Savages : Chapitre 1

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Nous sommes en 2022 et je republie Savages pour mon plaisir personnel et le votre ! Cette histoire est une de mes plus belles réussites. Tant de love. Ali.

 

Il restait une idée abstraite de l'avenir dans la tête de Thomas, quelque chose de flou, d'indécis, une pâle réflexion d'un monde qui ne pouvait s'étendre sous ses yeux. Il n'arrivait pas à se démarquer de la foule, à faire de lui quelqu'un de bien, de pleinement épanoui, de riche de culture et ouvert d'esprit. Il n'était qu'un ignorant dans une foule abrutie par la routine.

Thomas accéléra sa foulée, courant dans la nuit chaude, son souffle était soutenu, son rythme cardiaque se stabilisait à un battement régulier sans qu'il s'emballe. Ses pieds s'écrasaient sur le sol dans un rebond, suivi d'un temps semblable à du vol. Il courait vite, comme s'il était poursuivi mais il était seul dans cette forêt, sans personne pour lui donner une raison de fuir. Il courait à en perdre haleine, poussant ses muscles à leurs limites, inspirant l'air avec une telle vivacité que l'on pourrait croire qu'il n'était bon qu'à ça, courir. Courir. Et encore courir.
C'était une nuit d'été, le mois de juillet touchait à sa fin, suivant le cours des saisons, le vent soufflait chaud et doucement, juste de quoi ébouriffer les cheveux du jeune homme dans sa course folle.

Il perdait toute notion du temps, les étoiles lui indiquaient quelle direction prendre sans jamais qu'il puisse les atteindre elles. Ses yeux se plissaient pour mieux percevoir les arbres qu'il contournait, les fougères lui claquaient les mollets. La forêt n'avait rien d'inquiétant la nuit, le bruit des oiseaux et les différentes bêtes que Thomas pouvait croiser ne l'inquiétait pas pour autant. Il était de loin, l'un des garçons le moins peureux. Disons qu'il vibrait avec la nature, ne laissant aucune place au doute lorsque son pied foulait la mousse humide d'une clairière ou le chemin en terre rêche entre les arbres.

Il s'arrêta finalement à bout de souffle sur un sentier rocailleux, les arbres s'éclaircissaient pour donner place à une route.
Thomas n'arrivait pas à dormir cette nuit-là, entouré de songes étranges, en compagnie inquiétante puis un visage trouble, mais clairvoyant qui lui souriait. Thomas n'avait aucune idée de qui était ce garçon qui hantait ses songes depuis des semaines et qui l'empêchait littéralement de dormir, comme un mauvais rêve, un cauchemar qui revenait toutes les nuits.
Pourtant, à aucun moment le jeune brun ne s'était inquiété de l'identité du garçon de ses pensées. Courir l'avait fatigué, essoufflé. Il remonta la route en marchant, croisant les phares aveuglants des voitures qui passaient sur la route. Il se mit à rire en imaginant la tête des conducteurs, apercevant un mec sur le bord de la route, torse nu, légèrement exténué, de la sueur sur le front, résultat d'un effort trop poussé, en short bleu marine qui était à la base son pyjama et des trainers de sport bien lacées pour qu'elles tiennent le pied correctement. Quant était-il de son charisme habituel ? De cette aisance qui le caractérisait si bien ? De cette beauté qui le décrivait ? Lorsqu'il sortait en forêt comme ça, il redevenait sauvage, perdu, affolé. Vivant !
Thomas n'était pourtant pas à l'aise avec les gens, il détestait tout contact physique, tout touché, tout frôlement. Il détestait entendre les histoires des autres, leurs voix, leurs rires, même les entendre respirer, se moucher, boire, mâcher l'indisposait. Il n'aimait pas qu'on le regarde trop intensément, trop longtemps, il n'aimait qu'on le détaille. Il avait un réel mépris pour l'espèce humaine. Misanthrope ? Oui. C'était ce mot-là qui le décrivait comme personne. L'empathie n'était pas son fort, l'altruisme non plus.
Thomas était ce genre de garçon d'un peu plus d'une vingtaine d'années qui avait grandi dans l'ombre d'un père trop dur, trop stricte et trop violent, d'une mère effacée, malade et suicidaire. Elle avait fini par y passer, copain cancer, cinq ans auparavant. Thomas avait grandi seul, se cachant dans la solitude pour développer sa haine contre la société humaine.
Il était grand, sans trop l'être, assez musclé sous un tee-shirt, des yeux bruns ouverts sur le ciel, des grains de beauté constellaient son corps comme des étoiles le font dans une nuit d'été, ses pommettes légèrement relevées et sa mâchoire carrée lui donnaient un air grave, qui s'effaçait lorsque son sourire apparaissait sur son visage.

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