Chapitre 16 - Espionnage

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Un juron étouffé vient perturber le silence de la nuit épaisse, et un choc sourd derrière moi m'appris que Shad s'était encore une fois pris le pied dans un monceau d'ordure.

Depuis que nous progressions dans les ruelles sales de la périphérie de la ville en quête du repère de Chahine, le jeune homme n'arrêtait pas de se prendre les pieds dans tout et n'importe quoi. Je me demande bien pourquoi.

« Est-ce que tu as trop forcé sur la bière cet après-midi, lui demandais-je discrètement sans me retourner, ou bien il fait trop sombre pour toi?

- Non, fit-il d'une voix étrange, j'aimerai justement qu'il fasse un peu plus sombre: explique-moi pourquoi tu as décidé de mettre une tenue si osée pour une infiltration!

- Il faut toujours avoir la classe pendant ce genre de choses. Au moins, je suis très libre de mes mouvements. Alors, répliquais-je avec une voix vexée, si cette tenue ne te plaît pas, tu n'as qu'à passer devant. De toutes façons, je perds l'odeur de Chahine ici: les relents putrides des ordures m'empêchent de me concentrer. »

Je vous jure... J'ai toujours l'apparence de la jeune femme, seuls mes vêtements ont changés. Apparemment il ne faut pas grand-chose pour déstabiliser un homme.

Alors que Shad passe devant moi en prenant soin de ne pas me regarder, j'entends un bruissement léger au fond de notre venelle.

D'un geste vif, j'interromps le voleur dans sa progression et tends l'oreille. Des bruits de pas... précipités. Je saisi le bras de Shad et l'entraîne dans un plongeon spectaculaire derrière une montagne de déchets d'origine douteuse.

Par chance mon voleur ne bouge pas d'un pouce, silencieux, prêt à l'action. Je jette un rapide coup d'œil: un éclair roux passe dans les profondeurs de la ruelle, près d'une porte en bois vermoulu. Il toque à la porte, une voix autoritaire prononce quelque chose que je n'entends pas, et le singe rentre prestement.

« Dis, fis-je à Shad d'un air perplexe, ton Chahine, il possède des Djinns comme serviteurs?

- Un seul, du nom de Jurios. Un Efrit de catégorie inférieure, me répondit-il en faisant la grimace, aussi pédant qu'insupportable.

- M'étonne pas. C'est celui que j'ai transpercé sur le toit du temple il me semble. Pour qu'un Djinn choisisse une apparence aussi ringarde, il faut au moins qu'il soit de catégorie mineure. Enfin, passons. On va attendre encore quelques secondes, puis on va s'approcher de la porte pourvoir ce qui se passe à l'intérieur. »

À mon grand étonnement, Shad acquiesce sans même remettre mon plan en question. Pourtant ce dernier n'est pas digne de moi: coller son œil à la serrure n'est pas une façons très classe d'enquêter. Pour ceux qui n'auraient pas saisi, notre but est de savoir si Chahine a pleinement conscience de la puissance de ce talisman. Ah, et bien sûr, nous avons la ferme intention de lui dérober la relique.

Comme le silence persiste, nous continuons notre route. Une fois arrivé au seuil de la porte, Shad reste un instant indécis. Je décide de me changer en une fine volute de fumée qui vient lui chuchoter au creux de l'oreille:

« Bon, écoute. Je vais m'infiltrer à l'intérieur, pendant que toi tu montes la garde. Si un homme de Chahine arrive, ou quoi que ce soit d'autre, tu frappes trois fois à la porte et tu déguerpis. On se retrouve sur la grande place centrale.

- Si j'ai bien compris, marmonne-t-il, je te sers simplement de guetteur.

- On peut échanger les rôles. Mais sans vouloir te vexer, je ne pense pas que tu sois capable de passer sous la porte. »

On s'échange un sourire (enfin la volute de fumée que je suis se contente de se tortiller), puis le voleur se poste dans un recoin à l'ombre, la main posée sur la garde de sa dague. Il me fixe de ses yeux noirs, et avant que je ne passe sous l'interstice entre la pierre et le bois, me murmure:

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