III L'appel

1.1K 65 57
                                    

 Sans attendre le lever du soleil, bien incapable de se rendormir, Erwin se rendit aux écuries de l'auberge. M. Braus dormait dans le foin, en ronflant doucement. Le prêtre abaissa sa lanterne à hauteur de son visage et murmura son nom pour le réveiller. Il n'eut pas à attendre bien longtemps, l'homme se redressa, les yeux encore collés par le sommeil, un fusil dans les mains. Le canon était dirigé dans une direction se situant environ à trois mètres du prêtre.

« Monsieur Braus... C'est moi, Erwin Smith.

-Mon père ? Mais qu'est-ce que vous faites debout à cette heure ?

-Je dois partir, éluda Erwin. Je n'ai pas d'argent sur moi, mais je vous paierai la location d'un cheval dès que je...

-Nan, naaan ! Prenez celui que vous voulez, c'est gratuit.

Erwin se dit que cette famille était bien trop généreuse avec lui. Ils s'imaginaient qu'il n'était qu'un autre prêtre, avec un passé blanc comme neige et des intentions aussi pures que celles d'un ange. L'homme, cependant, ne chercha pas à discuter. Autant profiter de la situation. Il jeta son dévolu sur une monture aubère et se fit aider de l'aubergiste pour le seller. Juché sur l'animal et s'apprêtant à partir, il dût encore s'attarder pour répondre une dernière fois à Braus.

-Par curiosité, vous allez où comme ça ? On croirait presque que vous avez le Diable aux trousses.

Erwin frissonna et se retint de répliquer que c'était tout comme.

-A l'abbaye de la Forêt Noire. Je dois consulter leur bibliothèque.

-Oh, ça va, vous n'en avez pas pour long alors. »

Rassuré, l'aubergiste tapota la croupe du cheval qui, talonné par Erwin, fila aussitôt dans la nuit. Une fois hors du domaine fermier, Erwin tira un peu sur les rênes pour ralentir la course de l'équidé et jeta un regard au ciel. Il illuminait la route, les étoiles étaient nombreuses, claires et bien visibles à travers la cime des chênes bordant son chemin. Et puis, il y avait aussi la lune. Pleine, bien blanche. Aussi brillante que dans son rêve, se souvint le prêtre. Mais ce n'était pas un rêve. Pas vraiment.

Le voyage jusqu'à l'abbaye durait normalement un jour mais il en distingua les contours à peine passé le petit matin. L'Angelus remontait jusqu'à lui alors qu'il obligeait son cheval à pousser encore un peu sur ses forces. L'animal avait galopé toute la nuit, Erwin ne s'étant autorisé qu'une petite pause. Il avait honte d'avoir ainsi maltraité sa monture, mais l'urgence était bien réelle.

Il stoppa son cheval au sein de l'abbaye, dans laquelle il préféra poursuivre à pieds en tenant la bride de l'animal. Les moines étaient à l'intérieur du bâtiment, se préparant certainement à la Messe. Il espérait que le prieur lui permette d'accéder à leur collection avant Tierce. Heureusement pour lui, l'un des moines l'avait vu et était sorti pour le faire entrer dans le bâtiment, plongé dans le silence. Il le mena sans un mot voir le prieur, qui était plongé dans la lecture de la Bible. Une fois qu'ils se retrouvèrent seuls, Erwin osa prendre la parole.

« Pardonnez-moi d'arriver à cette heure et sans prévenir. Je devais venir de toute urgence. Un terrible danger menace notre monde.

-Vous n'êtes pas le premier à me dire cela. En fait, je suis content que quelqu'un de l'extérieur décide enfin d'agir.

Erwin était pris au dépourvu. Il s'était préparé à argumenter sans fin, s'attendant à être mis à la porte. Le prieur lui fit signe de le suivre, ce qu'Erwin fit sans discuter. Une fois aux cellules des moines, le responsable poussa doucement l'une des vieilles portes de bois. Dans la pénombre de la chambre, plus pauvre encore que la sienne, Erwin distinguait une silhouette couchée dans le lit. A cette heure ? Que se passait-il ? Sur un geste du prieur l'y invitant, le prêtre se rapprocha et examina le moine, de toute évidence souffrant, à la faible lueur d'une chandelle.

Croisades - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant