Un sombre passé

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Chapitre 6 — BERONIKA

"Un sombre passé"

Mardi 05 novembre 2013

La veille, de retour à son bureau, elle a dressé le procès-verbal de l'audition de M. Vianon. Elle a noté sur son tableau, la principale information issue de cet entretien. Entre 2009 et 2010, Caroline Fridlander a fréquenté le club "Plaisirs interdits" avec un individu se prénommant M. Lyre. Cette piste soulève une série de nouvelles interrogations. Qui est M. Lyre ? Pourquoi ont-ils cessé de fréquenter le club ? Que s'est-il passé après ? Elle a méticuleusement noté ces questions sur son carnet. Elle a ensuite lancé une recherche sur M. Lyre. Elle a testé plusieurs combinaisons du nom avec différents prénoms, sans succès. Le nom Lyre n'existe pas dans la base nationale ni dans celle d'Interpol.

Elle est rentrée chez elle à 20h30. Elle a pris une douche, a mangé des pâtes au beurre à même la casserole, a nourri son chat avant de se coucher à 22h30 avec la ferme intention de s'octroyer une nuit complète de repos.

Elle s'est réveillée en sursaut à 00h30. Elle a essayé de son rendormir, mais son cerveau préférait réfléchir au dossier Fridlander. Elle s'est tournée et retournée dans son lit, incapable d'endiguer le flot de questions et d'hypothèses qui fusaient de toute part dans sa tête. De guerre lasse, elle s'est levée du lit, et est retournée dans son séjour pour y récupérer son ordinateur. De retour dans sa chambre, elle l'a allumé et lancé le premier épisode de la dernière saison de la série télévisée Dexter. Le héros est à la fois un tueur en série et un justicier. Pour assouvir ses pulsions meurtrières, il n'assassine que des criminels ayant échappé à l'administration judiciaire. Le concept est simple. Il a même l'air pratique. On laisse les criminels s'entretuer jusqu'au dernier, et soudain, le monde se porte à merveille. Il ne faut pas s'y laisser prendre. L'idée n'est belle qu'en apparence tout comme les promesses d'un politicien pendant la période électorale. Elle ne peut exister que dans l'imaginaire. L'imaginaire est infini. Il est modulable. Le réel ne l'est pas. Le réel est un carré rigide. On ne sort des lignes délimitées qu'à ses risques et périls. Le psychopathe tueur en série n'a pas plus de conscience que les criminels que la police pourchasse. Il tue à répétition parce qu'il ne fait pas la différence entre le bien et le mal. Il a son propre système de valeurs. Le rendre tout-puissant, lui donner le pouvoir de décider de la vie ou de la mort, revient à faire entrer le loup dans la bergerie en espérant que les moutons y survivent. Ils mourront tous. Tôt ou tard, ils mourront tous parce que le meurtre corrompt l'âme.

Elle n'adhère pas forcément aux théories que certaines séries dramatiques développent, mais elle n'en reste pas moins amatrice de celles qui font l'apologie de l'anarchie et de la violence ainsi que des films d'horreur. Elle s'est endormie devant son ordinateur. Il était 03h32.

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06h30. La radio se déclenche automatiquement. Le réveil est difficile. Elle tergiverse, mais finit par quitter son lit. Elle enfile rapidement sa tenue de sport — de longues leggings et un t-shirt à manches longues, et sort de l'appartement.

Dehors, la nuit est noire et le jour tarde à se lever. Elle pose ses écouteurs sur ses oreilles, et à petites foulées, descend la rue de Pixerécourt. Elle traverse la rue de Palestine, puis, la rue Fessart pour atteindre les buttes Chaumont. Le parc est désert. Le vent froid souffle bruyamment. Les feuilles s'agitent. Le parc vivant et animé en journée, a désormais l'air menaçant. Le silence y règne. Il maximise le moindre bruit, le bruissement des feuilles mortes lorsqu'on foule le sol, le vol des oiseaux ou le coassement sordide des corbeaux. On n'a pas peur, mais on est aux aguets. On sursaute quand un autre coureur déboule sans prévenir. Plus tard, on rit parce qu'on se sent un peu bête de s'être laissé effrayer.

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