*Chapitre 4*

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Je devrais le haïr mais une petite voix en moi dit:"Pas tout de suite". Cette petite voix, je l'emmerde. Je le déteste pour tout ce qu'il m'a fait. Ne me dites pas "oui, mais il vient de te sauver la vie", je le sais, merci. Pour le moment, tout ce dont j'ai besoin c'est être seule et me vider de toute onde négative, ce qui risque d'être très, très difficile.
Deux heures qu'on est là. Je commence à avoir froid. Je renifle un peu trop fort et ça résonne. Mais c'est ce genre de reniflement qu'on fait quand on vient de pleurer, celui qui vous trahit. Il tente une approche foireuse.

-James:"Ça va pas?"

Je ne réponds pas mais il se lève et vient à moi. Il s'assied face à moi et me fixe.

-James:"Tu me fais beaucoup penser à quelqu'un."

-"Cruella?"

J'ai dit ça sur un ton de reproche.

-James:"Quoi? Non, pas du tout. Tu me fais penser à cette fille que j'ai rencontrée, en troisième ou quatrième primaire, je pense. Elle était magnifique. Elle avait des cheveux bruns foncés très courts et tout bouclés, des yeux noisettes fabuleux et une peau matte comme si elle habitait à Hawaï. Elle s'appelait Sarah, exactement comme toi. Malheureusement, j'avais beau avoir l'air sûr de moi et rebelle, j'étais très timide avec les filles et je n'ai jamais osé le lui avouer. Elle a été dans ma classe pendant toutes les primaires à partir de la troisième, quand j'ai débarqué dans sa petite école qui ne comptait que 90 élèves, maternelles comprises. Je n'ai cessé de penser à cette fille, jusqu'à aujourd'hui encore."

Je ne l'avais pas seulement écouté, j'avais bu ses paroles comme si c'était un oasis dans un désert infini. Je réalise maintenant que j'avais planté mon regard dans le sien et je ne quittais pas ses yeux clairs. Lui aussi, à présent, me regardait. Mais ce fut fougasse car une vague de gêne m'envahit, allez savoir pourquoi, et je détourne les yeux.

-James:"Je ne vais pas te déranger plus longtemps."

Et cinq secondes plus tard, la situation a repris son cours. J'aurais voulu lui dire de s'arrêter, se retourner et revenir vers moi. Ce tiraillement dans mon cœur est insupportable. Un moment je le hais, un autre j'ai envie de lui sauter au cou et ne jamais le lâcher. Il m'a causé trop de sentiments négatifs et il a trop envahi mon esprit mais je ne sais pas pourquoi, ça n'a fait qu'améliorer mon état de conscience. Ce qui ne tue pas rend plus fort. James ne m'a pas tuée, il m'a sauvée. Si l'on se tient à la logique de cette citation, il devrait me rendre plus forte. Certes, il le fait, mais pas seulement. Il m'affaiblit également. Je ne sais pas où j'en suis, ça fait trop longtemps, je ne le connais plus, je ne l'ai jamais vraiment connu.

A chaque fois qu'un avion ou un hélicoptère passe, j'ai de faux espoirs, d'énormes faux espoirs. J'ose encore espérer que quelqu'un passera par là. Mais comment se douterait-il que deux jeunes adolescents se sont retrouvés là, coincés sous la glace? Je reprends mon téléphone et compose le numéro de ma mère. Une sonnerie, deux sonneries, trois sonneries, un crépitement, quatre sonneries.

Maman:"-l--ô-?"

Moi:"Maman?!"

Maman:"a--ô-?"

Moi:"S'il te plait, Maman, viens m'aider!"

Maman:"J- t'en-ends- as"

Moi:"Ne raccroche pas!"

Trop tard. Les trois bips annoncent la fin de la communication. J'ai pris le premier morceau de glace que j'ai pu trouver et l'ai envoyé s'éclater contre le mur face à moi, l'entrée. Je ne pense pas que je vais tenir très longtemps, surtout avec lui. Si je dois crever ici, autant l'esprit libre.

