IX Signé Levi

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 Levi avait la haine. La véritable haine, celle qui vous bouffait l'intérieur mais que vous vouliez garder à tout prix, jusqu'à ce que votre cible soit anéantie. Le problème était qu'à cet instant, il ne savait plus sur qui devait se concentrer sa colère. La marque avait disparu et il ignorait qui en était la cause. Bien sûr, sa première pensée avait été pour le moine. Il avait dû trouver un moyen de la retirer du corps du prêtre qu'il avait réussi à corrompre. Pourtant, un doute persistait. Et si c'était lui ? Il ne pouvait pas le savoir, il était trop émotif en cet instant. De plus, ses pouvoirs ne s'étaient pas entièrement rétablis, ni son lien avec son marqué. Il avait été mort, pas très longtemps, mais si le prêtre n'était pas intervenu, son essence aurait fini par disparaître totalement, son existence aurait été supprimée. Il n'aurait eu de pied dans l'univers qu'à travers les souvenirs qu'on aurait eu de lui. Cette idée lui était insupportable ! Autrefois, ça l'aurait contenté. En fait, il en aurait même été ravi. Mais plus maintenant.

Alors qu'il bouillonnait de rage, Levi sentit la barrière sainte protégeant la cathédrale s'estomper, puis disparaître. Un large sourire étira ses lèvres et il s'envola du toit sur lequel il attendait jusque là. Il avait eut tort de douter de son prêtre, celui-ci avait bien fait son travail. Donc, la marque avait été retirée par le moine. Apparemment, ça n'avait pas suffi. Arrogant petit prieur, il allait regretter de s'en être pris à lui.

D'un bon coup de pied, il ouvrit la double porte de la cathédrale. Il sentit le monument trembler sur ses fondations de pierre. Même si ses dons spirituels n'étaient pas entièrement revenus, il se sentait plus fort que jamais. Sa puissance émanait de sa personne comme une aura maléfique. En un coup d'œil, il repéra le moine. Celui-ci était penché sur son prêtre, bien mal en point. L'odeur ferreuse de son sang lui monta au nez et sa rage s'intensifia encore, si c'était possible. Il avança et le son de son talon se répercuta sous la voûte. Le moine relâcha son prêtre, et vint lui faire face. Il avait un couteau dans la main. L'instant d'après, la lame volait dans sa direction. Levi l'attrapa entre ses doigts et la relança aussitôt. Le moine l'évita de justesse et le lancer du succube n'emporta qu'une poignée de cheveux. Il profita alors du trouble du prieur pour le rejoindre et l'agripper par le col de sa robe. Avec satisfaction, il constata qu'il était plus haut que lui.

« Je vais t'écraser la tête et nourrir les chats avec ta cervelle. »

Le moine passa ses bras entre ceux du démon et les repoussa. Levi lâcha prise et l'humain s'éloigna rapidement de lui. Il plongea ensuite dans le confessionnal. Le succube ricana. Comme s'il pouvait se cacher là-dedans. L'idée de jouer avec les nerfs de l'humain était grande, mais il voulait en terminer rapidement. Erwin se vidait de son sang.

Alors qu'il allait ouvrir la petite porte de la cachette du moine, ce dernier le fit à sa place. Il lui sauta au visage comme un animal furieux. Au poing, il avait une longue épée, brillante. Levi crut voir que sa poignée était en or, mais il devait surtout se concentrer sur l'acier qui menaçait de le trancher en deux. Il tourna sur lui-même pour dévier sur le côté, ignorant la morsure sur son ventre, puis roula au sol avant de faire face au moine, un genou à terre. Le prieur le contemplait, le regard vide. Il ne semblait pas particulièrement heureux de ce duel. Pourtant, Levi était enjoué, lui.

« Aouch... »

Il jeta un coup d'œil à son ventre. Le voile de son vêtement était déchiré et une fine entaille rougissait sa peau. Elle serait guérie en un rien de temps, mais elle piquait. Un cri sauvage résonna dans la cathédrale et Levi vit le moine courir dans sa direction, l'épée au-dessus de sa tête. Le succube sortit un petit couteau de sa bottine et bloqua le coup, toujours accroupi. Il aurait dû venir un peu plus armé, songea-t-il. Mais il avait eut pleinement confiance en ses capacités naturelles. Le problème était que la volonté du moine était si pure, si puissante, que lentement, l'épée l'obligeait à se pencher en arrière. Quand il sentit son dos craquer, il sut qu'il devait trouver un autre moyen de s'en sortir. Alors il se laissa complètement tomber en arrière. Surpris, le moine perdit l'équilibre. Levi en profita pour heurter son estomac à l'aide de ses pieds et l'envoya par‑dessus sa tête. Le prieur sembla voler un instant, puis roula au sol, avant de se faire arrêter par un pilier. Ca devait faire mal, estima Levi.

Croisades - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant