La solitude du pêcheur

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Chapitre 5 — DIMITRI

"La solitude du pêcheur"

Journée du 04 novembre 2013

Dimitri se réveille en sursaut. Il se lève d'un bond et s'affale lourdement sur le sol. Paniqué parce qu'il peine à respirer, il saisit violemment les pans de sa chemise en s'efforçant de respirer par la bouche. Il prend de profondes inspirations jusqu'à sentir son cœur reprendre un rythme normal. Quand il se sent mieux, il se relève péniblement sur des jambes tremblantes. Il se rallonge sur le canapé où il s'est endormi dans ses vêtements de ville, avec ses mocassins aux pieds.

Sa poitrine comprimée est douloureuse, une douleur diffuse qu'il peine à décrire, tant elle est à la fois, évanescente et puissante. La bouteille de whisky à moitié vide, posée sur la table basse installée à côté du canapé semble le narguer. Il y jette un regard haineux avant de la faire basculer d'un coup de pied sec sur le sol où elle se brise en mille morceaux.

Il est d'une humeur exécrable. Ses sentiments à mi-chemin entre la tristesse et le soulagement suiteau décèsde Caroline, le font nager en pleine confusion. Il en vient à remettre en question son monde, ce monde dont il était pourtant si fier, si sûr, à peine quelques jours plus tôt. Pire, il en vient à remettre en cause sa propre humanité. Pourquoi éprouve-t-il du soulagement ?

Il ferme les yeux et essaye de se rendormir, mais son esprit s'y refuse. À bout de patience, il finit par se lever pour se rendre à la cuisine où il se sert un verre d'eau à l'évier avant de lancer la machine à café. Il se frotte distraitement les yeux en regardant la machine extraire le breuvage noir et corsé dans une petite tasse. Ses pensées sont prises d'assaut par les événements de la veille. Sa vie est un champ de ruines.

Lorsqu'il a appelé ses beaux-parents à la suite de sa brève conversation avec Diane, sa belle-mère, à sa grande surprise, a répondu à la première sonnerie en dépit de l'heure tardive. Il a oublié qu'ils ont fait installer dans leur chambre, sur la petite commode à côté du lit, un vieux téléphone des années 60, à clavier rotatif, qu'ils ont déniché dans un vide-greniers et qui leur rappelait la belle époque.

Elle a répondu avec prudence. Les appels nocturnes produisent cet effet. Ils n'annoncent rien de bon. "Allô."

"Mme Lemarchand..."Son cœur battait à tout rompre et ses mains étaient moites.

"Dimitri, est-ce vous ?" Malgré les années, les relations entre Dimitri et ses beaux-parents n'ont rien perdu de la gêne des débuts. Entre vouvoiement et cordialité distante, ils se comportent comme de parfaits inconnus qui viennent à peine de se rencontrer et ne savent que penser de l'autre.Elle a fondu en larmes. Il n'avait encore rien dit, mais déjà elle avait deviné le pire."Qu'est-il arrivé à Caroline ?"

Il a dit des platitudes pour retarder l'échéance."Mme Lemarchand, je suis désolé de vous appeler à cette heuretardive —"

"Dimitri, qu'est-il arrivé à ma fille ?" Il a perdu l'usage de la parole. Les mots ? Comment les forme-t-on ? Comment les prononce-t-on ?"Dites-moi. Qu'est-il arrivé à ma fille ?"

Il s'est raclé la gorge."Caroline est morte." Trois mots. Un cri de désespoir. Un bruit sec. Des voix étouffées. Patrick arécupéréle combiné quiavaitglissé des mains de sa femme et l'aporté à son oreille.

"Dimitri. Est-ce vrai ?"

"Oui. Je suis désolé."

"Que s'est-il passé ? Avez-vous eu un accident ? Clara ? Comment va-t-elle ?"

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