Chapitre 5.

36 4 4
                                    

« La voix est un second visage. » Gérard Bauër

Le lendemain, Lily n'attendait qu'une chose : la fin des cours. Elle était excitée à l'idée de savoir que quelqu'un du lycée allait venir chez elle, dans sa petite maison ou aucune autre jeune âme à part elle ne passait la porte. Pour la première fois, elle avait l'impression d'avoir un semblant de vie sociale. Quand elle sortit, Samuel l'attendait à côté de sa BMW. Elle pressa le pas vers lui sentant qu'un sourire niais était en train de se dessiner sur ses lèvres.

- C'était comment ce cours de chinois ? demanda-t-elle en arrivant près du jeune homme.

- Pas trop mal, même si je pige toujours rien...

Sans rien dire d'autre, Lily s'installa au volant de sa voiture. Avant qu'elle ne ferme la porte de l'habitacle, Samuel lui dit qu'il allait la suivre avec son pick-up. Elle acquiesça, précisant qu'elle tenterait de ne pas rouler trop vite. Chacun fit rugir le moteur et ils s'engagèrent sur la route.

Lily ajusta le rétro viseur afin d'observer son reflet, elle s'était remaquillée dans les toilettes avant de sortir, chose qu'elle ne faisait jamais d'ordinaire. Elle se mordit les lèvres. Sans s'en rendre compte, elle était stressée. Certainement la peur de l'inconnu, la peur d'être jugée, la peur de décevoir. A quoi pouvait bien s'attendre Samuel en venant chez elle ?

Après dix minutes à rouler dans la musique rock diffusée par l'autoradio, Lily gara son véhicule devant la porte du garage. Samuel se rangea sur le trottoir et sortit, examinant les alentours de la maison.

- C'est joli cette rue, on se croirait dans un magazine, fit-il d'un ton admiratif.

- Tu parles. Cette ville est standardisée, ma maison est identique à celle de tout Paradise ! répondit Lily d'un air blasé.

- Je le saurais si j'habitais dans une maison pareille ! Chez moi c'est beaucoup plus vieux et moisi...

Lily haussa un sourcil en tournant les clefs dans la serrure de la porte d'entrée. Elle n'avait jamais vu de bâtisse de ce genre, il devait vivre dans un endroit reculé de la ville. Ce fut ce que Samuel confirma par la suite : il habitait plus au nord, à un quart d'heure en voiture du lycée.

Non sans une certaine appréhension, la jeune fille rousse invita son convive à grimper au premier étage, elle le suivit en silence, une boule dans la gorge. Elle ouvrit la porte de sa chambre et le fit entrer. Elle fixa les pieds de Samuel franchir le seuil et avancer jusqu'à la fenêtre à l'autre bout de la pièce. Il y avait un garçon, là, dans son coin, dans son territoire, dans le seul endroit au monde où elle avait le droit d'être elle-même. L'événement lui coupa quelques secondes le souffle. Il y avait un camarade de classe dans sa chambre. Il y avait un mec beau et sympa dans sa chambre. Putain, il y avait un « ami » dans sa chambre. Elle avait envie de hurler de joie et se trouvait à la fois tellement pathétique.

Elle laissa tomber son sac près de la commode et regarda Samuel, de dos, avec encore sa veste et son sac, scruter le paysage devant la vitre, comme absorbé par la vue. Elle fit couler son regard le long de son dos, détaillant la façon dont il se tenait, mains dans les poches, dans une attitude nonchalante qui donnait à voir un corps mince avachi. On sentait pourtant une sorte de droiture émaner de lui, comme si ces cheveux décoiffés qui tombaient dans son dos et ce vieux sac n'étaient qu'apparence, une volonté de paraître faussement négligé. Il se tourna vers elle pour lui sourire simplement. Elle entrevit ses fossettes dans sa barbe de trois jours. Elle crut fondre mais se ressaisit. Quel était cet effet ? Pourquoi quand elle posait les yeux sur Samuel elle sentait son sang se transformer en chocolat ?

« Parce qu'il est totalement craquant ce mec. Arrête de te poser des questions bêtes, ma vieille. »

Lily eut un sursaut et secoua la tête, faisant croire à un frisson. Elle reprit un semblant de contenance.

Les Mondes Parallèles - DivinationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant