'était une fille géniale mais qu'après ce qu'il venait de se passer avant qu'elle n'arrive, je n'avais envie d'embrasser aucune autre fille. Enfin aucune autre fille que toi.

Je me contrôlais tant bien que mal pour ne pas sauter de joie. Mais il esquissa un léger sourire et mes lèvres s'étirèrent à leur tour sans que je ne puisse rien faire.

     - Contente ? Tu fais plus la gueule ?

Je fis mine de réfléchir.

     - Je ne sais pas. T'aurais normalement même pas dû la suivre quand elle te l'a proposé.

Il afficha un visage surpris.

     - Tu rigoles là, j'espère ? Tu m'as pratiquement poussé dans ses bras !

Je ne répondis pas et regardai ailleurs, gênée. Pour le coup, il était vrai que je n'avais pas été très claire non plus. Ni avec lui, ni avec moi-même.
Il s'approcha de moi et m'attrapa la main.

     - C'était sûrement pas une bonne idée qu'on s'embrasse à cette soirée... commença t-il.

Je fus surprise.
Il ne venait pas de dire qu'il avait apprécié ? Putain je ne comprendrais jamais les mecs, décidement.
J'essayai de détacher ma main de la sienne, refusant de rester aussi proche de lui après ce qu'il venait de me dire.
Mais il la retint.
Il leva les yeux au ciel et soupira avant de replacer son regard dans le mien.

     - J'ai pas fini Ashley, arrête de tout prendre mal comme ça, me réprimanda t-il. On aurait pas dû s'embrasser à cette soirée, il se passe toujours pleins de choses aux soirées. On boit tous et après on sait pas si l'autre regrette ou pas. Alors là, je vais faire les choses bien, si tu permets.

J'essayais doucement de saisir ce qu'il venait de dire et lorsqu'il se pencha sur moi, je compris. Il déposa ses lèvres sur les miennes, dans un doux baiser. Bien plus doux que celui de la soirée.

     - J'ai cru que tu m'évitais parce que tu ne voulais pas repenser à ce qu'il s'était passé à la soirée. J'ai cru que tu regrettais. Je ne joues pas avec toi. Je n'ai pas regretté une seule seconde. Et la seule chose que je me disais c'est que si je n'avais pas bu, j'aurais fait exactement la même chose. Je ne regrette rien du tout. Et j'espère que toi non plus.

Sa dernière phrase me fit sourire. Comment pouvait-il en douter ?

La dernière chose que je fis, avant de poser une nouvelle fois mes lèvres sur les siennes pour confirmer ce qu'il disait et le rassurer, fut de penser que j'allais devoir manger avec lui et sa bande d'abrutis de potes tous les midis maintenant, que ça ne me dérangeait pas plus que ça finalement et que j'en étais même ravie, mais surtout que j'allais devoir le renommer dans mes contacts. Il fallait retirer le "connard🖕" maintenant.

Quoi que...