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Je m'étais réveillé sous le même arbre. Heureusement. A croire ce qu'il y avait autour de moi, rien n'avait changé. Tout était... normal. Les oiseaux volaient dans le ciel et l'humidité du parc avait fortement diminué. Il faisait soleil, à croire que les forces suprêmes voulaient me redonner du courage, de la joie, du bonheur.

Comment être heureux lorsqu'on est seul, sans soutien ? 

Beaucoup d'entre vous me diraient qu'il y avait beaucoup de solitaires qui étaient heureux. Mais ces solitaires avaient choisi d'être seuls. Or moi, j'avais beau avoir choisi de m'enfuir de chez moi, je n'avais pas pour autant imaginé me retrouver seul, complètement seul. J'avais pensé frapper chez Margaux pour lui demander de l'aide, mais je savais très bien que ses parents étaient stricts, et qu'ils auraient refusé de m'héberger. Ils m'auraient également certainement balancé à la police. 

Alors me vint l'idée de l'auto-stop. Lever le pouce à l'attente d'une voiture qui pouvait s'arrêter pour m'aider. Cependant, je pouvais tomber sur un dangereux psychopathe qui aimerais me dépecer afin de vendre ma peau sur amazon. Bon... j'exagérais, mais quoi qu'il en était, cette idée était bien trop dangereuse pour la mettre en action.

C'est donc à pieds que je dis mon « voyage » en direction de « je ne savais où » afin d'avoir l'aide de « quelqu'un » qui pourrait croire à ma thèse. 

Vous deviez vous dire que j'étais quelqu'un de terriblement borné et têtu. Vous deviez penser qu'à ma place vous auriez laisser tomber l'idée, et vous auriez fait croire à vos parents que tout ceci était juste un jeu pour moi, afin qu'on vous croit sain d'esprit. Cependant, je ne voulais pas. J'étais tellement certain de ce que j'avançais, il y avait tellement d'indices que je ne pouvais pas mettre de côté, que je ne pouvais ni abandonner, ni prétendre que ces êtres n'existaient pas.


Trois jours plus tard, j'étais dans une ferme, chez un certain Mr Friko (drôle de nom, je vous l'avoue), qui avait accepté de m'héberger après que je lui eus raconté ce qui m'était arrivé. Il n'avait pas l'air emballé par cette idée de monstre qui étaient constamment autour de nous, invisibles, mais il m'avait avoué qu'il ne pouvait pas laisser un enfant comme moi seul, sans logement ni nourriture. De plus, je m'étais déjà aminci, tant je n'avais pas mangé. Quel plaisir j'eus lorsque je pus avaler ma première côté de porc depuis plus d'une semaine ! Mon ventre avait fait un tel bruit que même le fermier l'avait entendu. 

Ce fermier était seul, sans femme, sans enfants, et avait pour seule compagnie ses vaches, cochons et chevaux. Ils s'occupaient de ses champs. Je ne savais pas que ce genre de vie existait encore. Je pensais que les fermes étaient devenues un minimum plus moderne, mais j'avais l'impression d'être revenu quatre siècles auparavant. Ce n'était pas plus mal : au moins ici, on ne pouvait pas me retrouver. 

Je devais être à une centaine de kilomètres de chez moi, au beau milieu d'un coin paumé, chez Mr Friko. Je ne savais pas si mes parents avaient lancé un avis de recherche, vous savez, ce genre d'avis de recherches qu'on peut voir dans les journaux télévisés, sur des affiches collées dans la rue avec la tête du disparu dessus. Déjà que je détestais me voir en photo, alors l'idée que mon visage fût montré au monde entier m'était fortement désagréable.

De toute façon, Mr Friko était au courant que j'étais en « cavale », bien que je ne fus pas en infraction. Je n'avais commis aucun délit, j'avais juste fui ces personnes fermées d'esprit qu'étaient les personnes de mon entourage. 

Alors que je pensais passer que quelque jours chez John (c'était son prénom, au fermier), il me proposa de travailler pour lui dans sa ferme, en échange du logement, de la nourriture, et de tout le confort qui s'en suivait. Sans hésiter, j'avais accepté. Bien que je n'avais jamais travaillé dans une ferme et que, quartorze jours auparavant, cela m'aurait répugné, être nourri et logé gratuitement était pour moi la plus merveilleuse chose qui pouvait m'arriver. Je devais simplement apprendre à traire les vaches, nourrir les cochons, et pourquoi pas faucher le blé ? Ce n'était pas très glorieux comme travail, mais si ça pouvait aider John, ça lui montrerait ma reconnaissance pour ce qu'il me permettait d'avoir.


Très vite, je me liais d'amitié avec John. Il avait beau avoir 30 ans, cela se voyait énormément qu'il était seul depuis longtemps, et ma compagnie devait le réjouir. Il m'accordait des jours de repos, assez souvent d'ailleurs. Je travaillais quand bon me semblait. Je travaillais quand je voulais l'aider. Je travaillais lorsqu'il en avait besoin. Je travallais quand j'en avais envie, quand les cochons avaient faim, quand les vaches étaient pleines.

John habitait à environ deux kilomètres d'une petite commune. Il y allait chaque week-end pour acheter de la nourriture, des vêtements, plusieurs choses utiles à la vie quotidienne. C'était aussi là-bas qu'il m'avait acheté des vêtements de fermiers : une salopette en jean sous lequel se trouvait une chemise orangée à carreaux. Au début, je trouvais cet ensemble ridicule, j'avais néanmoins accepté de le porter : je ne voulais pas paraître capricieux. Mais très vite, ces vêtements me paraissaient "normaux", et je me rendis compte que petit à petit, je m'habituais à cette "nouvelle vie" qui était loin d'être la pire.



Dans l'ombre...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant