13

54 4 4
                                    

CADENCE

《J'ai besoin d'aide.》

C'est tous ce que je réussie à sortir à Eros, le lendemain matin, devant la porte ouverte de sa salle de classe. Les lumières créent une sorte de relief sur sa peau sombre.

« Salut » Ses sourcils noirs sont froncés, il ne comprends pas. Peut être qu'il ne comprendra jamais rien.

Hier, après la discussion avec ma mère, j'ai essayé de paraître normale et de rire à ces anecdotes sur mon père inconnu, mais au bout de vingt minutes je me suis enfermée dans un silence qui a laissé Maman perplexe. J'ai fini par pleurer, recroquevillée sur un arrêt de bus à coté de la maison. Tout s'embrouillait dans ma tête, c'était comme être pacifiste face à ses propres sentiments. Mes jambes continuaient d'avancer dans la rue noire de Fargue, mais pas moi.

Peut être me trouvais-je déjà loin quand le jour a fini par se lever sur la bourgade et que ma mère m'a retrouvé non loin du restaurant dans lequel elle travaille, en état de choc. Courir jusqu'au lycée après qu'elle soit partis au travail n'a pas été une chose facile, ma tête tournait, et je n'avais même pas eu le courage de m'habiller correctement.

« Il fait -2, pourquoi t'as une robe ? » Alors que son regard s'est attardé sur mes jambes, je l'ai traîné jusqu'au parking, les mains croisés sur ma poitrine afin de me réchauffer.

« Ne panique pas » ma voix était éraillée , elle paraissait instable, presque enfantine. Du coin de l'œil, j'ai pu apercevoir le visage d'Eros se teinter d'inquiétude. Il a fouillé dans son sac de sport afin de me donner un tee-shirt de l'équipe de Boxe. L'odeur de la transpiration m'a arraché un haut le cœur quand je l'ai enfilé, mais c'était mieux que rien. Je n'avais plus froid. Délicatement, j'ai sortis l'enveloppe que Amelia lui avait transmise, je voulais qu'il regarde ce qu'elle contenait, qu'il sache à quel point j'étais coupable. J'imaginais déjà sa répulsion quand il comprendrais, mais ensuite, je me suis souvenue qu'il n'était pas Amelia et qu'il ne pouvait pas lire en moi comme dans un livre ouvert.

« Je n'ai jamais su qui était mon père. Ma mère avait bien une photo, mais à ma naissance, ils l'ont arrachés et chacun a pris sa moitié. C'est la moitié de cette photo que j'ai trouvé dans l'enveloppe, et un préservatif stupide qui ne me mets sur aucune piste. C'est de ma faute si elle est morte, elle savait qui était mon père et elle a refusé de me le dire. Elle a refusé de dévoiler un secret »

Je l'ai observé un moment, la ligne de sa mâchoire carré, ses cheveux noirs ébouriffés sur le dessus de son crâne. La cicatrice minuscule sous sa lèvre et ses yeux azurs qui exprimaient l'incompréhension, la peur aussi peut être. Il me rappelait le lac où Amelia et moi aimions nous baignait étant enfant, dans la forêt abandonné de la librairie de Mr. Thatcher. Calme, paisible, comme un océan de certitudes et de désir en une journée d'été.

« Cadence » son murmure à peine perceptible m'a effleuré, un frisson me parcourant l'échine.

« Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais ces préservatifs » Il les a désigné du menton, plaçant ses yeux dans les miens « sont distribués dans ce lycée, et seulement dans ce lycée. Alors je ne sais pas ce que ta mère t'a raconté, mais faut que tu saches une chose : C'est Frank Nolan qui a demandé au lycée d'en distribuer aux garçons y a vingt ans de ça »

AmeliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant