Chapitre 5 : La Lettre

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Juin 1970, Trapani en Sicile

J'avais 20 ans, les mois commençaient à défiler. J'avais la sensation que l'Italie m'a déjà tout donnée. Une langue, une culture, une famille, un métier, mais je voulais découvrir d'autres cultures, découvrir d'autres horizons. Je voulais voir des gens comme moi, de la même couleur de peau que moi. En me renseignant quelques mois avant le mariage de mon frère. J'avais vu que des paquebots qui quittaient l'Italie pour les États-Unis, un continent décrit comme l'Eldorado. J'avais donc déjà mis de côté et payer à moitié mon billet pour Boston, qui était d'une somme ahurissante.

J'avais tout de même réussi à réserver une place dans l'un de ses grands bateaux. Je suis arrivée en Europe sur un bateau et je repartirai sur un autre bateau. Je travaillais d'arrache-pied pour mettre de l'argent de côté. Ma famille n'était toujours pas au courant de mon projet de quitter l'Italie. À vrai dire, je ne leur en avais jamais parlé de cette soudaine envie d'aventure.

Mais je ne pensais pas que ça allait être aussi difficile de mettre un pied sur ce bateau.
En effet, il me restait tout juste 4 mois avant mon départ vers l'inconnu. Après une matinée surchargée de travail, je me rends au port, pour payer le reste de mon billet auprès de la douane. Une énorme file d'attente, m'attendait, c'était le jour du paiement du mois. La longue file d'attente décrivait bien l'ampleur de la situation en Europe. Tout le monde voulait fuir l'Europe d'après-guerre. Les Etats-Unis étaient devenues la nouvelle destination, c'était le pays qui nous avait aidées à vaincre l'Allemagne d'Hitler. Mais c'était aussi le pays de la ségrégation raciale. Elle en était d'ailleurs encore fragilisé. Je prenais donc là un réel risque. En effet, les personnes de couleurs n'étaient pas très appréciées et n'étaient ni considérées. Mais l'Italie avait été en quelques sortes un avant-goût de ce qui allait m'attendre aux États-Unis. J'avais été réaliste en optant pour le nord au lieu du sud.

C'est à mon tour, un douanier me fixe fatigué par la pile de travail qui l'attend aujourd'hui. Vu le désespoir dans ses yeux, je m'avance au plus vite vers lui au comptoir.

- Buongiorno ! Dis-je

Je lui passe mon ticket de paiement. Il regarde mon ticket, lit les informations qui lui son nécessaire puis il ajouta :

- 280 lires italiennes, mademoiselle ! Affirma-t-il

Je lui tends, ma petite liasse de billets humidifiés, à cause de mes mains moites. Le stress que quelqu'un de mon entourage puisse me voir au port, devant ce douanier me provoque des bouffées de chaleur.

- Voici pour vous !

- Merci ! Il vous reste donc 895 lires à payer avant les 4 mois qui suivent, sinon le billet vous sera retiré.

- C'est noté ! Merci à vous ! Répondis-je

- Je vous donne votre reçu que vous devez garder précieusement avec les précédents.

- Merci Monsieur ! Bonne journée,

- Bonne journée Mademoiselle !

En quittant le port, j'aperçus une silhouette près d'une épicerie juste en face de celui-ci. Une
jeune femme qui à vrai dire ne passait pas inaperçu. Elle portait une jolie robe blanche évasée avec des coquelicots rouge imprimés, elle me fit un signe de la main. Surprise, je me retournai, pour vérifier si c'était bien moi qu'elle appelait.

- Graziella !! Cria-t-elle

Je la regarda de plus près, surprise qu'elle connaisse mon prénom. Soudain, je l'ai reconnue, oh, mais c'est la jeune femme que nous avions aidée avec Papa et Maman. Comment s'appelle-t-elle déjà ?! Oh oui Giulia, oui Giulia. Je traversai la route agréablement surprise de la revoir tout en ayant une boule au ventre en pensant qu'elle aurait pu me voir payé mon billet.

- Allez monter ! Je t'emmène faire une balade !! Dis-t 'elle avec enthousiasme

Elle se précipita vers une Citroën DS d'un magnifique rouge vermillon. Je montai dans la voiture heureuse de voir qu'elle se portait mieux. Elle me remercia longuement et fut si reconnaissante qu'on est pris soin d'elle cette fameuse nuit. Elle me raconta qu'elle était heureuse de me voir et comme le hasard fait bien les choses.

- Graziella, tu as été une très belle rencontre, des gens comme toi, ça ne court pas les rues ! S'exclama t'elle

- C'est gentil de votre part ... Rétorquais-je

- Je peux de confier un secret ?! Me coupa t'elle
D'ailleurs, tu peux me tutoyer bella !

- Oh d'accord ! Euh, oui, bien sûr, si je peux aider. Répondis-je

- Alors voilà, je vais quitter la Sicile pour rejoindre mon époux en Amérique !! Il est déjà là-bas et j'ai tellement hâte !! S'exclamait 'elle

- Je suis très contente pour toi ! L'Amérique, c'est tellement grand. Répondis-je mal à l'aise

Je me posais toute sorte de questions, m'avait-elle vu payer mon billet au port ? Tout à coup, je regrettai dans l'immédiat d'être montée dans sa voiture. Elle me confiait que c'était une surprise qu'elle comptait lui faire, qu'elle partirait dans 3 jours pour jour. Elle se stationna et sortit aussitôt de la voiture se dirigea vers le coffre et sortie un petit sac de voyage. Elle s'installa de nouveau sur le siège conducteur et me présenta le sac.

- Voilà ! Je voudrais te demander un dernier petit service ! Dit-elle tout embarrassée

Je regarde le sac en me demandant qu'est ce qui se trouve là-dedans.

- Euh oui, lequel ? Répondis-je

- J'aimerais que tu me gardes mon petit sac de voyage. Comme en ce moment, la maison est sens dessus dessous avec le démangent et le voyage qui arrive à grands pas. Je ne veux pas risquer que ma valise se retrouve dans un camion de déménagement. M'explique-t-elle ?

- Oh, tu ne m'étonnes pas de problème ! Quand veux-tu la récupérer ? Lui demandais-je

- La veille de mon départ, si c'est correct pour toi ? Dit-elle

Elle me remercia et m'invita à aller manger des pâtisseries françaises dans sa boulangerie préférée à la frontière de Trapani et d'une ville voisine. Elle me déposa en fin d'après-midi. Avant de me laisser déposer devant la maison, elle glissa un paquet de lettres déjà ouvertes liées par une vielle ficelle, dans la poche arrière de la valise. Avant de me la remettre.

- Surtout, prends en soins, j'en aurais besoin pour ma nouvelle aventure tout est dedans, toute mon histoire Graziella. Affirma-t'elle

J'avais l'impression que sa vie en dépendait. Je pris la valise et la saluai avant de rentrée chez moi. Elle repartit aussi vite dans sa petite voiture rouge.
En rentrant à la maison, je tombai nez à nez avec mon frère et ma belle-sœur. Ils s'apprêtaient à partir, mon frère m'embrassa fort et sortit de la maison.

- Oh, ne fais pas attention à lui ! Il vient de perdre son pari avec pépé. Haha tu le connais, il est mauvais perdant. S'exclama-t-elle

- Haha ! C'est du Émilio tout craché ! Répondis - je

Elle prit de mes nouvelles et m'embrassa elle aussi, juste avant de me proposer de passer la soirée ensemble demain avec une amie à elle. C'est une énième soirée entre filles qu'elle organise demain. Elle ne fit même pas attention à la valise de Giulia, tant mieux. Même moi cette valise m'intriguait, c'était censé être une simple valise de voyage mais je n'avais pas à la paix. En fin de soirée après avoir mangé avec mes parents et mettre douchée. Je regardai la valise posée délicatement près de mon bureau et décidai de regarder ce qu'il y avait dedans.
J'ouvris délicatement la valise, il y avait des vêtements, une trousse de beauté, enfin rien d'alarmant. Jusqu'à ce que je décida de fouiller un peu plus au fond. Il y avait beaucoup alors beaucoup de liasse de billets environ une douzaine qu'elle avait scotché et tassée soigneusement au fond de sa valise. Je fus saisie de peur et de questionnement.
Dans quelle affaire je me suis mis pourquoi ai-je fouillé ce sac ou ne serait-ce que de l'avoir pris avec moi chez moi ! Mais qui est-elle ? Je refermai la valise après avoir remis tout en ordre. Je décidai de prendre le paquet de lettres attachées entre elles, dans le poche arrière. En prenant le paquet, une lettre glissa du paquet. Je l'ai saisi et la lis :

« Mi amor,
Le temps sans toi, me parait si long. La distance est une souffrance pour mon cœur. Je suis si malheureuse d'être aussi loin de toi. J'aimerais devenir tienne entièrement et être libre de t'aimer inconditionnellement. J'aimerais te rejoindre et commencer une nouvelle vie à tes côtés mi Teo. Tiano sort bientôt de prison, et j'angoisse a l'idée de le retrouver. J'aimerais divorcer afin de pouvoir t'aimer sans contrainte. Mais le divorce n'existe pas chez nous, tu le sais, c'est soit la mort ou la prison qui peuvent nous séparer d'un mafieux. Dona Bella est souvent sur mon dos, car mes allées retours en ville se font de plus en plus, en vue de mon départ imminent vers l'Amérique pour te rejoindre Teo.
Moi qui restais cloîtré à la maison après ma dernière fausse-couche et le départ en prison de Tiano ça fait maintenant 3 ans qu'il est parti en prison. Et maintenant il va sortir, je pense que tu sais pourquoi Don Giacomo à tout fait pour que son fils chéri sorte. Au plaisir de te prendre dans mes bras mon amour. Vous nous manquez tous les deux énormément. J'espère que l'Amérique vous réussit à tous les deux au niveau des affaires de la famille. Loin des yeux, mais près du cœur mi amor.

G. »

En regardant l'enveloppe de la lettre de plus prêt. J'ai vu que celle-ci avait été retournée chez son expéditeur. La lettre était destinée à un certain Teodore Caprenone résident à Chicago aux États-Unis.

GraziellaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant