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CADENCE

J'ai déménagé à Fargue quand j'avais cinq ans. Ma mère était serveuse dans un bar, et un jour un client lui a dit qu'il recherchait des femmes de ménages pour un hôtel qui venait d'ouvrir dans cette ville. Elle avait seulement quinze ans que je suis née. Il est vrai que je n'étais pas la bienvenue dans sa vie. Ma grand-mère l'a mise à la porte quand elle a su. Elle disait que je finirai dans la rue à me prostituer avec ma mère, telle la catin qu'elle a toujours été. Quelle honneur d'hériter des traits de caractères de ma mère ! Je suis plus qu'honorée grand-mère et j'aimerai que tu le saches mais je ne crains que ton cerveau ne comprenne pas le sens de mes mots ! Bref, pour faire court, on ne me désirait pas vraiment, et encore maintenant, je suis toujours là où on ne m'attends pas. Extravertie,charismatique et sarcastique comme pas deux. C'est pour cette raison que je n'y est jamais rien compris. Amelia était la petite chrétienne sage et solitaire quand je suis venue la trouver. Bon, ok j'avais cinq ans, mais je savais ce qu'elle deviendrait si je l'avais laissé seule dans son coin à analyser son médaillon de la sainte Vierge durant toute la récréation du midi. Elle allait grandir, passer à l'église après chaque cours et finirai par se marier avec le prêtre de la paroisse. C'était pas vraiment la vie dont je rêvais pour quiconques, et surtout pas pour elle. Donc , pendant la pause, je me suis approchée d'elle, elle avait des milliers de tâches de rousseurs sur son visage, je me suis amusée à les compter avant de lui lancer « Salut ! ». Elle en avait exactement cinquante-trois. Vous savez, elle n'a pas tout de suite relevé la tête, elle a continué à chantonner je-ne-sais-quelle-chanson-à-propos-du-Christ en haussant les épaules. Sur le coup je l'ai trouvé vachement vide, elle avait des yeux azurs et quand elle vous regardez, vous saviez qu'elle était vide. Elle n'était que l'écho d'une vieille chanson qu'on oublie jamais. J'ai recommencé, je lui ai dis « Salut » et je me suis assise sur le muret à ses côtés. Elle sentait la lavande, comme celle que ma mère mettait dans mes cheveux quand j'attrapais des poux, j'ai grimacé après ça. Et vous savais ce qu'elle a fait à cet instant ?
Amelia m'a regardé, et elle m'a dit « est-ce que tu crois en Dieu ? ».

J'y avais jamais pensé avant qu'elle ne le me demande , je ne savais pas vraiment comment définir Dieu.

Je lui est simplement dit que je ne savais pas, peut-être, j'étais trop jeune. Cette petite, bon dieu, elle avait le pouvoir de vous faire trembler en vous regardant. C'est pour ça que je l'aimais Amelia. Que je l'aime.

Même si elle ressemblait à la parfaite petite chrétienne, elle ne l'était pas. Et moi, même si je ressemblais à la parfaite petite fouteuse de merde que je suis, je ne l'étais pas. Nous n'étions que des impostures. À nous deux , nous trompions tout le monde. Toute la ville y est passé, cela amusait Amelia de savoir que Mildred O'Hara , sa voisine, pensait qu'elle était une sainte. Ça me faisait rire aussi.

Amélia, même morte elle me faisait rire.

AmeliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant