Un fracas assourdissant semblable à la destruction d'un mur parvint à mes oreilles. Une sorte d'énormes craquements successifs. Lorsque je rouvris les yeux, je vis ce ver géant se faire absorber dans une boule violette en lévitation.
« Dépêche-toi garçon, suis-nous ! Il doit en rester plusieurs ici ! »
Je me levai et vis un homme d'une cinquantaine d'année accompagné d'une jeune fille de mon âge. Ils étaient tout deux apparus de nulle part. J'avais les yeux fermés, je n'avais rien vu venir.
L'homme, remarquant que je ne réagissais pas, s'approchait de moi, me prit la main et courut en direction du mur face à nous. Soudain, nous passâmes à travers et atterrîmes dans un lieu qui n'était pas la ferme. Je ne savais pas comment nous avions fait pour traverser ce mur, mais je ne fus que très peu surpris, tant j'étais sous le choc de la mort de John.
« Il est blessé ! s'écria la fille.
- Appelle-moi Grant, il va le soigner. »
Pris d'un vertige, je me laissais tomber sur le sol, inconscient.
« Et alors ? Qui est derrière tout çà ?
- Je ne sais pas, peut-être Alza, je n'en ai aucune idée.
- Essaie de trouver des traces dans cette ferme, là où on a trouvé l'garçon.
- J'y retourne ! »
J'ouvris doucement les yeux et aperçus une silhouette partir, tandis que la seconde s'approcha de moi avant de poser sa main sur mon front.
« Tu as de la fièvre, petit. »
C'était l'homme qui m'avait récupéré à la ferme. Il avait une voix très grave mais qui paraissait pleine de bonté et de sagesse.
« Grant t'a donné des soins, il t'a également désinfecté. Tu as beaucoup de chance de t'en être sorti, peu survivent aux chémifs. »
Je ne comprenais rien de ce qu'il me disait, j'avais encore le regard troublé et la tête qui tournait. J'essayais tant bien que mal de rester éveillé. J'avais l'impression qu'un énorme poids maintenait ma tête contre le lit. Je me trouvais dans une sorte de tente ou je ne savais quoi, un lieu insolite pour me soigner je trouvais.
« Vous êtes qui... ? Qu'est-ce que j'fais... ici... ? gémis-je.
- Je suis Yamen, on t'a ramené ici car tu étais bien trop en danger là-bas, chez toi, me répondit-il avec sourire.
- Mais... On est où là ? répétai-je, n'ayant pas eu ma réponse.
- C'est bien trop long à expliquer, contente toi de guérir rapidement, je répondrai à tes questions lorsque tu seras en état de comprendre. »
Sur ces mots, il se leva et partit de la tente, me laissant seul entre ces 4 murs verts qui bougeaient légèrement avec le vent. Je remarquai donc que j'étais sur une sorte de brancard d'hôpital. Je voulus me lever mais une forte douleur se fit ressentir dans mon ventre, et je me résolus à rester allongé ici.
Je pouvais entendre des voix discuter autour de cette tente, mais j'étais incapable de mettre des visages sur celles-ci. Certains discutaient d'insomnie, et d'autres d'invasion. Je ne comprenais pas trop ce qui m'arrivait mais je voulais absolument savoir ce qui se tramait dans ma vie. Pour une fois depuis longtemps, je voulus retourner chez moi, près de mes parents, et vivre comme je vivais autrefois, dans mon innocence la plus totale, lorsque je ne soupçonnais pas l'existence de ces monstres. Ces « chémifs », avais-je entendu dire Yamen. Drôle de prénom, à vrai dire.
« Alors ? Ça va mieux ? »
Cette fille qui était avec Yamen entra dans la tente et s'approcha de moi avant de toucher elle aussi mon front, à croire que tout le monde était devenu ma mère.
« Tu ne parles pas ? Tu sais, tu es en sécurité maintenant. Enfin, tout de moins, si tu restes ici.
- On est où ? lâchai-je froidement.
- Nous sommes au Refuge, c'est ici qu'aucune espèce maléfique peut détecter notre présence. C'est notre abri, c'est notre « maison » en quelques sortes. »
Je secouai doucement ma tête de droite à gauche. Je devais me réveiller. J'étais en plein délire. Je n'aurais jamais du fuguer, mes parents m'auraient emmené à l'hôpital psychiatrique, et j'aurais guéri. Me voilà maintenant dans une situation complètement absurde, en train de parler avec une fille que je ne connais pas qui me parlait d'êtres maléfiques et de refuge, avec un trou dans le ventre.
Je tentai de me lever mais la fille m'empêcha de le faire et appuyer sur mes épaules de sorte à bien me caler dans le lit.
« Tu restes là. Tu n'es pas en état de marcher. Tu as été touché par un chémif, tu as beaucoup de chance d'être encore en vie. »
De la chance d'être en vie ? J'étais à deux doigts de moi aussi vouloir ma mort. J'avais l'impression que tout ce que je voyais, que tout ce que me racontait cette fille était irréel. Comme si j'étais en plein rêve, comme si je pouvais passer ma main à travers chacun des objets qui m'entouraient. Comme si tout cela était dans ma tête. Mes parents avaient peut-être raison : j'étais fou, tout était dans ma tête. Dans un sens, ça m'arrangerait, car cela expliquerait beaucoup de chose. Dans le cas contraire, j'étais mal barré.
« J'en ai marre... soufflai-je.
- Comment ça ?
- J'en ai marre de tout ça... Je veux retrouver mes parents, je veux leur dire que je ne vais pas bien, je veux leur dire qu'ils me manquent... Je veux leur dire tout ce que j'ai vécu, je veux leur faire comprendre que je suis prêt à accepter que tout cela est dans ma tête, leur dire que je veux guérir, oublier. Surtout oublier. Je veux retrouver une vie normale, comme avant.
- Je crains malheureusement que jamais tu ne retrouveras une vie normale. Tu es entré dans le Refuge, tu fais partie de la Famille maintenant. »
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Dans l'ombre...
FantasyEt si la solitude n'existait pas ? Et si, pendant toutes ces années, sans même que l'on s'en doute, des êtres étaient à nos côtés et nous suivaient partout où nous allions ? Et si ce monstre sous notre lit que l'on craignait étant petit n'était pas...