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CADENCE

Après que Amelia se soit tué, tous me paraissait fade. J'allais à l'école en traînant des pieds, en pensant à combien elle avait dû avoir mal en se fracassant la nuque contre le rocher de l'Espoir. Quel ironie putain, l'Espoir. Je veux dire quand je pense à elle, c'est le désespoir qui me frappe , pas l'espoir. Une sorte d'équation tordue où j'additionne deux états d'esprit contradictoire pour obtenir une soustraction.

Une fois, j'ai frappé à sa porte. Molly Nolan a répondu. Ses yeux étaient boursouflés et quand elle m'a vue , des sanglots longs se sont échappés de sa bouche. Elle criait quand son mari, Frank , est venue la bercer et m'a demandé de partir. J'ai erré longtemps dans les rues après ça, le lycée a défilé devant mes yeux sans que je ne m'y arrête. C'est à cet instant que je me suis rendue compte de la grisaille de Fargue et de ses habitants. Il avançaient comme des robots, rampants vers leurs destinés comme des zombies. Amelia les auraient détesté , elle haïssait les gens aveuglés par la doctrine de la société.

Quand je rentrais à la maison, je me mettais à chercher partout après elle, et quand ma mère arrivait à son tour, elle me retrouvait recroquevillé sur le sol de la cuisine, les bras rougis par les griffures que je m'étais infligés. Amelia était dans moi chaque fois, à chaque seconde de ma pauvre et misérable vie. Elle se cramponnait à mon esprit, l'embrassait, le flattait,le hantait.

Je me souviens encore de tous ces gens à son enterrement, des gens qu'elle connaissait même pas d'ailleurs, tous habillés comme des ploucs tachés par le cambouis.Et leurs larmes, tous versés durant que ma meilleure amie plongés dans la terre à la recherche de quelque chose qu'elle trouverait jamais. Mais moi, j'ai pleuré à chaque instant, et je continue de pleurer d'ailleurs.
Devant tous le monde à l'église , Amelia, quand ta mère m'a demandé de parler pour elle, et pour moi, j'ai rien su dire , rien pu faire que pleurer toutes les larmes de désespoir que t'avais gardé en toi. Tous le monde a regardé mon cœur brisé ce jour là. On voyait très nettement le sang y dégouliner, mais personne n'a rien fait. Il l'ont regardés, contemplés, se sont excusés à eux-mêmes de regarder ce genre de spectacle sordide et sont rentrés chez eux le soir même , en se désolant qu'une fille si jeune que moi est une blessure si profonde pour une amie qui ne me méritait même pas.

Tu me méritais Amelia, c'est moi qui ne te méritait pas. T'étais dix milles fois plus brillante que n'importe quelles étoiles de Fargue au mois de Juillet, t'étais tellement plus importante que ça...

J'ai été si stupide putain, penser que tu allais bien parce que tu souriais...

Depuis ta mort, je souris à chaque fois qu'on me demande si ça va, et pourtant tu le sais toi, que rien ne va.

Tu l'a sentis, toi, attaché à mon esprit comme une sensu , qu'à la place de mon cœur, y avait plus qu'un vide intersidéral impossible à combler. Tu le sais Amelia, parce que c'est toi qui l'a emporté avec toi.
L'autre moitié de moi-même.

AmeliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant