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J'étais dans un état paisible. Dans un état euphorique. Mes yeux s'ouvrirent doucement, très doucement, et s'habituèrent peu à peu à la luminosité. Je n'avais pas mal. Je n'avais plus mal. Des bribes d'images passèrent devant mes yeux et me montrèrent plusieurs scènes de ma vie qui m'avaient marqué. Était-ce donc la fin ? Étais-je réellement en train de mourir ?

Soudain, une douleur lancinante traversa tout mon corps, et je pris conscience que je n'étais pas mort. Je me trouvais à côté du lit, assis, adossé contre le mur. Devant moi se trouvait toujours John, mort dans son lit. Son bras pendait dans le vide, hors du lit. S'était-il levé ? M'avait-il étranglé ? Etait-ce simplement mon imagination ou s'est-il rallongé après son acte délibéré ?

Quoi qu'il en fût, je ne pouvais pas me permettre de rester dans cette pièce. Je me levais doucement et sentis une forte douleur dans le dos et la nuque. Ce monstre ne m'avait pas loupé ! Je titubais comme étant ivre jusqu'au couloir puis descendis les escaliers, lentement. Une fois dans le salon, je remarquai le capharnaüm et soupirai. "John nettoiera", avais-je pensé.

John était mort.

Cette pensée me frigorifia. John était mort. Je venais de sortir de sa chambre sans lui dire adieu, sans pleurer. John était mort et je ne pouvais rien y faire. Les larmes me montèrent et je commençai à paniquer. Qui allait s'occuper de moi désormais ? Qui allait me croire ? Sur qui pouvais-je m'appuyer ? Oh mais... Qui l'avait tué ? Oui, je ne m'étais pas posé la question auparavant, mais s'il était mort, c'était bien pour une raison. Ce ne pouvait pas être maladif, car John était en très bonne santé. Je le savais, il ne m'aurait pas caché une chose pareille. On avait eu des projets dans l'avenir. 

J'en étais sûr : c'était eux.

Ces êtres invisibles qui étaient capables de posséder un mort, et qui voulaient la mienne ! Je me souvins de cette phrase qu'il n'avait pas cessé de répéter jusqu'à ce que je me sentisse partir : "Tu ne dois pas survivre". Il aurait très bien pu me dire "Je vais te tuer", mais non, il a parlé à la deuxième personne. Il m'a clairement fait comprendre que ma mort n'était pas désirée que par lui, mais pas tous. Soudain, tout s'éclaircit : s'ils voulaient ma mort, c'était parce que je connaissais leur existence, car j'y croyais. Ils voulaient sûrement que ça ne se sût pas.

J'éclatais en sanglots. A la fois pour la mort de John qui m'était devenu cher, mais également car je savais que mon destin était inexorable : j'allais mourir, et personne ne pouvait m'aider car personne ne voulait me croire. Je ne pouvais pas m'en sortir. Je me demandais pourquoi j'étais toujours en vie. Pourtant, ces êtres auraient très bien pu me tuer plus tôt. Peut-être aimaient-ils me voir apeuré ? Ils devaient prendre un malin plaisir à me voir sur mes genoux, en train de pleurer comme je n'avais jamais pleuré, au beau milieu de ce salon qui n'en était plus un, entre tous ces débris qu'ils avaient causés.

J'avais froid. Très froid. Il faisait soleil, j'étais à l'intérieur, et une fraîcheur extrême me parcourait le ventre. Je baissais les yeux et vis une tâche de sang sur mon t-shirt, au niveau de mon ventre. Je levai mon habit et remarquai une blessure phénoménale, comme si on avait essayé de me dévorer le ventre. Je pouvais voir ma chair, et presque mes entrailles. Je convulsais de terreur, ce ne pouvait pas être possible ! Je voyais trouble à cause des larmes qui m'embuaient les yeux. Je criais de toutes mes forces à l'aide, mais personne ne pouvait m'entendre, car j'étais seul. Oui, seul.

Je m'allongeais sur le sol, la main sur le ventre. Jamais je n'avais été dans un si sale état. Je n'avais pas tant mal que ça, j'avais davantage mal émotionnellement. Je regardais le plafond et pensais à tout ça. A toute cette histoire. A toutes ces choses qui m'étaient arrivées. C'était irréel ! 

Je penchais ma tête sur le côté et vis alors, dans l'ombre, dans le coin de la pièce, une forme. Une forme inhumaine. Une forme indescriptible qui me regardait de ses yeux verts. Une sorte de loup marchant sur ses deux pattes arrières, croisé à un verre de terre. Oui, car il dégageait une certaine puanteur que je sentis dès que je l'eus remarqué. Un liquide qui semblait être sa bave coulait également le long de son corps avant de former une flaque sous lui. 

Comment avais-je pu ne pas le remarquer plus tôt ? Et pourquoi le voyais-je désormais ? Cette chose ne semblait pas vouloir venir vers moi, et tant mieux. J'avais les yeux écarquillés, et prendre le fuite le ferait sûrement réagir et courir vers moi. Je me devais de rester calme et sur place. Je tentais de garder une respiration régulière, mais c'était bien trop compliqué. Je m'essuyais les yeux puis vis mes mains ensanglantées. J'essuyais avec mes manches le sang que j'avais étalé sur mon visage, doucement, afin de ne pas alerter ce monstre. 

Il me regardait.

C'était effrayant la façon dont cette bête me fixait. Il clignait des yeux à plusieurs reprises, faisant disparaître durant quelques millisecondes la fluorescence de ses yeux. Soudain, alors que je croyais que ma peur était à son paroxysme, cette horrible bête sortit de l'ombre pour s'approcher doucement de moi. Elle rampait, laissant derrière ce liquide visqueux qui empestait. Il rampa doucement, d'une lenteur soporifique mais terrifiante, jusqu'à m'atteindre. Il était à ma hauteur, et au lieu de crier, je fermais les yeux, comme si tout cela n'était qu'un rêve et que je pouvais me réveiller. Or, au lieu de mettre fin à ce cauchemar, je sentis la respiration saccadée de ce ver gris sur mon visage. Ce liquide écœurant qui sortait de sa bouche coula sur mon ventre, et j'eus un frisson de dégoût. C'était certain, je ne survivrai pas.




Dans l'ombre...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant