VIII Un peu plus près de l'Enfer

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 Le soleil venait de se lever lorsqu'ils consentirent enfin à s'arrêter, épuisés. Erwin s'adossa à l'un des lits, le souffle court, puis repoussa les mèches trempées de sueur qui collaient à son front. Levi faisait les cent pas dans la chambre. Contrairement à l'humain, il semblait revigoré, plein d'une nouvelle vie. Le prêtre observa son torse, pâle et luisant comme une lune pleine. De la blessure faite par le prieur, il ne restait qu'une fine cicatrice rose en forme de fleur, au niveau de son cœur. Il s'agissait de la trace laissée par le processus de guérison, la marque de la lame, elle, avait complètement disparu.

« Pourquoi est-ce qu'il n'est pas revenu ? maugréa Levi, agacé.

-De qui parles-tu ?

Erwin savait qu'il n'aurait pas du avoir à poser cette question, mais il était si fatigué qu'il peinait à simplement parler. Le sommeil menaçait de l'emporter à tout instant.

-De ce moine, évidemment ! Il n'est pas venu finir le travail, comme je le pensais. Je rêve de lui arracher la tête comme on ferait sauter un bouchon de bouteille !

Il serra ses deux poings collés pour illustrer ses propos.

-S'il était venu plus tôt, répliqua lentement Erwin, tu n'aurais pas été au mieux de ta forme.

Levi balaya ces sages paroles d'un revers de main. Son regard était fixé sur la fenêtre. Erwin devina qu'il scruta le ciel, si ensoleillé. Le jour venait caresser les rondeurs du succube, entourant la moitié de son corps d'un halo.

-S'il ne revient pas, tant mieux, non ? Il t'a déjà transpercé le cœur, mieux vaut...

Levi tourna son visage furieux vers lui, ce qui dissuada immédiatement Erwin de terminer sa phrase. Le succube avisa sa chemise, en bouchon sur le sol, et la tint dépliée devant lui. Il y avait quelques tâches de sang sur les manches et le col, le démon l'enfila néanmoins. Elle était assez grande pour couvrir la moitié de ses cuisses finement musclées. Seul le bout de ses doigts était visible aux manches. Erwin sourit. Il savait se rendre attrayant.

Levi posa subitement son regard sur lui et son visage se détendit un peu. S'agenouillant lestement auprès de lui, il passa son pouce sur les lèvres du prêtre. Ce simple contact suffit à réveiller le feu de ses reins, mais son corps était bien incapable d'y répondre.

-Tu es fatigué, annonça le démon sur un ton ennuyé. Couche-toi. Ensuite, nous partirons à sa recherche.

-Pourquoi faire ? Tant qu'il nous laisse tranquille, son existence n'a aucune importance.

-Tu ne sais pas, s'énerva Levi en tirant ses cheveux. Ton ignorance est... AH ! Il est dangereux, je refuse qu'une telle chose traîne dans la nature. Un jour il reviendra me tuer, je ne peux pas le permettre. Ce n'est même pas de ma faute !

Erwin était perdu par les élucubrations du démon, il se dit qu'il avait vraiment besoin de dormir maintenant. Un petit éclat le retint de sombrer. Juste là, sous ces cils noirs. Il tendit le doigt et récupéra la larme qui tardait à couler. Levi le repoussa, le visage fermé. Alors qu'il se détournait en se relevant, Erwin puisa dans ses dernières doses d'énergie et l'enlaça avant de l'attirer sur lui. Il était trop épuisé pour réfléchir à la raison, mais il était évident que Levi était sur le point de craquer. Pourtant, le succube se rebiffa, cherchant à s'extraire de son étreinte. Son visage, rouge, tentait de cacher ses inquiétudes sous la colère.

-Quel est le problème? souffla Erwin.

Levi cessa de se débattre et tourna son visage vers celui du prêtre. A défaut de vêtement à serrer, il frappa de ses poings les épaules de l'homme. D'une voix légèrement plus aiguë que d'habitude, il s'expliqua dans un flot de paroles rapide.

Croisades - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant