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        Les jours passent et mon train-train habituel me décontenance. Plusieurs fois dans la semaine, je me surprend à rêver de changement. Peut-être que voyager me ferait du bien, moi qui aime admirer de nouveaux paysages et découvrir de nouvelles destinations, moi qui travaille sans relâche et sans prendre de vacances. Ça fait des années qu'avec Nate et Becky on prévoit de se faire une petite virée entre amis mais la vie finit toujours par contrecarrer nos plans, désireuse sans doute, de nous voir sombrer dans la monotonie et la solitude. Mais peut-être que ce n'est pas le changement dont j'ai besoin. J'ai besoin d'un homme, d'une personne à aimer. Assise sur mon lit, je me met alors à m'imaginer ce que serait mon quotidien avec le dit homme: on se réveillerait côte à côte. Il m'embrasserait avant de me demander si j'ai bien dormi et quand je lui retournerais la question, il me répondrait que c'est toujours agréable de dormir et de se réveiller en ma compagnie. On irait prendre notre petit déjeuner, encore bercés par la douceur du matin, et on papoterait avant de se séparer pour se retrouver le soir. Notre routine serait inchangée mais le fait qu'on le vive à deux effacerait sûrement le caractère répétitif, pensé-je.
        Puis, je me remet à penser à cet homme, Jason. Sans mentir, il est à la fois mystérieux et... Il provoque en moi quelque chose de très étrange, une espèce d'attirance répulsive puisque son physique est attirant et il dégage un charisme fou et aussi car il suscite chez celui qui le regarde un sentiment de fragilité, de vulnérabilité en raison de son assurance insolente. Pourtant, il ne m'est pas difficile de faire abstraction de cela et de peindre une vie avec lui. À ce moment précis, l'homme dans ma tête, qui partageait mon quotidien il y a quelques minutes de cela se transforme peu à peu et prend le visage de Jason. Mon rêve devient de plus en plus parfait mais la sonnerie vient m'en sortir sans préavis.
Il était temps! Me réprimande encore ma conscience. Je devrais songer à la faire taire, me dis-je en roulant des yeux. Je me prépare pour le boulot et profite de ma marge de temps libre pour appeler ma mère. Je n'y pense pas souvent mais ce serait bien de lui donner des nouvelles histoire qu'elle ne s'inquiète pas trop. J'appréhende la conversation mais Sonia ne me laisse même pas le temps de m'y préparer et elle répond au bout de la deuxième sonnerie:

-Bonjour Lucie. comment vas-tu?
-Bien et toi?
-Je me porte bien! Lance-t-elle.

        Au bout de la deuxième phrase seulement, la gêne s'installe entre nous et elle décide de briser le silence de la pire des manières qui soit:

-Le ciel va tomber on dirait!
-Comment ça? Demandé-je.
-Eh bien tu as enfin pensé à m'appeler! Quelles sont les nouvelles?
-Euh... Il n'y en a pas vraiment tu sais. La vie suit son cour mais il n'y a rien de nouveau!
-Toujours pas d'augmentation? Tu devrais penser à te plaindre auprès de ton employeur?
-Maman ne commence pas! Comment veux-tu que je me plaigne auprès d'un employeur qui m'a payé mes études et offert une place de choix une fois ces dernières terminées.
-Je dis juste que tu pourrais faire mieux!
-Tu ne vas pas me dire comment je dois vivre ma vie. On en a déjà parlé. Repondé-je froidement.
-Comme tu voudras. Et ton petit ami?
-Oh parce que tu m'en as donné un?
-Mmh... Je savais que tu finirais comme ça! Seule et sans emploi!
-Mais qu'est-ce que tu racontes enfin? J'ai un emploi et des amis. Tu es complètement à côté de la plaque! Crié
-Je...

         Je l'entend qui cherche encore à répliquer mais je raccroche avant qu'elle n'ait le temps de s'exprimer. Voilà qui explique tout. Quand j'appelle Sonia, je finis toujours par le regretter. Et quelle idée de faire ça un bon matin alors qu'une longue journée de boulot m'attend? Je suis déjà bien remontée quand je sens mon téléphone vibrer à côté. Je lance deux trois jurons et regarde l'écran: Sonia James. C'est une blague. Je l'ignore royalement et prend une tasse de café que j'avale de travers au bout de la troisième gorgée. Décidément cette femme a le don de me rendre folle.
        Je vais me passer de l'eau sur le visage pour oublier un peu cet épisode et me refais une beauté. J'enfile mes talons et passe récupérer mon téléphone et mon sac à main qui trônent sur la table. Le trajet jusqu'à chez Evans Home me paraît plus long qu'à l'accoutumée et je le passe à me plaindre d'à peu près tout ce que je vois en route et même du magnifique temps qu'il fait. Le long de l'allée. Quelques uns de mes voisins me font des sourires auxquels je ne répond que très sèchement et je finis par arriver au bureau au bout de ce qui m'a semblé être une éternité. Toujours d'une humeur massacrante, je met mes écouteurs et fais mine de ne pas entendre les salutations de mes collègues autour de moi. J'arrive rapidement à mon bureau et prend 5min pour moi avant de commencer la journée.
        Finalement la journée se passe sans encombre et je profite de la pause déjeuner pour passer du temps avec les autres. C'est assez agréable et nous nous séparons dans la bonne humeur. Je rentre chez moi aux alentours de 18h et prend une douche avant de me laisser tomber sur le canapé. Je consulte mon téléphone et j'ai reçu quelques messages dont un de Sonia qui dit:

Chute libreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant