Chapitre 11 - Faux espoir

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Dans l'espace confiné du baldaquin, l'air matinal, chargé de la chaleur impitoyable du désert, semblait stagner en volutes moites.

L'homme qui se trouvait dans l'habitacle défit son turban, et soupira d'aise en sentant son crâne chauve délivré de l'emprise du tissu. Il jeta un coup d'œil entre les voiles pourpres qui le masquaient des regards indiscrets.

Le désert s'étendait à l'infini, et la crête des dunes chauffées à blanc miroitait. Encore une journée où la chaleur s'annonçait invivable.

Il passa sa main sur son menton, et se rendit compte que quelques rides supplémentaires étaient venues strier sa peau sombre. L'homme grommela avec humeur. C'est vrai qu'il commençait à vieillir, malgré sa santé de fer. Remontant le long de son visage, il passa une main sur la longue estafilade qui barrait sa joue.

Avec une telle chaleur, cette dernière le faisait souffrir. Chahine secoua la tête, oubliant ce tracas si peu important et reporta son attention sur la jeune femme qui était juchée sur le bord du baldaquin.

Munie d'une large feuille tressée, elle l'agitait doucement pour le rafraîchir. Ses courbes fines, voilée par un vêtement pour le moins osé, attirait l'œil du chef des Brigands.

En regardant son visage doux et son air docile, Chahine y reconnut les traits de Shad, le jeune voleur talentueux. À présent, le garçon devait avoir dans la vingtaine.

Chahine savait que Shad n'était pas mort. La colère afflua un instant en lui, puis disparut. Cela faisait déjà longtemps que le chef des Brigands avait compris que le voleur avait échappé aux griffes du désert. Comment, il l'ignorait. Toujours est-il que Shad continuait à commettre ses larcins au nez et à la barbe de ses hommes, sans jamais se faire prendre.

Au début, il avait souhaité le tuer. Puis, en repensant à son grand projet, Chahine s'était dit que sa vengeance pouvait attendre. Avec les pouvoirs immenses qu'il allait acquérir, rien ne pourrait l'empêcher d'étriper le jeune traître.

Chahine l'avait vu récemment, longeant un mur avec sa démarche souple et rapide. Bien que le jeune homme ai beaucoup grandi, Chahine l'avait reconnu. Ce crétin de gamin s'imaginait qu'il était en sécurité s'il évitait le territoire des Brigands. Mais ce territoire, ça allait bientôt être Tal-Jinn toute entière, jusqu'au palais même du roi.

Un cri aigu le tira de ses pensées. C'était son fidèle et dévoué serviteur, Jurios, qui se présentait devant lui.

« Nous y sommes, fit le petit Efrit en s'inclinant, et il n'y a aucun garde en vue, comme prévu.

- Parfait, fit l'homme en souriant, attends-moi dehors et dis aux autres de ne pas trop s'approcher des portes. »

Chahine congédia la jeune femme avec son sourire le plus charmant, et descendit de sa monture d'un bond. Aussitôt le vent brûlant l'assailli.

D'un pas déterminé, ils'avança vers un temple imposant, qui s'avérait être le Temple de la Justice. Il sortit de sa poche une clé ovale, faite en pierre.

Chahine repensa à son plan, à la Sylphe affamée qui se trouvait à l'intérieur. Un frisson d'excitation remonta le long de son dos. Il chassa d'un geste de la main la sueur qui roulait sur son visage, et s'approcha des portes.

Elles n'émettaient plus aucune lueur: elles étaient entrouvertes.

Le chef eut un temps d'arrêt.

« Jurios! Monte la garde, ordonna-t-il, et dis à mes hommes de se tenir prêt à agir.

- Oui, maître.

- Comment est-ce qu'il a pu être ouvert...? se questionna Chahine en s'approchant lentement des portes, son arme à la main. »

L'homme s'attendit à tout, même à ce que la Sylphe se jette sur lui. Mais rien ne vint. Il jeta un coup d'œil prudent à l'intérieur du bâtiment. Les offrandes étaient toujours à leur place.

De plus en plus perplexe, Chahine envoya une petite troupe d'assassins pour s'assurer qu'aucune embuscade ne les surprennent.

L'attente lui parut interminable, mais finalement ses hommes revinrent sans incident. Il n'y avait personne dans le temple. Néanmoins, les offrandes restantes étaient éparpillées partout dans la salle, et plusieurs colonnes semblaient en très mauvais état.

« La Djinn a peut-être réussit à s'enfuir... suggéra l'un des assassins.

- Peut-être, fit Chahine d'un air suspecte, mais ne baissez pas votre garde. Allez, prenez les trésors et chargez-les sur les dromadaires. Ne perdez pas de temps. »

Quand la caravane s'apprêta pour le départ, seulement quelques minutes plus tard, le chef des Brigands jeta dernier regard au temple.

Par réflexe, il passa sa main sur sa nuque, et pencha sa tête en arrière. La morsure du soleil était insoutenable sur l'arrière de son crâne. Il eu un temps d'arrêt. Était-ce le miroitement du soleil où il y avait bel et bien deux silhouettes qui se tenaient sur le toit...?

Il étudia un instant les deux intrus, et vit alors sur le visage de l'un d'eux le sourire espiègle de Shad.

« Archers, hurla-t-il aussitôt, on a de la visite! Sur le toit du temple! »

Ses hommes brandirent leurs arcs, et tirèrent. Un vent violent s'éleva, et balaya toutes les flèches comme de vulgaires feuilles mortes. Un essaim de pointes acérées retomba sur le cortège.

« Oups! Désolée, fit la silhouette qui se tenait aux côtés du voleur, mais je crois que le vent a tourné! Nan, tire un peu plus à gauche toi. Ah, zut! Encore loupé! Décidément, vous n'avez pas de chance. Et toi, le petit Efrit, reste à ta place. »

Jurios, plus rapide que les humains, avait bondi sur le rebord du temple et attaquait les deux intrus à grands renforts de gerbes de flammes. Une lame de vent transperça le petit singe de part en part, et ce dernier s'effondra dans le sable, agonisant.

Chahine n'eut pas le temps de réagir: la Sylphe, qui s'était changée en grand dragon aux écailles irisées, laissa Shad sauter sur son dos et s'envola. Sur son passage, un chameau lourdement chargé de sacs remplis de pierreries disparu.

Le pauvre animal traumatisé dans une patte, la Djinn leur lança:

« Ça ne vous dérange pas si je vous l'emprunte? Merci! Au revoir! »

Chahine se retrouva au milieu d'un troupeau d'hommes et de dromadaires affolés, qui répandaient sur leur passage des rubis et des saphirs sur le sol.

Fou de rage, il hurla de toutes ses forces et déchiqueta son turban.

La voix nasillarde et plaintive de Jurios retentit près de lui:

« Aïe! Si elle avait mieux visé, je crois que serait mort! Je vous aurait manqué, hein chef?

- La ferme!

- Je comprends. Si j'aurai été vous, je me serai arraché les cheveux. »

Chahine jeta un regard assassin à l'Efrit. Ce dernier contempla le crâne de son maître en ouvrant grand les yeux, et déclara:

 « Oups, pardon chef, j'avais oublié. »


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[Walid - by Bertuccio]

Ah Jurios et ses répliques... Il ferait parfois presque concurrence à Kalahares.

Chahine, quant à lui, s'est encore fait roulé dans la farine. Entre Shad et lui, ce n'est qu'une succession de coups bas!

En parlant du voleur, comment pensez-vous qu'il a aidé Kalahares à s'échapper du temple...? N'ayez crainte, vous aurez la réponse au chapitre suivant! ;)

Allez, bisous à vous!

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