Premier baiser

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Madame Fimec me racontait ce qu'elle avait vécu durant la deuxième guerre mondiale, tandis que je n'écoutais pas un mot de son récit, trop occupée à penser. Ce rendez-vous m'inquiétait et j'aurais peut-être dû en parler à James.
Après tout, il le savait sûrement déjà. Mes mensonges étaient toujours stupides et je ne pensais pas du tout tromper un diable.
- Et voilà, dit madame Fimec. Alors, quand pensez-vous?
Elle me tira si violemment de mes rêveries que je sursautais.
- Ah, euh... C'est bien, très bien même. Vous avez beaucoup plus de facilité à parler.
Madame Fimec ne parut pas comprendre.
- Mais... J'ai toujours eu de la facilité pour parler...
- Oui, mais là, ça s'est encore amélioré.
- C'est tout ce que vous pensez?
Je réfléchis.
- Pour l'instant oui. Je ferais mon bilan pour la semaine prochaine. À bientôt madame Fimec.
Abasourdie, elle finit par sortir. Je n'avais pas l'habitude de donner des avis courts. Je la suivis pour appeler la suivante. Ma gorge se noua lorsque je vis que c'était Jana Sky. Elle me fit un sourire éclatant et entra dans la pièce. Elle s'installa dans le siège du client. Je m'assis en face d'elle.
- Alors, Jana, dis-je, votre mari va bien?
Celle-ci me fixa et son sourire disparut. Ne comprenant pas, je tapotais mes ongles sur la table.
- Tu sais tout, dit-elle.
Je grinçais des dents. Elle avait lu dans mes pensées. Fichu pouvoir ! Je ne pouvais plus nier.
- Oui.
Elle continua de me fixer et une lumière d'espoir s'illumina dans ses yeux. J'hésitais à cacher mon visage.
- Tu sais où est James ?! S'écria-t'elle.
Mes yeux sortirent de leurs orbites et j'enfouis mon visage dans mes mains.
- Arrête ! La suppliais-je.
- Dis-moi où le trouver ! Je veux le renvoyer en enfer ! Je le hais !
- Je ne sais pas où il est !
Je me relevais, pris Jana et la virais de mon cabinet en prenant bien soin de refermer à clé. Heureusement qu'il n'y avait plus de clients.
Pourquoi voulais-je défendre James ? Parce-qu'il m'avait sauvée la vie. Je retombais à genoux sur le sol. J'étais perdue. Il était bientôt dix-hui heures et il fallait absolument que je vois James.
Je me relevais et quittais mon lieu de travail pour me rendre à l'entrepôt. Lorsque j'entrais, je vis James adossé au mur abimé. Il se redressa et s'approcha vers moi. Il ne souriait pas, contrairement à son habitude.
- Salut, dit-il.
- Salut, tu voulais me dire quelque chose d'important ? Répondis-je, agacée.
Pour toute réponse, il me plaqua sur le mur d'en face en tenant mes épaules. Il approcha son magnifique visage du mien. Mon cœur s'emballa et sa présence m'électrocutait. Je fermais les yeux, et mis mes mains sur ses hanches. J'étais en confiance absolue. Quelque chose dans ma poitrine brûlait follement lorsqu'il posa son beau regard sombre sur moi. Nos lèvres s'approchèrent... Puis se rencontrèrent.
James m'embrassa avec douceur et passion. Je le pris dans mes bras et le serra de toutes mes forces pour sentir son odeur de fraîcheur. James me décolla du mur pour m'enlacer la taille.
Mon cerveau n'avait dieu que pour lui. Je mis mes mains sur son visage pour le rapprocher de moi. Il serra ses mains dans mon dos et je partis dans autre monde, un monde de bonheur absolu. La douceur de son baiser disparut pour laisser place à de la fureur, de l'impatience. Je le serrais si fort que mes muscles allaient lâcher. Mais je voulais le garder près de moi pour toujours. J'étais peut-être un peu trop euphorique.
Ce baiser dura presque dix minutes, puis je finis par me retirer. Nous nous fixâmes quelques instants puis James prit la direction de la sortie. Ne voulant pas le voir partir, je le suivis. James ralentit pour m'attendre. Lorsque je fus à sa portée, nous nous primes bras dessus bras dessous, pour continuer notre route.
Je ne savais pas où nous allions, ni comment, mais peut importait. J'étais avec James. C'était ce qu'il y avait de plus important. Je fus surprise de constater que la destination était Jenkins Creek Park. C'était le parc de Covington. Il y avait, en ce parc, des statues d'anges ou de diables taillées en pierre brute. L'église n'était pas loin et le parc lui appartenait.
Plus petite, j'y allais avec ma famille d'accueil, et je pensais que ces statues étaient réelles et qu'elles me regardaient. Maintenant je ne sais pas si elles peuvent bouger, mais je sais qu'elles racontent une vraie histoire. James m'entraîna par la main jusqu'à un banc à la peinture écaillée.
- Je suis désolé d'avoir tué Jana, dit-il en s'asseyant, mais si tu savais ce qu'elle avait fait...
Il serra le poing. Je lui souris. Je lui avais déjà pardonné. Tout à coup, un homme arriva. Je retins mon souffle mais James me rassura.
- Tout va bien, c'est Jarry.
L'homme s'approcha et je pus distinguer son visage. Il était blond aux yeux bleus clairs, avait un visage carré, un menton dur et un nez imposant sans trop l'être. Il était très souriant et ses dents était d'une blancheur impeccable.
- Salut, me dit-il. Tu dois être Dabria.
J'acquiesçais. Il avait l'air très gentil. Il se jeta sur James pour le plaquer au sol. Sûrement un signe de politesse.
- Tu m'as eu, dit James en riant.
Jarry se releva. James sur ses talons.
- Jarry est mon meilleur ami, m'expliqua-t'il, c'est un diable aussi. Rassure-toi, il est comme moi.
- Fais quand même attention Drabia, les diables ne sont pas fréquentables.
La voix de Jenny me fit sursauter. Je voulais tant la revoir... James lut dans mes pensées et je décelais une lueur de pitié dans son regard. Soudain, le rendez-vous de vingt heures me revint en mémoire et je me détournais, cachant mon regard inquiet.
- Euh... Il faut que j'y aille, prétextais-je, je travaille demain et je ne voudrais pas être trop fatiguée.
- D'accord, dit James froidement, rejoins-moi demain même heure.
- Ok... Au revoir Jarry.
- Salut Dabria.
Je m'éloignais. Il m'avait parlé d'un ton si froid que j'en avais eu la chair de poule. Il savait quelque chose et je pensais tout de suite qu'il allait me suivre.
Et étrangement, ça ne me rassurait pas vraiment.

GARDIENOù les histoires vivent. Découvrez maintenant