-"Pourquoi t'as fait ça?"

Il ne réagit pas, je devais m'en douter.

-"Hein, pourquoi tu m'as sauvée alors que t'aurais pu partir?"

-James:"J'ai fait ce que j'avais à faire, c'est tout."

C'est quelque chose que j'adore en lui, il ne s'attribue pas du tout le mérite. Il dit ça comme si c'était la chose la plus banale de l'Univers. Il est très modeste.

-"Ouais..."

-James:"Moi aussi, j'ai une question."

Ça fait peur.

-James:"Pourquoi t'es jamais venue?"

C'est choquant. Franchement, entendre ça venant de lui, c'est assez choquant. J'ai envie de lui retourner la question mais je vais m'abstenir pour maintenant. Il attend ma réponse, mais moi-même je ne la trouve pas. J'assemble mes quelques idées et me lance.

-"Parce que je pensais que tu t'en fichais de moi. C'est vrai qu'en troisième, il se passait rien parce qu'on était trop jeunes, mais même après, je n'osais pas. Tu étais le mec le plus populaire de l'école! Tu imagines? Un simple pion comme moi t'aurais abordé, je suis sûre que tu m'aurais envoyée balader. En plus, à cet âge-là, vous les mecs, vous êtes tous terriblement cons. Cela dit, nous les filles sommes très naïves, nous rêvions toutes du prince charmant sur son cheval blanc. A ce moment, même si tu avais accepté ne serait-ce que de m'écouter, rien n'aurait fonctionné."

-James:"C'est moi qui te faisais peur où simplement le fait que je sois populaire?"

-"Je n'ai jamais osé venir, non seulement parce que j'étais timide, mais aussi parce tu étais toujours entouré de plein de garçons, mais aussi de filles, et puis moi je n'avais que deux amies. J'avais peur de me taper la honte devant tous ces gens, pas seulement toi, tu comprends?"

-James:"Ouais, ouais, je vois. Je dois avouer qu'à ce moment-là, je n'attendais que ça."

-"Mais les temps ont changé."

-James:"Mais les temps ont changé..."

Pourquoi je me sens si vidée, si triste d'un coup?

-James:"Tu as dit tantôt que tu voulais me poser une question-"

-"Je te fais chier."

-James:"Pose-la moi."

Il est à la fois autoritaire mais doux. Comment fait-il? C'est horrible. Je suis manipulée par son charme. Je sens que je vais casser l'ambiance, on va partir dans un délire après cette question. Mais un délire d'engueulades. Je suis prise au court et je n'ai pas le temps de rassembler ma colère.

-"Je ..."

-James:"Je vais pas te manger."

-"Je sais, je sais; c'est moi qui devrais le faire!"

-James:"Hein?"

J'ai besoin de laisser monter la rage en moi, sinon je vais perdre le contrôle. Je respire un grand coup, lui lance un regard des plus noirs; et me jette à l'eau.

-"Qu'est-ce que tu faisais chez moi l'autre jour?"

J'ai l'impression qu'il voulait lancer des tonnes de mots, des tonnes d'explications, mais, bouche bée, rien n'en sortait. Il bégayait complètement.

-"Tu as eu de la chance que je sois tombée dans les pommes, sinon j'aurais gueulé."

-James:"J'ai pas d'excuses..."

-"Je vois ça, j'ai juste envie de savoir pourquoi?"

-James:"C'était un pari lancé par deux potes. En échange, ils ne devaient pas divulguer certaines informations."

-"T'as pris quoi?"

-James:"Rien."

-"T'as pris quoi!?"

-James:"Rien, j'ai dit!"

Je ne l'avais pas quitté des yeux-ce n'est pas compliqué avec les yeux qu'il a-, je devais absolument garder le contact pour ne pas perdre la face.

-James:"Je suis désolé..."

Sa voix s'est brisée, il est sincère.

Ne tombe pas sous son charme, surtout ne tombe pas...




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